– Traînée par les jambes par plusieurs agents ghanéens de l’immigration, une femme d’une cinquantaine d’années se débat de toutes ses forces. Expulsée des Etats-Unis vers le Ghana le 6 novembre, cette ressortissante du Sierra-Leone crie sa crainte de se voir rapatriée dans son pays d’origine – des plaintes auxquelles les officiers restent sourds, la faisant monter manu militari dans un van, direction l’aéroport d’Accra.
Cette scène dont a été témoin Le Monde s’est déroulée mardi 11 novembre, dans un hôtel du nord de la capitale ghanéenne, où logeaient depuis leur expulsion des Etats-Unis, cinq jours plus tôt, un groupe de dix-neuf ressortissants ouest-africains – dix Nigérians, deux Guinéens, deux Sénégalais, deux Gambiens, deux Sierra-Léonais et un Malien. Il s’agit du troisième groupe connu de migrants reçu par les autorités ghanéennes dans le cadre d’un accord migratoire conclu avec Washington en septembre.
Aujourd’hui, ils ne sont plus que huit, cloîtrés dans des dortoirs où ils vivent avec une seule tenue, sans autorisation de sortir des alentours de l’hôtel, sous surveillance militaire. Les ressortissants nigérians, eux, ont été rapatriés, selon leurs camarades, dès le lendemain de leur arrivée à Accra.
« Depuis, on n’a plus aucune nouvelle d’eux », confie Ahmed (toutes les personnes concernées souhaitent rester anonymes et leurs prénoms ont été modifiés), guinéen, qui craint de subir le même sort prochainement. Arrêté à la frontière mexicaine alors qu’il tentait de rejoindre le sol américain, l’homme a passé ensuite neuf mois dans des centres de rétention de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), avant d’être placé dans un avion direction le Ghana, comme plusieurs dizaines d’autres ressortissants ouest-africains avant lui depuis l’entrée en vigueur de l’accord.
Légalité de l’accord migratoire contestée
« Le juge de l’immigration américain nous a pourtant garanti une protection contre un rapatriement vers notre pays d’origine au titre de la Convention contre la torture », explique-t-il. En guise de preuve, une décision de justice imprimée sur une feuille qu’il brandit dans sa main – un document que les huit migrants rencontrés par Le Monde avaient en leur possession, à défaut d’avoir des papiers d’identité, qu’ils disent s’être fait confisquer aux Etats-Unis.
Pour Ahmed, s’expatrier outre-Atlantique était une question de survie. Il craint la répression des autorités guinéennes, « une dictature » selon ses mots, qui le chercheraient pour son « activisme politique ». Moussa, originaire du Mali, dit également être dans le viseur de la junte au pouvoir. Il résidait aux Etats-Unis, avant d’être expulsé vers le Ghana.
Au moment de monter dans l’avion, « les agents de l’ICE m’ont assuré que des dispositions avaient été prises pour que je puisse m’installer au Ghana, assure Moussa. Mais quand je suis arrivé, les officiers ghanéens de l’immigration m’ont dit qu’ils allaient me renvoyer au Mali, ce qui est tout à fait illégal ».
La légalité de l’accord migratoire conclu avec Washington est actuellement contestée devant la Cour suprême du Ghana. La plainte, déposée par le cabinet ghanéen Merton & Everett, soutient notamment que le gouvernement ghanéen, en opérant des transferts de ressortissants vers leurs pays d’origine, malgré la protection qui leur a été accordée par la justice américaine au titre de la Convention contre la torture, violerait ses engagements internationaux ainsi que plusieurs articles de sa propre Constitution relatifs aux droits humains. Après un report de la première audience le 22 octobre, la prochaine doit se tenir le 12 novembre.
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