Un monde de célibataires

Courrier international  – “The Economist” alerte sur une “récession des relations” : les jeunes adultes délaissent le mariage et les rencontres, et le nombre de personnes seules augmente dans 26 pays riches sur 30, transformant profondément nos sociétés.

L’hebdomadaire britannique The Economist dresse le constat d’une mutation sociale mondiale : “pour la plus grande partie de l’histoire humaine, se mettre en couple n’était pas seulement la norme, c’était une nécessité”. Or, dans les pays riches, le mariage et la vie à deux reculent à une vitesse inédite. L’hebdomadaire parle d’une véritable “récession des relations”.

Aux États-Unis, parmi les 25-34 ans, la proportion de personnes vivant sans conjoint ou partenaire a doublé en cinquante ans : 50 % des hommes et 41 % des femmes sont désormais célibataires. Depuis 2010, le nombre de personnes vivant seules a augmenté dans 26 des 30 pays les plus riches. Selon les calculs du magazine, “le monde compte aujourd’hui au moins cent millions de célibataires de plus qu’il n’en compterait si le taux de vie en couple était resté aussi élevé qu’en 2017”.

Attentes irréalistes

Cette évolution, explique The Economist, n’est pas uniquement le signe d’une baisse de moral : “Parmi les hétérosexuels, elle découle en grande partie d’un phénomène clairement positif : à mesure que les barrières à l’emploi pour les femmes sont tombées, les choix de celles-ci se sont élargis”. Elles peuvent vivre seules si elles le souhaitent, sans dépendre d’un mari ni subir la honte sociale autrefois associée à la solitude. Résultat :

“Plus elles peuvent subvenir à leurs besoins, moins les femmes sont prêtes à tolérer un partenaire inadéquat ou violent.”

Mais cette liberté a un revers : la solitude croissante. De nombreuses études citées par l’hebdomadaire montrent que “60 à 73 % des célibataires préféreraient être en couple”, même si 50 % d’entre eux ne cherchent plus activement un partenaire. L’un des obstacles serait la fracture politique et sociale qui sépare hommes et femmes : les premiers penchent davantage à droite, les secondes à gauche, et beaucoup refusent désormais de fréquenter quelqu’un d’un bord opposé.

Les réseaux sociaux et les applications de rencontre aggravent le phénomène. Ils encouragent des attentes irréalistes : “La plupart des femmes sur Bumble exigent qu’un homme mesure au moins un mètre quatre-vingt-trois, ce qui élimine 85 % des candidats potentiels.” À cela s’ajoute un déclin des compétences sociales, l’anxiété liée aux rencontres et la méfiance entre sexes.

Ringarde, la vie de couple ?

Cette transformation s’accompagne d’une remise en cause culturelle. Le magazine américain Vogue notait récemment que, pour “les jeunes femmes ambitieuses et cools”, avoir un petit ami n’est plus seulement inutile mais “embarrassant”. Une phrase symptomatique d’un profond changement de valeurs : dans un monde où l’indépendance prime, la vie de couple devient optionnelle, parfois ringarde.

Pour The Economist, les conséquences pourraient être importantes : “Un monde avec moins de couples et d’enfants risque d’être plus triste et plus fragmenté.” Le magazine conclut avec lucidité : il ne revient pas aux gouvernements “de forcer les gens à s’aimer”, mais ils feraient bien d’aider les hommes à “grandir, faire un peu plus de ménage, se comporter de façon plus responsable et devenir des partenaires plus désirables”. Car, prévient-il, un futur peuplé de célibataires endurcis approche – et il faudra que la société tout entière s’y prépare.

 

 

 

Source : Courrier international (France) – Le 08 novembre 2025

 

 

 

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