– Le lendemain de l’annonce de la réélection du président ivoirien Alassane Ouattara pour un quatrième mandat consécutif, Damana Pickass, l’un des plus hauts cadres de l’opposition, a été arrêté par la police le 4 novembre en banlieue d’Abidjan. Vice-président du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI, opposition) de l’ancien président Laurent Gbagbo, il se savait dans le viseur de la justice ivoirienne et, dans les rangs de l’opposition, cela fait craindre que d’autres arrestations s’ensuivent.
« On a tous peur d’être le suivant sur la liste du procureur, admet un cadre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) sous couvert d’anonymat. Non seulement on est sous la menace d’une arrestation mais, en cas d’inculpation, on risque aussi d’être inéligible » à moins de deux mois des élections législatives du 27 décembre.
« On s’y attendait, réagit auprès du Monde l’avocat de Damana Pickass, Me Sylvain Tapi. Ces dernières semaines, il avait été convoqué à la préfecture de police et il avait même reçu l’ordre de ne pas sortir du district d’Abidjan. » La dernière apparition publique de Damana Pickass remonte au 15 octobre, quatre jours après la marche de l’opposition du 11 octobre, interdite par la préfecture d’Abidjan et violemment réprimée par les forces de sécurité.
« Occuper les rues de façon pacifique »
Dans une vidéo d’une vingtaine de minutes publiée sur les réseaux sociaux, il invitait « tous les Ivoiriens à occuper les rues de façon pacifique » et à montrer « beaucoup plus de détermination, beaucoup plus de volonté, beaucoup plus d’engagement ».
Dans un communiqué publié le 4 novembre, le procureur de la République, Braman Oumar Koné, a justifié l’arrestation de Damana Pickass par des « appels à l’insurrection populaire et au renversement des institutions de la République ». « Ces appels, relayés aussi bien la veille de la marche du 11 octobre, les jours qui l’ont suivie qu’à l’occasion du scrutin présidentiel du 25 octobre, ont conduit à la constitution d’attroupements armés et non armés », affirme le procureur.
Les violences électorales ont provoqué au moins onze morts, l’opposition avance un bilan de vingt-sept morts. Braman Oumar Koné a également annoncé d’autres arrestations à venir et promis que « tous les auteurs, complices et commanditaires [de ces infractions], quelle que soit leur qualité, seront recherchés, interpellés et jugés ».
Le 28 octobre, dix-neuf responsables des deux principaux partis d’opposition, le PPA-CI et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), alliés sous la bannière du Front commun, dont Damana Pickass était le coordonnateur général, ont été convoqués par le parquet.
« Un quatrième mandat anticonstitutionnel »
Sept cadres du PDCI étaient concernés, parmi lesquels le vice-président du parti, Georges Philippe Ezaley, et le député Augustin Dia Houphouët, ainsi que douze cadres du PPA-CI dont Damana Pickass, le président exécutif Sébastien Dano Djédjé, le haut responsable Justin Koné Katinan, la porte-parole Habiba Touré et Michel Gbagbo, député de Yopougon et fils de Laurent Gbagbo. Les convocations ont été provisoirement suspendues mais peuvent être réactivées à tout moment.
« L’opposition est traquée, réprimée, persécutée, dénonce Sébastien Dano Djédjé. Plusieurs de nos camarades sont en prison, d’autres sont en fuite. Après le braquage de la présidentielle, c’est le braquage des législatives qui se prépare. On a l’impression que le pouvoir veut revenir au parti unique. »
Le PPA-CI, qui voit dans le scrutin présidentiel « un braquage électoral orchestré par le régime d’Alassane Ouattara, candidat à un quatrième mandat anticonstitutionnel », a appelé ses militants à « une grande marche pacifique le samedi 8 novembre 2025 », afin de protester contre les violences électorales et d’exiger la libération des prisonniers politiques.
Selon plusieurs sources, un millier de personnes auraient été arrêtées en amont de l’élection présidentielle du 25 octobre au cours de manifestations. Au moins 175 d’entre elles ont déjà été condamnées à trois ans de prison ferme pour « trouble à l’ordre public » et, dans certains cas, pour « terrorisme ».
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