La gestion transparente des deniers publics passe, nécessairement, par celle d’un contrôle rigoureux de l’adjudication des marchés. Cette mission est confiée à la Commission centrale des marchés (CCM). Mais force est de constater que dans cette structure l’opacité règne en maître absolu.Depuis son accession à la magistrature suprême, le président de la République, Mohamed Ould Abdelaziz, essaye de renverser la tendance pernicieuse dans la gestion des deniers publics pour une plus grande transparence.
A ce titre, l’Inspection générale de l’Etat, bras armé du président contre la gabegie, ne chôme pas. Mais l’épine dorsale de cette lutte contre la mauvaise gestion dépend, sans doute, de la transparence que l’Etat peut imprimer à la passation des marchés publics souvent sources de dépassements et terrain fertile à la corruption. En effet, et à de très rares exceptions, les attributions des marchés publics ont toujours donné matière à controverses. Pire encore, la sélection en amont des entreprises adjudicateurs de marchés publics laisse entrevoir des pratiques peu orthodoxes. Et c’est à l’aune d’une investigation qui nous a menés dans les locaux de la CCM que l’on comprend aisément que la CCM n’entend pas faire patte blanche.
Besoin de garantie
Suite à un PV de réunion de la Commission centrale des marchés tenue le 29 septembre dernier (PV N°45/10 CCM), sous la présidence de Sy Adama Mamadou, son président, l’on apprend que le ministère des affaires économiques et du développement a introduit une lettre (N°0668/DPEF/TM/10) pour la réimpression de 74 manuels scolaires. Selon la motivation de cette décision ; la CCM précise : «La Commission après examen et analyse de deux projets de marchés passés respectivement avec TOP GROUP HONKONG approuve ceux-ci ». Le marché est éclaté en deux lots. Le premier lot (N°1) porte sur la réimpression 38 manuels scolaires pour un montant HT de 371 900 $ US et un délai d’exécution de 5 mois. Le second lot attribué au même adjudicateur porte lui sur la réimpression de 36 manuels scolaires pour un montant HT de 1 625 060 $ US et un délai d’exécution de 5 mois. Au total, les deux marchés dont l’attributaire est le même est passé pour plus d’un demi-milliard d’ouguiyas. L’on ne sait pas bien sûr la nature de ces manuels, ni le nombre de pages de chacun des manuels dont ce n’est là, faut-il le rappeler, que la réimpression. Les manuels ne seront livrés, dans les meilleurs délais, qu’en janvier 2011.
Le président de la CCM intouchable !
Ce n’est pas tant l’enveloppe qui même si, en profanes, nous la trouvons exagérer qui a attiré notre attention. Le premier réflexe était donc de prendre attache avec la CCM. Mercredi vers 10 heures. Un premier appel. L’on nous fait poiroter avant de nous expliquer que le président était absent. 14heures on revient à la charge. Cette fois, on se fait annoncer par l’une des trois secrétaires qui meublent un appendice de bureau. «Le président ne reçoit pas aujourd’hui» annonce la secrétaire. La présence de H.O.T sur les lieux nous convainc du contraire. «Alors on pourrait le voir jeudi, jour d’audience », bredouille-t-on pour mieux connaître les intentions du président. Aucune circonstance atténuante. «Il dit ne pas vouloir vous recevoir» crache finalement la secrétaire visiblement gênée. Mais c’était au moins clair. Et dire que le président de la République a plaidé pour l’accès des médias aux sources d’informations exhortant les administrations à plus l’ouverture et de communication. Le principal avantage aurait permis de contribuer à lever les équivoques. Mais on en fait les frais. Et on l’accepte à contrecoeur. Cette fin de non recevoir nous renvoie à nos chères suspicions, «circulez, il n’ y a rien à voir». Mais qu’à cela ne tienne puisque le président de la CCM, dans sa tour d’ivoire, ne veut pas donner des explications, nous restons circonspects sur la transparence de ce marché. Nous avons tenté de trouver une trace à ce TOP GROUP HONKONG. Rien du tout. Pas même sur la toile. La seule entreprise chinoise répondant à cet acronyme est une société chinoise investie dans l’acier et le fer (http://www.ecvv.com/company/summittop/index.html). Elle ne fait donc pas de l’impression. C’est indubitablement la nuit et le brouillard. Nous poussons nos investigations jusqu’à HongKong, en écrivant au plus grand répertoire de sociétés d’impression. La réponse qui nous parvient (voir facsimilé) du forum Hongkong traders Companies est sans appel. Aucune entreprise d’impression répondant à ce nom d’où les besoins d’éclaircissements escomptés de la CCM.
Jedna DEIDA
De la Compétence de la CCM
«La Commission Centrale des Marchés est prévue au code des marchés publics qui fixe, au terme des articles 54, 55, 56 et 57, ses seuils de compétence, sa composition et son fonctionnement, ses attributions et le mode d’élaboration de son règlement intérieur.
La Commission centrale des marchés exerce ses attributions conformément aux dispositions du décret n° 2002-08 du 12 février 2002 portant code des marchés publics et de l’arrêté n° 01176 du 11 juillet 2006 portant seuils de passation, de contrôle et d’approbation des marchés publics, et seuils de compétence des commissions des marchés »
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 11/11/2010