Brigitte Bardot, icône mondiale du cinéma et grande amoureuse des animaux, est morte

Nécrologie – L’actrice qui déclencha une véritable révolution en jouant « Et Dieu… créa la femme » est morte à l’âge de 91 ans, a annoncé dimanche la fondation qui porte ​son nom. Elle a tourné dans 56 films avant de mettre un terme à sa carrière en 1973 et de se consacrer à la défense des animaux.

Et Dieu créa Bardot… Le tremblement de terre eut lieu en 1956, à la fin du mois de novembre, lorsque sortit sur les écrans un film de Roger Vadim : Et Dieu… créa la femme. Soudain, la France et bientôt le monde entier n’eurent d’yeux que pour Brigitte Bardot. « Un corps sauvage, animal, libre, éclate sur l’écran, écrivit le critique Jean Douchet. Il sape et révolutionne les mœurs sociales en France et dans le monde. » La révolution Bardot venait de commencer, qui allait donner naissance à un véritable mythe.

Morte à l’âge de 91 ans – la fondation qui porte ​son nom l’a annoncé dimanche matin -, Brigitte Bardot n’avait à cette époque rien d’une star. Une quinzaine de films déjà à son actif, quelques seconds rôles (Si Versailles m’était conté, de Sacha Guitry, Les Grandes Manœuvres, de René Clair). Elle n’était alors qu’une starlette sexy, vouée à des rôles de jeune fille de bonne famille ou de blonde ingénue et évaporée. Un autre critique de l’époque, Jacques Doniol-Valcroze, la décrivait ainsi : « Une jolie personne, gracieusement provocante, avec le profil des jeunes filles d’Auguste Renoir, une démarche de danseuse, une admirable crinière d’algue et de cavale sauvage, et ces exquises rondeurs qu’aurait aimées Maillol. »

Le portrait s’affine, mais nous sommes encore loin du mythe. Pour comprendre le phénomène, il faut commencer par le début, le 28 septembre 1934, aux alentours de midi, dans le 15arrondissement de Paris. La future « BB » naît dans le lit de ses parents. Louis, son père, et Anne-Marie née Mucel, sa mère, décident de lui donner un prénom allemand : Brigitte, la déesse du feu. Avis de naissance publié dans Le Figaro.

Petite enfance choyée. D’Anne-Marie, une femme élancée à l’allure distinguée, Vadim dira : « C’était une très bonne mère, rétrograde, mais qui se croyait moderne. » Un grand-père dans les assurances, un autre dans l’industrie, un père ingénieur dans une société familiale d’air liquide, mais aussi poète à ses heures – son recueil Vers en vrac fut primé par l’Académie française –, la petite Brigitte ne sera jamais dans le besoin. Meubles Louis XV, canapés confortables, une nounou à demeure, les dimanches à Louveciennes dans le chalet des grands-parents, messe, déjeuners guindés, chocolat-brioche pour le goûter.

Education bourgeoise

En dépit de cet environnement bourgeois, on s’affuble de surnoms : Pilou pour le père, Toty pour la mère, Bri-Bri pour leur exquise petite fille. Plus tard, interviewée par Jean Cau, Bardot attribuera son goût pour la rébellion à une réaction contre l’éducation qui lui fut donnée : « J’ai été élevée d’une façon très bourgeoise, très sévère. J’allais dans une école catholique. J’étais surveillée par une gouvernante. Je ne sortais jamais dans la rue toute seule. J’ai été très tenue jusqu’à l’âge de 15 ans. Et c’est peut-être à ce moment-là que j’ai voulu réagir contre cette éducation. Tout d’un coup, j’ai eu envie de me libérer, de gommer cette tache bourgeoise… qui s’étalait en moi… » Il n’empêche. Comme l’écrit l’une de ses biographes, Catherine Rihoit, « BB sera toujours une petite fille qui joue à être grande ».

De la place Violet, les parents Bardot déménagent dans un bel appartement du 16arrondissement, situé au coin de l’avenue Paul-Doumer et de la rue de la Pompe. Ecole privée – le cours Hattemer, l’un des plus chics de Paris. Cours de danse chez Marcelle Bourgat. Octobre 1947 : Brigitte est admise au conservatoire de danse dans la classe de Jeanne Schwartz. Premier accessit en 1948. Emerveillée par les talents de sa fille pour faire valoir un vêtement, la mère de Brigitte décide d’en faire un mannequin. Premiers défilés, modèle de la maison de couture Virginie Jeune Fille. Pour l’heure, être mannequin permet à Brigitte d’échapper à l’univers trop bien réglé et étouffant que ses parents lui ont construit.

Brigitte Bardot en 1958.

Brigitte Bardot en 1958.

 

Une couverture d’Elle en mai 1950 la révèle. Le réalisateur Marc Allégret, dont la spécialité, dit-on, est de « lancer » des inconnus, demande à rencontrer les parents Bardot. Ils ne savent pas encore que, pour cette fois, Marc Allégret n’agit pas pour son propre compte, mais pour celui d’un autre jeune inconnu de 22 ans, Roger Plemiannikov, alias Vadim.

Difficile d’imaginer deux personnages aussi différents que Bardot et Vadim. « La collégienne en chaussettes au visage bien astiqué de bébé Cadum et le jeune homme qui a déjà beaucoup vécu », écrit Catherine Rihoit. Lors de cette rencontre décisive, le fils d’émigré russe propose à la petite « poupée » du 16e d’être son professeur de comédie. Premier flirt, premier baiser, Vadim entre dans la vie de Brigitte. Daniel Gélin, qui connaissait bien les deux protagonistes, résumera ainsi l’affaire : « Vadim a créé BB, BB a créé Vadim. » Lors des premières leçons d’art dramatique qu’il donne à Brigitte, Vadim remarque qu’elle est capable de jouer toutes les situations, mais à une condition : que le personnage soit elle-même.

Le 10 février 1951, marinière rayée rouge et blanc, Bardot fait la couverture de Paris Match. Un titre – « Ce qui va changer en France » – appelant un article de Raymond Cartier accompagne la photo. Prophétique. Pour l’heure, Bardot n’a que 16 ans. Ses parents la brident, Vadim s’est éloigné. Une nuit, on la retrouve inconsciente sur le sol de la cuisine de l’appartement de la rue de la Pompe. Alerté, Vadim rentre à Paris et découvre une autre Brigitte, une jeune fille capable de payer de sa personne pour mener la vie et la carrière qu’elle désire.

Bardot père met deux conditions aux fiançailles : que Vadim se convertisse au catholicisme – aucune objection. Et qu’il touche un salaire. Dirigé alors par ce nabab du journalisme qu’est Hervé Mille, Paris Match l’embauche moyennant 80 000 francs par mois. Belle époque. Le mariage ne devant avoir lieu que pour les 18 ans de Brigitte, Vadim se met en tête de faire de sa compagne une vedette de cinéma. Après un passage éclair au cours Simon, elle décroche en avril 1952 son premier contrat. Réalisé par Jean Boyer, le film s’appelle Le Trou normand. Bourvil y donne la réplique à une Brigitte un rien boudeuse, très loin du sex-symbol planétaire qu’elle deviendra. Pour la première fois, les spectateurs entendent cette voix singulière, le parler Bardot, cette manière inimitable de prononcer les « e » muets en fin de mot qui donne l’impression que l’actrice vient de se réveiller. Succès pour le moins mitigé.

« Le Trou normand », de Jean Boyer, avec Brigitte Bardot et Bourvil, en 1952.

Le deuxième film tourné par Bardot s’appelle Manina, la fille sans voiles. Réalisé en 1952 par Willy Rozier, il n’a rien à voir avec le précédent. Tourné en Corse, il semble n’avoir été fait que pour que l’on regarde Bardot. Son rôle ? Fille d’un gardien de phare, elle passe ses journées à bronzer en bikini. Chemisiers aux manches roulées, col profondément ouvert, jupe de toile fleurie à taille basse faisant apparaître le nombril, Brigitte marche pieds nus, cheveux au vent. Bardot père est à ce point furieux qu’il ordonne la coupe des scènes les plus osées du film. Publiées dans la presse, les photos du tournage parlent d’elles-mêmes : un corps magnifique, des poses suggestives, un regard provocateur et rebelle qui semble déjà défier tous les tartufes de la terre. Prémices du phénomène à venir.

« Tu seras le rêve impossible des hommes mariés »

1953. Pour la première fois, Bardot débarque sur la Croisette. Une déesse ! En maillot de bain, Kirk Douglas, dont elle vient d’être la partenaire fugace dans Act of Love, d’Anatole Litvak, lui fait des nattes sur la plage. Elle accompagne Lana Turner, Leslie Caron et Olivia de Havilland lors de la traditionnelle visite des vedettes d’Hollywood sur les navires de la flotte américaine amarrés au pied du quartier du Suquet. Sur les marches du palais, elle apparaît en robe d’adolescente serrée à la taille, faisant onduler sa coiffure queue-de-cheval. Les flashs crépitent. Bardot arrive en retard au déjeuner de la Bégum, danse pieds nus, plante des officiels qui lui font des mines en plein milieu d’une phrase. Tout lui est pardonné.

Kirk Douglas et Brigitte Bardot, au Festival de Cannes, en 1953.

Le 20 décembre 1953, à la mairie du 16e, elle se marie. M. et Mme Plemiannikov emménagent dans un petit appartement rue Chardon-Lagache. Et c’est alors que Vadim révèle son projet à sa femme : « Tu seras le rêve impossible des hommes mariés. » Bardot ne sera pas seulement sa femme, elle sera la femme dans un film qu’il réalisera lui-même : Et Dieu… créa la femme.

Ni vierge, ni mère, ni putain, Juliette Hardy, le personnage interprété par Bardot, ne correspond à aucun des archétypes du cinéma naturaliste. Elle désire, elle est désirée, naturellement, sans la moindre culpabilité. C’est cela, la « révolution Bardot ». C’en sera bientôt fini de la pudibonderie et du rigorisme du cinéma français de l’après-guerre.

Bardot elle-même, comme le fera un peu plus tard Jean-Pierre Léaud dans les films de la Nouvelle Vague, détonne par son jeu. Elle impose un ton faux qui sonne juste, casse un certain nombre de conventions théâtrales qui avaient fait la réputation d’acteurs comme Gérard Philipe. Elle devient BB, une icône planétaire.

Le scénario d’Et Dieu… créa la femme n’avait pourtant rien d’original : deux frères se disputent une jeune fille sexy au bord de la mer. Le « plus », c’est Olga Horstig, l’agente de Bardot, qui l’a déniché : Curd Jürgens, ce séducteur aux tempes argentées alors au sommet de sa carrière internationale, donnera la réplique à Bardot. Il sera Carradine, un armateur blasé, capable de tenir à distance les passions les plus fortes. Jean-Louis Trintignant et Christian Marquand complètent le casting. Quant au tournage, il aura lieu à Saint-Tropez.

La scène fameuse du repas de noce résume à elle seule le pouvoir explosif du film. Encore plus érotique habillée que si elle était nue, Bardot parvient à évoquer le désir sexuel comme peu d’actrices l’avaient fait avant elle. A la fin du tournage, Jean-Louis Trintignant demande à Bardot de choisir. Lui ou Vadim. Ce sera Trintignant.

Août 1956 : en couverture de Cinémonde, un titre « La plus sexy de nos étoiles » et une photo – Bardot vêtue en tout et pour tout d’un bas de bikini – résume le phénomène naissant. « Un air de bébé au bord de la faute, un équilibre instable entre le caprice et la damnation », écrit François Nourissier. La prédiction de Vadim est en passe de se réaliser.

D’une manière générale, Et Dieu… créa la femme est assez mal accueilli par la critique. André Bazin, le premier à parler de « notre BB nationale », écrit : « L’on se demande s’il s’agit d’un film ambitieux qui donne des gages aux pires recettes commerciales ou d’un film quasi pornographique qui se cherche des alibis dans le talent et l’intelligence. En tout état de cause, Et Dieu… créa la femme est un film qui vous réconcilierait, s’il était possible, avec la censure. Non qu’il y ait, certes, du déplaisir à contempler Brigitte Bardot de pied en cap, mais parce que l’on se prend à songer avec nostalgie à toute l’invention dont les cinéastes américains sont obligés de faire preuve pour nous suggérer bien davantage avec ce que leur autorise un code pudibond. En vérité, le critique cinématographique céderait encore ce que la censure lui a laissé contre le souffle du métro sous les jupes de Marilyn. »

Jacques Doniol-Valcroze est plus enthousiaste : « Son cas [Bardot] dépasse celui de la vedette, car, quand une vedette atteint un tel stade de popularité, ce n’est pas, quelle que soit l’habileté des campagnes publicitaires, une question de seule publicité, c’est une question de “mythe”. Subitement, un comédien ou une comédienne incarne un mythe. Ce fut le cas de Jean Harlow comme c’est aujourd’hui celui de Marilyn Monroe. »

Fin 1956, les paparazzis se font de plus en pressants autour de Bardot. Elle qui aimait tant les journalistes à ses débuts, les qualifie à présent de « tue-l’amour ». Et si en Angleterre Bardot est qualifiée par les journaux de « plus grand choc européen depuis 1789 », la presse française se met pour sa part à critiquer la star naissante. Le magazine Elle l’accuse même de « devenir la Marie-Chantal du cinéma : mal élevée, sotte, odieuse ». Bardot décide de bouder le Festival de Cannes 1957. Le même mois, en revanche, elle accorde un entretien aux Cahiers du cinéma

Les films dans lesquels Bardot va ensuite tourner ne sont pas à marquer d’une pierre blanche. Citons pour mémoire Une Parisienne, de Michel Boisrond, et Les Bijoutiers du clair de lune, de Vadim (y apparaît la nouvelle fiancée de ce dernier, la beauté danoise Annette Stroyberg).

A la fin du tournage des Bijoutiers, pour échapper à la pression médiatique, Bardot décide d’acheter la maison qui rendra Saint-Tropez célèbre dans le monde entier : La Madrague, un ancien hangar à bateaux situé dans la baie des Canoubiers. C’est là qu’elle trouvera refuge quand le poids de la célébrité se fera trop fort. Là qu’elle mènera une vie à peu près normale, protégée qu’elle était par la population locale. Comme l’écrit Catherine Rihoit, « Brigitte a besoin d’être protégée du monde, car le monde et elle sont en train de devenir ennemis ».

Brigitte Bardot dans sa villa en bord de mer La Madrague, à Saint-Tropez (Var), en 1955.

Brigitte Bardot dans sa villa en bord de mer La Madrague, à Saint-Tropez (Var), en 1955.

A cette époque, le phénomène Bardot est tel que de nombreuses stars masculines refusent de l’affronter sur un plateau de tournage de peur d’être éclipsés. Gabin lui-même avait dans un premier temps refusé de jouer dans En cas de malheur, de Claude Autant-Lara, au prétexte qu’il ne voulait pas jouer avec « cette chose qui se promène toute nue ». Comprenant le parti qu’il pouvait tirer de ce rôle de grand avocat dans les bras duquel vient se blottir cette jeune fille à la recherche d’un père de substitution, il changera d’avis. Lors de la présentation du film à la Mostra de Venise 1958, le producteur Raoul Lévy aura cette formule fameuse : Brigitte Bardot « est une propriété nationale, comme la Régie Renault ».

C’en est dès lors fini des rôles de sauvageonne innocente. Voici à présent le temps des garces ensorceleuses. Un film comme La Femme et le Pantin, de Julien Duvivier (1959) contribuera grandement à faire de Bardot le symbole de la femme volage qui court d’un homme à l’autre. Dans Paris Match, Raymond Cartier s’insurge : « Brigitte Bardot est immorale de la tête aux pieds, tant par ce qu’elle montre que par ce qu’on lui fait exprimer. Les Eglises sont dans leurs rôles en la condamnant. »

Prisonnière de son image

Star de dimension planétaire alors même qu’elle n’a tourné dans aucun chef-d’œuvre, Bardot commence à s’entourer d’animaux. Deux chiens, un chat, une colombe, une tortue, un lapin… Ce naturel qu’elle prône devient le comble de la sophistication. Elle s’habille en vichy, se marie en vichy avec l’acteur Jacques Charrier. Démolissant la mode carcan, elle promeut une manière simple et démocratique de s’habiller. Jean, pantalon, imper : avec Bardot, les vêtements les moins chers deviennent sexy.

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Source : Le Monde 

 

 

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