Avant la COP30, à Belem, des chefs d’Etat défendent l’action collective face aux « prophètes du désordre »

La réunion pour le climat rassemblant une soixantaine de dirigeants, jeudi 6 et vendredi 7 novembre, à Belem (Brésil), s’est ouverte dans une ambiance sombre, en l’absence de représentants des Etats-Unis ou de l’Inde.

Le Monde – A proximité des militaires qui gardent les avenues bouclées, des jardiniers s’activent encore autour des parterres de fleurs. A l’intérieur des immenses tentes climatisées dressées sur le Parque da Cidade de Belem, les couloirs fourmillent de travailleurs cloutant des moquettes, transportant des pots de plantes sur des chariots à roulettes, s’affairant autour de tables encore empilées…

Jeudi 6 novembre, les installations qui accueilleront la 30e Conférence des parties sur le climat (COP30) du 10 novembre au 21 novembre, ne sont pas encore tout à fait prêtes. « C’est un sacré défi pour nous de tout terminer à temps », confie une travailleuse brésilienne, au milieu des conseillers et de délégués déjà présents pour prendre possession des lieux.

Dès jeudi matin, Belem, 1,4 million d’habitants et porte d’entrée de la forêt amazonienne, est devenue le cœur battant de la diplomatie environnementale. Pendant deux jours, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, y organise un sommet pour le climat. Une façon de donner la parole aux chefs d’Etat et de gouvernement en préambule de la COP, et ainsi de soulager les infrastructures hôtelières d’une ville non adaptée pour accueillir un tel événement.

Symbole

Mais le symbole d’organiser la grand-messe onusienne à l’orée de la forêt amazonienne était trop important pour le président brésilien. « C’est le moment où les peuples de l’Amazone peuvent se tourner vers le reste du monde et leur demander : “Qu’avez-vous fait pour que notre maison ne s’écroule pas ?” », a-t-il déclaré à la tribune, agitant le souvenir du crucial Sommet de la Terre de Rio, en 1992, une des premières étapes du multilatéralisme climatique.

Dix ans après l’accord de Paris, alors que la planète est toujours sur une trajectoire de réchauffement de 2,8 °C à l’horizon 2100, et un an après l’élection du climatosceptique Donald Trump à la tête des Etats-Unis, l’événement s’est ouvert dans une ambiance sombre. « La fenêtre d’opportunité [pour agir contre le changement climatique] se ferme rapidement », a poursuivi Lula, avant de rêver à voix haute d’une « COP de la vérité ». « La vérité est que nous n’avons pas réussi à maintenir le réchauffement à moins de 1,5 °C », a ajouté Antonio Guterres. Le secrétaire général des Nations unies voit dans le dépassement du seuil le plus ambitieux de l’accord de Paris une « faillite morale » collective, que les peuples subiront : « La science nous dit que l’overshoot aura lieu au début des années 2030. Les conséquences en seront dramatiques. »

Le président français, Emmanuel Macron, et le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva,lors d’une rencontre bilatérale dans le cadre de la COP30, à Belem, au Brésil, le 6 novembre 2025.

Comme souvent, et à chaque fois de façon un peu plus intense, la diplomatie climatique est à un moment charnière. Depuis 2022, alors que le multilatéralisme est percuté par les guerres en Ukraine ou à Gaza, et par les surenchères douanières des grandes puissances, elle avait plutôt bien résisté. En 2023, lors de la COP28 de Dubaï, aux Emirats arabes unis, les parties sont même parvenues à un accord sur la « transition hors des énergies fossiles ». Mais des signes de fléchissement se multiplient.

Avant le début de cette COP, seulement 99 parties sur les 197 liées à l’accord de Paris ont présenté leur contribution déterminée au niveau national, c’est-à-dire leur plan de lutte contre le réchauffement dans les années à venir. Jeudi et vendredi, à peine 29 chefs d’Etat ou de gouvernement devaient prendre la parole. Loin du total de 75 lors la COP29 de Bakou, organisée en 2024.

Si le président français, Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Friedrich Merz, le premier ministre britannique, Keir Starmer, le président colombien, Gustavo Petro, ou encore la présidente hondurienne, Xiomara Castro, ont fait le déplacement, des gros émetteurs comme l’Inde ne sont pas représentés. La Chine, elle, reste au cœur du jeu, sans jamais oublier ses propres cartes. « Nous devons renforcer la collaboration internationale dans le domaine des technologies et des industries vertes, supprimer les barrières commerciales et garantir la libre circulation des produits verts », a déclaré à la tribune Ding Xuexiang, vice-premier ministre chinois, critiquant implicitement le fait que l’Union européenne tente de se protéger face à la déferlante de batteries et de voitures chinoises.

L’importance de l’action collective

Pour colmater ces premières fissures, les discours de jeudi ont souligné l’importance de l’action collective contre « les forces extrémistes qui fabriquent des mensonges pour obtenir des gains électoraux », selon Lula. « Les prophètes du désordre sèment le doute », a de son côté regretté M. Macron. Gustavo Petro a, lui, été plus explicite en désignant le président des Etats-Unis, qui a sorti son pays de l’accord de Paris au lendemain de sa réélection : « Trump est contre l’humanité ! »

Et les prises de parole ont toutes tourné autour de l’idée d’agir concrètement, ce qu’a voulu démontrer le Brésil en lançant, dès la première journée, le Tropical Forest Forever Facility, un mécanisme financier pouvant permettre, à terme, de récompenser les pays qui déforestent le moins. « Ce n’est plus le temps des négociations, c’est le moment de la mise en œuvre », a réclamé Antonio Guterres à la tribune.

Car beaucoup rêvent que cette COP30 soit enfin celle de la concrétisation des engagements, de l’implementation, mot anglais qui hante l’action climatique depuis des décennies. Plan pour réduire les émissions de méthane, travail sur l’adaptation, mobilisation des acteurs privés… Les dossiers qui attendent les négociateurs des 170 délégations sont nombreux. Dans cette ambiance plutôt morose, un trait de lumière est venu éclairer les défenseurs d’une action plus vigoureuse.

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 (Belem (Brésil), envoyé spécial)

 

 

Source : Le Monde

 

 

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