– Deux mois après le cambriolage dont elle a été victime, Fatou Diouf, commerciale chez Orange, est encore sous le choc. « J’étais sortie chercher le petit déjeuner à la boulangerie et ils en ont profité pour entrer dans l’appartement alors que ma fille dormait. En cinq minutes, ils ont volé mon téléphone et des bijoux », se remémore cette habitante de Pikine, une banlieue populaire de Dakar. « On ne se sent plus en sécurité, ni dehors ni chez nous », s’emporte la trentenaire, résumant un sentiment grandissant dans la capitale sénégalaise.
Mains qui se glissent dans les voitures aux fenêtres ouvertes, sacs à dos arrachés, vols de scooters ou de bétail… Depuis plusieurs mois, les réseaux sociaux du pays débordent de vidéos d’agressions ou de vols. Les petits larcins semblent rythmer la vie quotidienne.
Même les bâtiments religieux sont visés. A Pikine, en décembre 2024, des voleurs sont repartis de la mosquée du cimetière avec « 13 ventilateurs, des tapis de prières, des haut-parleurs et deux cercueils que l’on utilise pour transporter les morts d’une ville à l’autre », se souvient Mamadou Niang, 73 ans, l’agent d’entretien qui a découvert le cambriolage dans la nuit.
Des délits en hausse depuis une décennie
Selon une enquête publiée en juillet par l’institut de sondage Afrobaromètre, 58 % des personnes interrogées disaient se sentir en insécurité chez elles ou dans leur quartier. Le sujet est devenu l’une des principales sources de préoccupation des Sénégalais, derrière le coût de la vie, l’accès à la santé et le chômage.
Faute de chiffres récents – les dernières données compilées par la police sénégalaise remontent à 2023 –, difficile de décrire avec précision l’évolution du phénomène. Chaque année, le vol et le recel arrivent en tête des infractions recensées par le ministère de la justice, devant la consommation de cannabis.
« La hausse du nombre de délits est constante depuis une décennie », estime le sociologue Djibril Diop. Mais il ne faut pas la confondre avec le sentiment d’insécurité, décuplé par la médiatisation de cette criminalité sur les réseaux et les antennes, souligne le chercheur.
Reste qu’un seuil semble avoir été franchi dans la violence. « On voit des choses qu’on ne voyait pas avant », concède un statisticien en poste au sein de la police nationale. Sur la Petite-Côte, à quelques dizaines de kilomètres de Dakar, haut lieu du tourisme, l’année 2025 a ainsi été marquée par une véritable série noire. Deux hôtels prestigieux, dont un cinq-étoiles, et une centrale électrique ont été braqués en début d’année par des groupes professionnels.
« Ce n’est pas bon pour l’économie »
Pour les deux établissements hôteliers, le même mode opératoire s’est répété : une vingtaine d’hommes cagoulés, armés de machettes et de fusils, ont pris d’assaut la réception en pleine nuit, forçant le personnel à les guider vers les coffres-forts, avant de dérober, à quelques semaines d’intervalle, 12 millions de francs CFA (quelque 18 000 euros) et 9 millions de francs CFA.
Début août, un autre cambriolage a sidéré le pays. La villa de la célèbre architecte Lydia Assani, à Saly, a été la cible d’un commando lourdement armé, composé de 18 personnes, selon les premiers éléments de l’enquête, toujours en cours. Après avoir ligoté les gardiens et vidé le coffre-fort, cinq cambrioleurs ont violé sa fille.
Depuis, dans la région de Saly, pourtant réputée pour son calme, la peur s’est installée. « En vingt ans, je ne me suis jamais sentie en insécurité au Sénégal. Aujourd’hui, c’est différent, je fais attention », raconte Tessa Marchou, quinquagénaire Française expatriée, dont le scooter a été dérobé dans son jardin malgré sa présence. « J’ai peur que votre article fasse du tort au pays… Mais cette insécurité quotidienne est une réalité qui touche à la fois les quartiers riches comme défavorisés », regrette-t-elle.
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