Belem, une ville symbole des défis de l’Amazonie

Reportage - La cité fondée en 1616, dont 60 % des habitants vivent dans des bidonvilles, accueille la COP30 dans une zone ultrasécurisée. Elle incarne les paradoxes du Brésil moderne, aux portes de la forêt tropicale.

Le Monde – Révisez vos cartes : la capitale du Brésil a changé. C’est presque une habitude dans ce pays continent qui, après Salvador de Bahia (1546-1760), Rio de Janeiro (1763-1960) et Brasilia (actuellement), vient de déménager son centre politique et administratif à Belem, aux portes de l’Amazonie. Mais le transfert n’est que provisoire. Il n’est effectif que durant deux petites semaines, le temps de la Conférence des parties sur le climat (COP30), du 10 au 21 novembre.

Dans le quartier de Vila da Barca, à Belem (Brésil), le 23 octobre 2025.

Du jour au lendemain, l’arrivée de 60 000 visiteurs a catapulté la cité aux avant-postes de la scène mondiale. L’aéroport bourdonne, les bateaux se pressent dans la baie de Guajara. Les vieux docks débordent d’illuminations et de festivités. Partout, débats, conférences, expositions… David Fleury, 36 ans, producteur culturel, ne reconnaît plus sa ville : « Belem est en pleine ébullition ! » Cette métropole de 1,6 million d’habitants s’est refait une beauté. Ses façades rose bonbon, jaune d’œuf et vert fluo ont été repeintes. Le marché Ver-o-Peso (« voir le poids »), cœur névralgique de Belem, avec sa structure de fer et ses quatre tourelles, a bénéficié d’une rénovation complète : allées nettoyées, éclairage et réfrigération modernisés… C’est à peine si l’on y décèle encore le pitiu, cet effluve moite et tenace du poisson d’eau douce.

Soucieux de son image de champion du climat, le président Luiz Inacio Lula da Silva a vu grand pour « sa » COP. Ce transfert officiel et symbolique de la capitale, acté par une loi votée au Congrès, s’est accompagné d’un déploiement considérable de moyens. Le siège des négociations a été érigé sur 500 000 mètres carrés, l’aéroport modernisé, un terminal portuaire flambant neuf a vu le jour. Assainissement, routes asphaltées, couloirs de bus, parcs… Près de 1 milliard de dollars (866 millions d’euros) ont été investis pour transformer Belem en pimpante vitrine de l’Amazonie.

Changer l’image de la ville

« Le Brésil ne se résume pas au Sud, à Rio la belle ou à Sao Paulo l’industrielle ! », a déclaré Lula, le 1ᵉʳ octobre. Le chef de l’Etat a promu les trésors du Para, cet Etat vaste comme deux fois la France, dont Belem est la capitale. A la veille de la COP, il a rendu visite aux petits producteurs du rio Tapajos, à 800 kilomètres à l’ouest, participant à la cueillette de l’açaï et à la préparation de beignets de manioc.

Des paniers d’açaï au dock de Belem (Brésil), près du marché de Ver-o-Peso, livrés par les communautés des îles environnantes, le 25 octobre 2025.
Un plat typique de la cuisine du Pará, composé d’açaï, de poisson tambaqui, de farofa, de riz et de haricots, dans un restaurant sur l’île de Combu, en face de Belem (Brésil), le 24 octobre 2025.

Panama sur la tête, le VRP de l’Amazonie était dans son élément. De quoi changer, espérait-il, l’image d’une agglomération perçue par de nombreux Brésiliens comme une périphérie lointaine et exotique. Pour beaucoup, elle demeure synonyme de lenteur, de désorganisation, de chaleur étouffante et de léthargie économique. Manaus, pourtant plus isolée, apparaît bien plus dynamique : perdue en pleine forêt à 1 600 kilomètres de bateau en amont, elle affiche une population et un revenu par tête deux fois supérieurs grâce à sa zone franche industrielle. Voilà bien longtemps qu’elle a chipé à Belem le titre de capitale de l’Amazonie.

Pour Nilson Gabas Junior, « impossible de trouver meilleur lieu au monde pour une COP ! ». A la tête du Musée Emilio-Goeldi, l’un des plus anciens centres de recherche sur l’Amazonie, basé à Belem, cet homme chaleureux s’apprête à accueillir des dizaines de débats, en particulier sur les peuples indigènes, présents en nombre pour l’événement. « Notre ville est intriquée dans la forêt, dit-il. C’est le cadre idéal pour sentir l’Amazonie et prendre pleinement conscience des enjeux climatiques. »

Nilson Gabas Junior, président et directeur du musée Emilio-Goeldi de Belem (Brésil), le 23 octobre 2025.

La preuve ? Nilson Gabas Junior cite les pluies, torrentielles, qui s’abattent chaque jour. Mais aussi la gastronomie de poissons d’eau douce et de fruits tropicaux. Et surtout la musique, avec le rythme du carimbo, typique du Para, où les danseurs reproduisent la parade amoureuse des oiseaux de la jungle, et les fêtes technos dites d’« aparelhagens », animées par des créatures mécaniques géantes – aigles, buffles, jaguars, serpents ou caïmans d’acier. « Ici, la forêt s’immisce partout », assure-t-il.

La « Bethléem des tropiques »

Comment pourrait-il en être autrement ? La « Bethléem des tropiques » est depuis des siècles la porte d’entrée des Amazonies. Initialement appelée « Feliz Lusitania » (« Lusitanie heureuse »), elle voit le jour en 1616, à la confluence des rivières Guama et Acara, fondée par des colons portugais déterminés à contrer les incursions britanniques, françaises et espagnoles dans la région de l’estuaire de l’Amazone. Les colons y érigent le fort de la Crèche, d’où naîtra, au rythme des marées, une cité de marchands et de missionnaires où se mêlent Européens, esclaves africains et indigènes.

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 (Belem (Brésil), envoyé spécial)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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