A Harlem, la réouverture symbolique du Studio Museum, qui rend visible des artistes afro-américains, dans l’Amérique trumpiste

Après six ans de travaux, le Studio Museum, institution new-yorkaise qui rend visibles de nombreux artistes afro-américains depuis sa création en 1968, s’apprête à rouvrir ses portes. Un symbole fort, à l’heure où le monde de la culture subit les assauts répétés de Donald Trump.

M Le Mag – Depuis quelques jours, les passants de la 125Rue, l’artère principale de Harlem à New York, voient flotter un drapeau pas comme les autres. Au numéro 144, sur la façade du bâtiment flambant neuf du Studio Museum in Harlem, la plus importante institution du pays dédiée aux artistes noirs, un étendard reprenant les étoiles et les bandes du drapeau américain vient d’être accroché. Mais les bleu, blanc et rouge traditionnels sont remplacés par du rouge, du vert et du noir. Soit les trois couleurs du mouvement panafricain, né dans les années 1920 avec l’ambition d’unir les populations noires des deux côtés de l’Atlantique.

Les habitants de Harlem, quartier à forte population afro-américaine souvent surnommé « la Mecque noire », connaissent bien cette bannière, une œuvre d’art signée du plasticien David Hammons. En 2005, le drapeau avait été installé sur le bâtiment d’alors, une ancienne banque qui accueillait le musée depuis la fin des années 1960.

Après six années de travaux, cet immeuble typique de l’architecture new-yorkaise du début du XXsiècle a laissé la place à une construction contemporaine, un enchevêtrement de blocs de béton sombre, qui sera inaugurée le 15 novembre prochain.

Le drapeau rouge, vert et noir a ainsi retrouvé son emplacement. « C’était une évidence de le réinstaller, explique Thelma Golden, directrice du musée, il s’agit d’une œuvre majeure, qui représente la puissance et le génie des artistes afrodescendants. Elle résume toute notre identité. » Cette commissaire d’exposition de 60 ans dirige l’institution new-yorkaise depuis deux décennies. Charismatique, amie du couple Obama, elle assure la promotion de cette réouverture avec une campagne de communication au cordeau, posant pour les élégants magazines tels que Vanity Fair ou Harper’s Bazaar

« Un lieu dédié aux artistes descendants d’esclaves est impérieux »

Le musée a beau être beaucoup moins connu que les new-yorkais MoMA, Met ou Guggenheim, il n’en est pas moins très respecté. La Française Amandine Nana, aux manettes de l’exposition dédiée au sculpteur afro-américain Melvin Edwards, présentée au Palais de Tokyo (Paris-16e) jusqu’au 15 février 2026, loue « son rôle majeur dans l’histoire de l’art. Il prouve que les artistes noirs ont toujours été actifs et se sont battus pour affirmer leurs idées. »

Et d’évoquer sa création, en 1968, grâce à l’initiative d’artistes et de militants. « Ce musée a cassé le plafond de verre pour tant d’artistes noirs, dont moi-même », estime Rashid Johnson, plasticien de 48 ans auquel le Musée Guggenheim consacre une vaste rétrospective. Il cite quelques-uns de ses confrères, aujourd’hui parmi les plus cotés du milieu, à avoir vu leur carrière aidée par le Studio Museum : la peintre Julie Mehretu, le photographe Dawoud Bey, la sculptrice Simone Leigh, l’artiste conceptuel Glenn Ligon…

Thelma Golden, directrice du Studio Museum, à New York, en octobre 2025.

Si le monde de la culture s’enthousiasme pour la réouverture du musée, c’est qu’il est chaque jour un peu plus déstabilisé par le pouvoir trumpiste. « En un sens, Thelma Golden jouit du fait qu’elle incarne l’inverse même du climat réactionnaire actuel. Elle a réussi à lever plus de 300 millions de dollars [257 millions d’euros] en faisant de chaque don un geste progressiste », glisse un commissaire d’exposition indépendant qui préfère rester anonyme, de peur de froisser l’intéressée. En dehors d’une subvention de plusieurs dizaines de millions de dollars accordée par la municipalité démocrate de la ville, la reconstruction du musée a été financée par des fondations, des entreprises et des mécènes privés.

Thelma Golden précise être « persuadée qu’un musée dédié aux artistes noirs a toujours été nécessaire, et pas seulement dans le contexte actuel. La situation politique et sociale était déjà explosive en 1968… » Rashid Johnson renchérit : « Quel que soit le locataire de la Maison Blanche, un lieu dédié aux artistes descendants d’esclaves est impérieux. Et qu’il soit situé à Harlem, c’est un élément majeur. »

« Nous sommes au cœur de cette histoire »

Depuis les années 1920, période dite de la « Harlem Renaissance », le quartier est un épicentre culturel, où se croisent musiciens, poètes et plasticiens… « Nous sommes au cœur de cette histoire, sourit fièrement Thelma Golden, regardez nos voisins ! » A quelques pas de là, se trouve l’Apollo Theater, dont la scène a vu défiler James Brown, Billie Holiday et Aretha Franklin, ou encore le National Black Theatre, un lieu de conférences où s’est produite notamment la poétesse Maya Angelou.

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Source : M Le Mag

 

 

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