
Le Quotidien – Ne plus imposer à la femme un rôle ! C’est le rêve de la journaliste Fatou Warkha Sambe. Elle vient de publier son premier roman aux Editions L’Harmattan. «Assignée au silence» est une invitation à la mise en lumière des femmes dans la société. Un #MeToo à la sauce sénégalaise bien différent de la version occidentale.
Un #MeToo à la sauce sénégalaise. Naturellement, la version locale va se départir de celle de l’Occident. C’est en somme le pavé dans la mare que Fatou Warkha Sambe vient de jeter. Assignée au silence, édité par les Editions L’Harmattan, est une invite à la libération de la parole. Ce roman, basé sur le vécu de son auteure, se tropicalise du mouvement pour la lutte des droits des femmes en laissant de côté l’aspect storytelling pour faire constater à la société sénégalaise le diktat du patriarcat. Pour Aboubacar Demba Cissokho, Assignée au silence est un prolongement de ce qui a été fait depuis plus de 50 ans au Sénégal. Le journaliste culturel perçoit l’œuvre comme un pas de plus dans la lutte contre l’invisibilité des femmes dans la société.
«Je regarde Warkha comme une journaliste dont le travail est de documenter le présent. Dans 15 ans, on dira que des femmes comme Warkha ont contribué positivement à la libération de la parole des femmes. Elle est restée sur la même ligne depuis que je la connais. Elle est constante, et ça permet de définir une personnalité», a-t-il déclaré samedi passé, lors de la cérémonie de présentation du livre à L’Harmattan.
Pour le critique littéraire, Fatou Warkha Sambe est singulière, car elle adopte le style journalistique dans le roman. «L’œuvre est un prolongement de ce qui est fait depuis une cinquantaine d’années. Prolonger cette mise en lumière, cette bataille pour les droits, c’est ce que Fatou Warkha Sambe fait. Sa singularité, c’est qu’elle est une observatrice de la société. Elle part d’un réel, de choses vécues. Beaucoup de femmes peuvent se retrouver dans les personnages du livre. On est assigné au silence par la société qui dit que la femme ne doit pas élever la voix. Elle s’élève contre cela. Dans tout ce qu’on nous dit, même les hommes sont victimes de ce patriarcat. La voix de la femme n’est pas entendue. Warkha prend la parole. On a dit aux femmes qu’elles ne peuvent pas nous dire ce qui leur fait mal, etc.», a-t-il analysé.
Assignée au silence est un récit intime, politique et profondément incarné. A travers l’histoire de Madjiguène, jeune fille issue d’un quartier populaire, confrontée très tôt aux normes sociales sexistes, aux violences sexuelles et aux silences familiaux, l’auteure livre une traversée bouleversante du corps, de l’âme et de la parole. Entre solitude affective, blessures enfouies et un éveil que d’autres qualifieront de féministe, elle raconte le long chemin d’une enfance invisibilisée. Ce livre explore la mémoire, la maternité, la sororité et les luttes des femmes dans un contexte sénégalais marqué à la fois par le poids des traditions et par les résistances. C’est une œuvre de révolte, de transmission et de réparation. Une voix singulière qui s’élève, faisant écho à celle de toutes.
Invitation à la prise de parole
Contrairement au titre de l’œuvre, Assignée au silence est une invitation à la prise de parole, d’après la préfacière. Leyti Fary Ndiaye, sociologue, est revenue sur l’œuvre en ces termes : «J’ai accepté parce que je suis concernée par les choses qu’elle raconte. Quand on assigne, on met en cadre. A celui qui demande de se taire, il a la force : les hommes ; assignées : les femmes, les pauvres. La question de la subalternité est évoquée dans ce livre. Warkha écrit pour déconstruire l’assignation. C’est une invitation à prendre la parole. Je recommande le livre.»
Pour l’auteure, ce roman s’inspire de la réalité. «Je suis partie de mon vécu pour imaginer ce qui se passe ailleurs. Madjiguène n’a pas l’impression d’être assignée au silence. Le fait de ne pas être écouté est tellement normalisé dans notre société. Doit-on continuer comme cela ? C’est une question qui mérite d’être posée. Pourquoi doit-on dire à la femme ce qu’elle doit faire ? Pourquoi lui imposer cela ?», s’est interrogée Fatou Warkha Sambe. Qui est journaliste et militante, fondatrice de WarkhaTv, un média féministe qui porte haut la voix et les luttes des femmes en Afrique francophone. Elle incarne un engagement sans compromis pour une société plus juste et égalitaire. Elue conseillère municipale à Pikine Nord, coordinatrice du Réseau des féministes du Sénégal et chroniqueuse au Quotidien, elle inscrit son parcours dans la continuité des luttes pour la dignité et la liberté des femmes.
Malick GAYE
mgaye@lequotidien.sn
Source : Le Quotidien – (Sénégal)
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