Courrier international – La photo était belle pour Donald Trump le 4 décembre à la Maison-Blanche. Entouré des présidents congolais et rwandais, Félix Tshisekedi et Paul Kagame, le président américain s’est posé en faiseur de paix après la signature d’un accord présenté comme “historique”. Pourtant, nuance “Le Pays”, dans l’est de la RDC, il reste beaucoup d’obstacles au retour de la paix. En outre, Washington n’a pas fait mystère de ses propres visées sur les minerais congolais.
Sous l’égide du président américain, Donald Trump, le président rwandais, Paul Kagame, et son homologue congolais, Félix Tshisekedi, ont entériné, le 4 décembre 2025, à Washington, un accord de paix visant à faire baisser les tensions entre les deux pays, dont les relations se sont dégradées ces dernières années. Et ce en raison de l’implication du Rwanda aux côtés du M23 [Mouvement du 23 mars, groupe rebelle armé actif dans le Kivu] dans la crise sécuritaire qui secoue l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis que le mouvement rebelle a repris les armes contre le pouvoir de Kinshasa, il y a maintenant quatre ans.
Un acte qui se veut d’autant plus une avancée majeure que c’est seulement la deuxième fois qu’une médiation parvient à réunir les deux chefs d’État antagonistes autour d’une même table.
Crépitements de flashs à Washington, crépitements d’armes dans le Kivu
La première fois, c’était en mars 2025, lorsque le prince Tamin ben Hamad Al Thani du Qatar, avait réussi, là où d’autres médiations avaient échoué, la prouesse de rassembler à Doha les deux chefs d’État, pour une rencontre qui reste encore dans les annales comme le premier pas vers la réconciliation entre les deux voisins.
Toujours est-il que la cérémonie d’hier [jeudi 4 décembre] est la suite logique d’un processus qui avait vu à l’œuvre, en amont, les ministres des Affaires étrangères des deux pays, entrés en scène le 27 juin dernier pour donner leur aval audit accord sous l’œil vigilant du locataire de la Maison-Blanche.
Et cet accord marque d’autant plus un tournant dans cette crise qu’il est censé valoir son pesant… de paix, dans un contexte où les populations congolaises restent fortement meurtries par le traumatisme d’une guerre sans fin et où les protagonistes se refusent tant au dialogue qu’au dépôt des armes.
Sauf que dans le cas d’espèce, cet accord dont peut légitimement s’enorgueillir le locataire de la Maison-Blanche a été signé sous les flashs des caméras au moment où le crépitement des armes se poursuivait sur le terrain en RDC. C’est dire si, malgré le grand tapage médiatique, la paix reste incertaine au pays de Félix Tshisekedi.
Et le chef de l’État congolais aurait d’autant plus tort de se faire outre mesure des illusions que, dans cette marche à pas forcés vers la paix, les préalables que tend à poser chacune des deux parties paraissent autant d’obstacles rédhibitoires au retour de la paix. En effet, Kinshasa n’attend rien moins qu’un désengagement formel de Kigali, accusé de soutenir le M23, dont le retrait de ses positions est une autre exigence des autorités congolaises. De son côté, Kigali exige aussi la “neutralisation” par Kinshasa des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), du nom de ces anciens génocidaires hutu rwandais réfugiés en RDC et opposés au régime de Paul Kagame.
C’est dire la complexité de cette crise rwando-congolaise qui ne semble pas près de connaître son épilogue, dans un contexte de forte méfiance entre les protagonistes.
Conflit au Kivu : l’avancée du M23 (15 octobre 2025) SOURCES : CRITICAL THREATS, CONTRIBUTEURS OPENSTREETMAP.
Au nom d’intérêts cachés
C’est pourquoi, aussi prometteur qu’il puisse paraître, cet accord de Washington semble répondre à d’autres impératifs. Surtout que, dans le cas d’espèce, tout porte à croire que la situation en RDC permet à Kigali de tirer ses marrons du brasier congolais à travers les revenus considérables qu’il tire de l’exploitation illégale et du trafic des ressources minières du pays de Félix Tshisekedi.
Quant au médiateur Donald Trump, il n’a jamais fait mystère de sa convoitise des “terres rares”, que ce soit en Ukraine ou en RDC, où il n’a pas hésité à marchander ses bons services d’ambassadeur de la paix contre un accès aux ressources rares du pays. Et ce n’est pas un hasard si, en marge de la signature de l’accord de paix entre Kinshasa et Kigali, Washington a aussi négocié la signature d’un texte avec la RDC qui lui permet d’avoir accès à une dizaine de minerais rares.
Et l’iconoclaste président américain, qui se pose plus que jamais en faiseur de paix dans le monde parce que lorgnant le Nobel en la matière, pourrait faire d’une pierre deux coups en ajoutant un autre succès à son palmarès.
C’est dire si, au-delà de son côté médiatique, l’accord de Washington ne pousse pas au plus grand optimisme. Et tout porte à croire qu’il a été signé plus au nom de certains intérêts cachés que pour le retour de la paix véritable, qui reste la plus grande aspiration des populations congolaises.
En tout état de cause, cet accord est déjà un pas. Et l’on peut se féliciter que les deux chefs d’État aient accepté de faire le déplacement dans la capitale américaine. Mais le tout n’est pas de signer un accord. Encore faut-il que les uns et les autres tiennent leurs engagements pour en faciliter la mise en œuvre.
Et c’est sur ce terrain-là que le facilitateur américain est attendu, pour peser de tout son poids afin d’obtenir le dépôt effectif et définitif des armes. C’est en cela que cet accord sera utile au peuple congolais, qui est le grand absent de cette rencontre de Washington, et qui continue de souffrir le martyre dans une guerre qu’il n’a pas demandée.
Le Pays (Ouagadougou)
Fondé en octobre 1991, ce journal indépendant est rapidement devenu le titre le plus populaire du Burkina Faso. Il multiplie les éditoriaux au vitriol. Il se présente comme un quotidien indépendant d’information générale et républicain.
Source : Courrier international (France)
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