Mauritanie – Dernier Tango des Traversées 2025 : paroles aux femmes réfugiées

L’Authentic.info – « Danser la littérature », thème central du festival de la 16ème édition 2025 Traversées Mauritanides, s’est achevé par une table ronde : « Regards croisés sur les femmes réfugiées ». Une clôture en apothéose, en présence de l’ambassadeur de l’Union européenne en Mauritanie, le Représentant du Haut-Commissariat pour les réfugiés, la présidente de l’Observatoire national des Droits de la Femme et de la Ffille, d’un sociologue, d’une avocate défenseuse des droits de l’homme et d’une écrivaine. Le tout, sous la modération du directeur du festival.

La grande salle de conférence de l’Institut français de Mauritanie (IFM), a fait le plein, ce jeudi 11 décembre 2025, à l’occasion de la célébration de la Journée internationale des droits humains. Une journée qui clôt une semaine de rencontres littéraires organisées par l’Association « Traversées Mauritanides ». Laquelle a accueilli du 1er au 7 décembre cette année plus d’une dizaine d’écrivains venus de France, du Luxembourg, des États-Unis, d’Allemagne et Cameroun, rejoints par la crème de la littérature mauritanienne.

Au menu de la soirée : « Regards croisés sur les femmes réfugiés ». Les intervenants, SEM. Joaquim Tasso Vilallonga, ambassadeur de l’Union européenne en Mauritanie, M. Tayyar Sukru Cansizoglu, Représentant du Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés (HCR) en Mauritanie, Me Fatimata Mbaye, avocate, Présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), Mme Mehla Ahmed Talebna, ancienne ministre et Présidente de l’Observatoire national des droits de la Femme et de la Fille (ONDFF), Pr. Abdoulaye Sow, Sociologue, professeur à l’Université de Nouakchott et Mme Marième Derwich, écrivaine franco-mauritanienne.

Cette journée du 11 décembre 2025, avait un goût particulier, une note inédite sur un thème innovant. Une rencontre avec les réfugiées installées en Mauritanie, dont quelques représentants ont agrémenté de leur présence la qualité de la rencontre par leurs nombreux témoignages.

Plus de 300.000 réfugiés vivent en Mauritanie

Selon l’ambassadeur de l’Union européenne, la Mauritanie accueille 300.000 réfugiés, dont 120.000 réfugiés maliens installés dans le camp de Mberra et d’autres nationalités résidant dans les grandes villes du pays dont Nouakchott. Il soulignera, également, que l’Université de Nouakchott compte en son sein 80 étudiants réfugiés.

L’ambassadeur a salué, au passage, l’hospitalité légendaire dont jouissent les populations étrangères installées en Mauritanie et la solidarité dont elles bénéficient de la part de l’État mauritanien et de sa population. Il a cependant déploré le nombre toujours croissant des populations fuyant l’insécurité au Mali et la pression de plus en plus grande exercée sur les services sociaux de base, sur les services administratifs et les ressources naturelles, tels que l’eau, les pâturages, les zones de culture.

L’ambassadeur a déclaré, aussi, que les réfugiés ne sont pas que des chiffres et que derrière chaque réfugié, se cache une vie, une histoire, mettant en exergue l’extrême complexité de la femme réfugiée qui vit une double voire une triple vie, en termes de précarité et de vulnérabilité. Ces femmes traversent selon lui des obstacles plus élevés, par rapport aux hommes, notamment des difficultés liées à l’accès à l’éducation pour leurs enfants, la santé et leurs moyens de subsistance.

Il a salué toutefois la résilience et l’endurance des femmes réfugiées, qu’il dit lui-même avoir constaté, lors de ses nombreuses visites de terrain à Mberra. Leur force, dit-il, est immense. Elles sont enseignantes, leaders dans leur communauté et actrices vivaces au cœur de la vie sociale.

L’ambassadeur souligne que l’approche de l’Union européenne est basée sur le respect des principes fondamentaux des droits de l’homme et l’égalité entre les sexes. Il a salué dans ce contexte, l’énorme travail abattu par le HCR sur le terrain. Il a déclaré que l’Union européenne et ses États membres travaillent depuis des années pour soutenir les réfugiés et les communautés hôtes dans la gestion de l’accès aux services de base et l’atténuation des ressources.

L’action de l’Union européenne tourne autour de 4 principaux axes, selon Joaquim Tasso Vilallonga : la protection, notamment contre les violences basées sur le genre (VBG), l’éducation et formation professionnelle, l’autonomisation économique, à travers l’insertion, les financements via la microfinance et l’entreprenariat. La Délégation de l’UE œuvre ainsi, avec les autorités locales, la société civile, les communautés, à la consolidation de finances d’infrastructures sociales de base dans le domaine de la santé, de l’éducation et de la formation. Au cœur de ce dispositif, la promotion des droits des femmes réfugiées apparaît comme un pilier au cœur des valeurs européennes. Objectif : faire en sorte que chaque femme réfugiée puisse vivre en sécurité dans la paix et parvienne à réaliser son plein potentiel en conservant sa liberté de choix sur sa vie.

Le HCR et les réfugiés

Le Représentant du HCR, Tayyar Sukru Cansizoglu, a salué à son tour l’extrême résilience des femmes réfugiées, leur créativité et détermination. Son institution a toujours été aux côtés des réfugiés, a-t-il déclaré, en leur offrant la protection et en leur fournissant plusieurs formes d’assistances humanitaires : autonomisation et sécurité.

Il a, toutefois, évoqué les défis que connaît son institution en termes d’opportunités à offrir aux réfugiés, notamment dans le domaine de la formation professionnelle et de la protection des structures communautaires. Il a cité les nombreuses interventions du HCR, en particulier le financement d’Activités génératrices de revenus (AGR) ou encore dans le domaine de la santé, par la prise en charge des survivantes de VBG et dans la formation de médiatrices sociales.

Il a mis en exergue le rôle que le HCR joue dans l’amplification du rôle des femmes réfugiées qui ne sont pas, selon lui, seulement des demandeurs d’aide, mais aussi des piliers au sein de leur communauté.

Leila, réfugiée et veuve

Le public a suivi avec beaucoup d’émotions, le témoignage de Leïla, formatrice en informatique, réfugiée Centrafricaine, veuve et mère de 2 enfants. Elle a parlé de ses problèmes d’insertion face au barrage linguistique, sa vie au jour le jour pour entretenir ses enfants, ses maigres moyens de subsistance et de ceux liés à ses difficultés d’accéder à un travail à cause de son statut de réfugiée. Elle a parlé de la difficile d’intégration et du statut de réfugié non respecté. Ce problème toucherait même, selon elle, de hauts diplômés réfugiés qui ne peuvent pas accéder au marché du travail en Mauritanie parce qu’ils sont réfugiés.

Deux autres réfugiées, dont une élève, ont-elles aussi fourni leurs témoignages, des histoires de vies brisées, d’avenir en bandoulière et de solutions à imaginer.

L’ONDFF ouvert aux femmes réfugiées

Dans son intervention, Mme Mehla Ahmed Talebna, a exprimé son regret de n’avoir jamais été sollicitée par les femmes réfugiées, déclarant que les portes de son observatoire leur sont ouvertes. Elle a toutefois rappelé que l’ONDFF est une institution consultative du gouvernement mauritanien chargée de donner son avis sur les droits des femmes et des filles. Il s’agit, selon elle, d’une institution récente, créée il y a juste 4 ans et qui souffre encore de la faible coordination avec d’autres structures de l’État. Elle a déploré la faible prise en compte du statut des réfugiés, qui jouissent pourtant de la protection internationale, rapportant le sort qui leur est réservé en Mauritanie à des disfonctionnements sur certains axes des lois.

« Aucune femme étrangère vivant en Mauritanie n’a jamais contacté l’ONDFF », a-t-elle martelé. Sa structure pourrait les aider ou les évoquer, ne serait-ce, selon elle, que dans le rapport annuel adressé au Chef de l’État. Mme Mehla Ahmed Talebna a indiqué que jusque-là, l’ONDFF ne s’est intéressée qu’à la santé mentale des femmes réfugiées et qu’elle peut s’ouvrir sur d’autres chantiers pour elles. Cette table ronde l’éclaire donc, et à l’avenir des synergies pourront se construire avec toutes celles qui en feront la demande.

Juriste, Sociologue et écrivain face aux femmes réfugiées

Me Fatimata Mbaye a parlé des conventions internationales ratifiées par la Mauritanie qui obligent l’État à respecter et à protéger les droits des réfugiés, détenteurs, de la carte du HCR. Elle a déploré des cas de refoulement de réfugiés au cours du renvoi des étrangers en situation irrégulière, des cas de réfugiés diplômés obligés d’abandonner leurs études, ou encore des difficultés pour eux de trouver du travail, ou assurer à leurs enfants une scolarité normale. Pour elle, ceci ne résulte que de problèmes d’application de la loi.

Le Pr. Abdoulaye Sow a posé le problème de la femme réfugiée, et les difficultés qu’elle rencontre pour éduquer ses enfants dans des circonstances aussi difficiles de précarité. Se disant touché par les propos entendus, il dit que : « Quand dans une société la femme est piétinée, c’est toute l’humanité qui est piétinée ».

À la suite du sociologue, l’écrivaine Marième Derwich souligne la part humaine à entretenir face aux femmes réfugiées. Au cours de son intervention, elle a évoqué les femmes réfugiées à travers le monde, celles venues de divers horizons pour trouver refuge en Mauritanie, mais également des mauritaniennes victimes des évènements des années 90. « Elles sont triplement persécutées, en tant que femmes arrachées à leur terroir, en tant que femmes exilées pendant des décennies, et en tant que femmes, reversées dans un pays qu’elle retrouve après tant de souffrance et de traumatisme ».

Le directeur des rencontres Traversées Mauritanides, Bios Diallo, a conclu la rencontre de la plus belle des manières, dans un ramassis d’éloquence où se sont mêlés des hommages aux écrivains présents à cette 16ème édition, aux sponsors qui ont soutenu le festival, aux écoles et aux sites ayant accueilli les écrivains et activités, à l’Université de Nouakchott, aux publics qui ont embelli les échanges et aux équipes qui l’ont accompagné dans la réussite de l’événement.

Rendez-vous est pris, pour la 17ème édition en 2026, avec des « Traversées Mauritanides» toujours innovantes. Inchallah.

 

 

Cheikh Aïdara

 

 

 

Source : L’Authentic.info (Mauritanie)

 

 

 

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