Observation du comité contre la torture sur le rapport présenté par la Mauritanie :Esclavage, loi d’amnistie de 93, indépendance de la justice, disparitions forcées…

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Le comité des nations unies contre la torture, lors de sa cinquième session tenue du 06 au 31 mais 2013, a adopté des « observations finales » sur le rapport présenté par la Mauritanie.

Dans l’introduction de ce document, le comité déclare avoir accueilli avec « satisfaction le rapport initial de la Mauritanie » mais note qu’il (ce rapport) «n’est pas complètement conforme aux lignes directrices du Comité en matière de présentation de rapports, et regrette qu’il ait été soumis par l’État partie avec sept ans de retard. »

Au chapitre « aspects positifs » le comité contre la torture note « avec satisfaction » la ratification par la Mauritanie d’un certain nombre d’instruments internationaux.

Une disposition pénale incriminant la torture
Au chapitre « Principaux sujets de préoccupation et recommandations » le comité se dit préoccupé par le fait que «plus de huit ans après son adhésion à la Convention, la Mauritanie n’ait toujours pas adopté de dispositions pénales qui définissent et criminalise explicitement la torture comme infraction pénale autonome, et que les actes de torture ne puissent être sanctionnés qu’en tant que coups et blessures volontaires, ou homicide involontaire »
Concernant les « Allégations de torture et mauvais traitements » le comité est «particulièrement préoccupé par des informations crédibles qu’il a reçues, selon lesquelles depuis 2009, au moins deux détenus seraient décédés suite à des actes de torture. » Le comité recommande donc à la Mauritanie de «Donner des instructions claires et formelles aux responsables des forces de sécurité (police et gendarmerie) sur la prohibition absolue de la torture, sa pénalisation et sur le fait que de les auteurs de tels actes seront poursuiviset punis par des sanctions proportionnelles à la gravité du crime; » de « Prendre toutes les dispositions nécessaires pour s’assurer que les aveux obtenus sous la torture ne soient pas admis comme preuve contre les auteurs des aveux, durant l’enquête et le procès; »

Détention au secret et disparitions forcées
Au chapitre « Détention au secret et disparitions forcées » le comité « s’inquiète d’allégations reçues quant à la pratique de la détention au secret, qui constitue le terreau de la pratique de la torture et des disparitions forcées » et demande à la Mauritanie de « garantir la tenue à jour d’un registre des personnes privées de liberté, qui soit mis à la disposition de toute autorité judiciaire compétente. »
Le Comité demande à la Mauritanie «d’établir un mécanisme national de prévention suite à sa ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Indépendance de la justice
Au sujet de la justice, « le Comité est préoccupé par des allégations crédibles reçues, faisant état de pressions et d’instrumentalisation du système judiciaire. » Pour le comité, « l’article 89 de la Constitution de 1991, selon lequel le Président de la République est garant de l’indépendance de la magistrature, et préside le Conseil supérieur de la Magistrature ne fait que renforcer cette préoccupation. »

Refugiés de retour et lois d’amnistie de 93
Pour les refugiés, le comité recommande « la délivrance aux Mauritaniens expulsés dans le passé, et rapatriés, ainsi qu’aux membres de leurs familles, des documents d’identité. »
Au sujet de la loi d’amnistie de 1993 dont l’abrogation est demandée par des organisations de défense des droits de l’Homme et des partis politique mauritaniens, le comité demande « d’amender cette Loi d’amnistie n°92-93, et de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre l’impunité des auteurs d’actes de torture, y compris en permettant l’accès à des recours effectifs aux victimes et leurs ayants-droits. »
Le Comité demande aussi « d’assurer la protection des victimes et de leurs familles cherchant réparation contre d’éventuelles représailles ou intimidations. »
Le Comité s’est dit également « préoccupé par le fait que la législation actuelle ne contient aucune disposition garantissant la réparation des préjudices causés aux victimes de torture. »

Pratiques esclavagistes
Au sujet de la mise en œuvre de l’interdiction des pratique esclavagistes, le comité a écrit «Tout en prenant acte de l’information fournie par la délégation de l’Etat partie, selon laquelle 15 plaintes sont actuellement examinées par des instances judiciaires de l’Etat partie pour des cas présumés d’esclavage tombant sous le coup de la Loio 2007-042 du 3 septembre 2007 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, le Comité regrette l’absence d’information statistique quant à nature et l’incidence de l’esclavage. Le Comité est également préoccupé que les décisions de justice adoptées dans ces cas aboutissent généralement aux infractions relatives au travail des mineurs ou à des questions relatives à la propriété, de sorte que le crime d’esclavage est vidé de tout contenu sur le plan juridique. Par ailleurs, la Loi de 2007 n’intègre pas la dimension de discrimination intrinsèque à cette pratique. Le Comité fait également écho à la préoccupation de la Rapporteur spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, qui avait pu constater que la Loi ne pouvait être invoquée que dans le cadre de poursuites pénales contre les propriétaires d’esclaves, et reposait donc entièrement sur le bon vouloir de la police et du Ministère public, sans possibilité pour les victimes de se constituer partie civile afin d’obtenir réparation. »

Discrimination raciale

Le comite demande à la Mauritanie de : « Inclure dans le Code pénal une disposition définissant, et incriminant spécifiquement la discrimination raciale ou ethnique, y compris les pratiques esclavagistes, et qui soit assortie de peines proportionnées à la gravité des actes en question.
Le comité demande à la Mauritanie « d’inclure, dans la Loi no 2007-042 du 3 septembre 2007 une définition qui inclue toutes les formes d’esclavage, et qui soit assortie de mesures de réparation et de réhabilitation d’anciens esclaves , d’amender la Loi no 2007-042 du 3 septembre 2007, de sorte à permettre aux victimes d’esclavage, ou de pratiques associées, de déclencher l’action du Ministère public en se constituant parties civiles, afin d’obtenir réparation.

Khalilou Diagana

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 05/06/2013{jcomments on}

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