Au Mali, les djihadistes mettent Bamako sous tension en la privant d’essence

Le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans impose, depuis le 3 septembre, un blocus sur les importations de carburant maliennes. Les camions-citernes qui se risquent à rejoindre la capitale sont incendiés. Les militaires de la junte au pouvoir peinent à réagir.

Le Monde – Devant les stations-service de Bamako distribuant encore du carburant, les files d’attente ne cessent de s’allonger. Les clients y font la queue pendant de longues heures, parfois toute la journée, pour espérer remplir leurs réservoirs. Certains en viennent même à dormir devant les pompes pour être sûrs d’être servis.

« On n’a jamais vu ça. Trouver de l’essence est devenu un parcours du combattant. Le peu qu’on a, on l’économise pour les trajets essentiels ou les urgences », confie un Bamakois, sous le couvert de l’anonymat. Le gazole, jusqu’à présent davantage disponible, commence lui aussi à manquer. Ces derniers mois, le Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), la filiale sahélienne d’Al-Qaida, mène, en plus de ses opérations armées, un djihad économique visant à asphyxier la capitale et à affaiblir de l’intérieur la junte du général Assimi Goïta.

Depuis que le GSIM a décrété un blocus sur les importations de carburant provenant des pays voisins du Mali, le 3 septembre, la pénurie s’aggrave à Bamako et dans les grandes villes du centre et du sud du pays, telles Mopti ou Ségou, où les stations-service sont elles aussi quasi à sec.

En un mois et demi, des dizaines de camions-citernes en provenance du Sénégal ou de Côte d’Ivoire ont été incendiés par les djihadistes, qui multiplient les attaques et instaurent des checkpoints sur les principaux axes routiers menant à la capitale. Le 17 octobre, un nouveau convoi arrivant du territoire ivoirien a été ciblé avant d’atteindre la ville de Kolondiéba, dans le sud du pays. Bilan, selon des sources concordantes : une cinquantaine de camions-citernes supplémentaires détruits et des dizaines de milliers de litres d’essence partis en fumée.

Le voile rendu obligatoire

Les combattants du GSIM s’estiment par ailleurs suffisamment bien installés pour décréter l’application de principes de la charia. Dans une vidéo enregistrée le même jour, Bina Diarra, un des porte-parole bambara de l’organisation djihadiste dirigée par Iyad Ag Ghali, affirme que les femmes devront désormais obligatoirement porter le voile et être séparées des hommes dans les cars, pour voyager sans encombre sur les routes maliennes.

Il indique également que l’entreprise Diarra Transport, la principale compagnie de cars du pays, contrainte, début septembre, par le GSIM à suspendre ses activités pour cause de « complicité avec l’armée malienne », s’était « excusée » et était donc de nouveau autorisée à circuler, à condition que les voyageuses respectent les nouvelles consignes.

« Le GSIM exerce une pression croissante sur la junte d’Assimi Goïta, en resserrant son mouvement de tenaille autour de Bamako. Il met aussi en place ses propres formes de gouvernance au vu et au su des autorités, sans qu’elles soient capables de l’en empêcher », analyse une source sécuritaire régionale, sous le couvert de l’anonymat.

De fait, les militaires au pouvoir peinent à réagir face au blocus imposé par les djihadistes. Après les premières attaques de camions-citernes dans l’ouest et le sud du Mali, courant septembre, le gouvernement avait communiqué à propos de la riposte de l’armée, faite d’opérations de sécurisation des routes et d’escortes de convois de camions-citernes.

Le 7 octobre, un convoi de 300 camions-citernes, selon les autorités maliennes, était parvenu à rallier Bamako en venant de la Côte d’Ivoire. Roulant sous les acclamations de certains habitants, l’arrivée de celui-ci dans la capitale avait constitué un court répit pour la junte, confrontée à l’une des plus graves crises économique et sociale depuis sa prise de pouvoir par un coup d’Etat, en 2020.

« Même s’il faut aller chercher le carburant à pied avec des cuillères, nous allons le faire », avait déclaré, mi-septembre, le premier ministre, le général Abdoulaye Maïga, lors d’une rencontre avec une délégation du groupement malien des professionnels du pétrole. Mardi 21 octobre, devant les mêmes interlocuteurs, le chef du gouvernement a désormais estimé faire face à une « tentative de déstabilisation ».

Développement du marché noir

Les autorités de transition tentent de contrecarrer toute sLipéculation sur les prix qui pourrait attiser la tension ambiante. Elles effectuent des contrôles dans les stations-service pour vérifier que celles-ci respectent les prix plancher – 775 francs CFA (1,2 euro) le litre d’essence, 725 francs CFA (1,1 euro) le litre de gazole – et pour empêcher la constitution de trop grandes réserves dans des bidons.

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Source : Le Monde   – (Le 21 octobre 2025)

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