Diomaye Faye et Ousmane Sonko, et si c’était « culturel » ?

La non-candidature d’Ousmane Sonko à la présidentielle résulta d’une machination politique sous parapluie judiciaire. La démocratie sénégalaise, à la réputation peut-être quelque peu surfaite, n’en est pas sortie grandie. Mais Sonko, en s’y résolvant, en a accepté les retombées institutionnelles en cascade.

Il semble néanmoins que, chemin faisant, l’inversion au sommet de l’Etat du rapport « hiérarchique » préexistant au sein du parti ait été mal vécu par l’actuel PM. À quoi s’ajoute le sentiment d’une présidence par procuration qui, du point de vue de Sonko, pourrait se résumer par deux convictions connexes : c’est grâce à moi que tu occupes la place et c’est moi qui aurais dû l’occuper. Reste que la réalité institutionnelle est un fait. Et il a été ratifié par la présidentielle. C’est dans le refus en pointillé de cette réalité que se loge le « culturel » sans verser dans le culturalisme.

C’est d’ailleurs de culture politique qu’il s’agit, cet « ensemble de croyances et de valeurs empiriquement observables » pour reprendre une définition admise. Il semble que l’interpersonnel ait surclassé la logique institutionnelle. Celle-ci instaure un rapport de pouvoir pourtant clair et lisible .

D’où viennent les interférences parasites ? D’une acculturation imparfaite aux normes institutionnelles ? Après tout, il s’est trouvé hors de nos frontières (africaines) des situations peu ou prou proches de celle qui a cours au Sénégal sans avoir entraîné des conséquences identiques. Loin s’en faut.

John Kerry fut ministre de Barack Obama. Il est pourtant vraisemblable que sans le discours augural d’Obama le 27 juillet 2004 en soutien à la candidature (malheureuse) de Kerry à la Maison-Blanche, Obama ne serait probablement pas devenu président des Etats-Unis ;

Autre exemple américain, l’ancien VP Dick Cheney, décédé récemment, avait dû son poste de directeur de cabinet de Gerald Ford de 75 à 77 à son patron de l’époque, Donald Rumsfeld. Lequel deviendra pourtant « son » ministre de la défense.

En France, Edouard Balladur n’est devenu PM de François Mitterrand (mars 93 à mai 1995) que parce que Chirac voulait éviter une expérience de cohabitation ruineuse en popularité et donc risquée dans la perspective de la présidentielle. On a « vu » la suite. Les relations entre les deux hommes se sont détériorées mais l’ordre institutionnel et ses codes n’en ont pas été fondamentalement bouleversés. A l’inverse, les moins jeunes d’entre nous ou les plus férus d’histoire politique se souviennent de la défiance des co-auteurs du coup d’Etat au Mali à l’égard de Moussa Traoré au prétexte que tous avaient été acteurs du putsch qui a renversé Modibo Keita. Il a fallu que Moussa fasse arrêter Thiécoro Bagayoko, Karim Dembélé et Kissima Doukoura pour apparaître comme le maître incontesté du pays. Scénario ni souhaitable ni a priori envisageable au Sénégal.

En Mauritanie, comment expliquer le comportement bravache de l’ancien président Ould Abdel Aziz à l’égard de son successeur si ce n’est par le sentiment que le premier a d’avoir été à l’origine du « couronnement » du second? Que les choses soient claires, les institutions ne peuvent être totalement désincarnées mais en notre belle Afrique la personnalisation du politique continue d’avoir la part belle.

 

 

Tijane BAL pour Kassataya.com

 

 

 

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