Vu de Guinée – Sarkozy en prison, “une forme de justice morale pour de nombreux Africains”

Au jour de l’incarcération de l’ancien président de la République à la prison de la Santé, suite à sa condamnation dans l’affaire libyenne, ce journaliste guinéen souligne le souvenir que Nicolas Sarkozy a laissé sur le continent, et l’impression de nombreux Africains “qu’il paie les péchés accumulés” sur leur dos.

Courrier international – Ce mardi 21 octobre 2025 marque le début de la détention de l’ancien président français Nicolas Sarkozy. Reconnu coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire dite “du financement libyen” de sa campagne de 2007 et condamné à cinq ans de prison ferme, l’ancien fringant leader de l’UMP [Union pour un mouvement populaire] n’aura donc pas su éviter la case prison. Un événement inédit, hautement symbolique, dont la portée dépasse largement les frontières françaises.

En Afrique notamment, cette chute suscite un intérêt particulier, tant les rapports entre Sarkozy et le continent noir furent faits d’arrogance, de promesses trahies et de blessures encore ouvertes. Lui qui, le premier, promettait de rompre avec la Françafrique, se retrouve pris au piège d’une affaire libyenne qui le fait passer, ironie du sort, pour l’un des plus fidèles héritiers de ce système qu’il jurait de démanteler.

Les péchés accumulés

Il faut dire qu’en Afrique, Nicolas Sarkozy ne laisse pas beaucoup d’amis derrière lui. Pour autant, personne n’aurait imaginé le voir un jour derrière les barreaux. Après tout, les puissants des pays puissants échappent souvent à la reddition des comptes, même pour leurs fautes les plus graves. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à nombre d’Africains que Sarkozy paie aujourd’hui les péchés accumulés sur le dos du continent.

Durant sa présidence, Sarkozy aura multiplié les maladresses et les provocations à l’égard de l’Afrique. Son fameux discours de Dakar en juillet 2007, où il affirmait, péremptoire et un brin provocateur, que “l’homme africain n’[était] pas assez entré dans l’histoire”, reste à ce jour une blessure symbolique, révélatrice de sa méconnaissance des réalités africaines et de son manque d’humilité. Derrière son prétendu franc-parler se cachait un mépris à peine voilé.

Sarkozy, c’est aussi une série de promesses non tenues. Qu’il s’agisse de la réduction de l’empreinte militaire sur le continent ou de ses liens avec certains régimes autoritaires, qu’il aura défendus au détriment des droits humains et de l’idéal démocratique, il aura surtout prolongé les pratiques qu’il prétendait combattre. Candidat, il avait posé les bons diagnostics ; président, il s’est montré incapable d’appliquer les remèdes nécessaires.

Une forme de justice morale

Mais le plus lourd de ses héritages reste incontestablement son intervention militaire en Libye et la mort de Mouammar Kadhafi. Cette décision, motivée autant par des calculs géopolitiques que par des ambitions personnelles, incarne à elle seule la persistance du réflexe françafricain. Beaucoup d’Africains ne lui ont jamais pardonné cet épisode tragique, non seulement pour la disparition d’un dirigeant perçu, à tort ou à raison, comme un symbole d’émancipation africaine, mais aussi pour le chaos que cette guerre a engendré. Le démantèlement de l’État libyen ayant favorisé la prolifération des armes et l’essor des groupes terroristes, plongeant le Sahel dans une insécurité chronique dont les peuples paient encore aujourd’hui le prix fort.

À lire aussi : Opinion. En Afrique, la France n’est pas assez entrée dans l’histoire

En définitive, l’incarcération de Nicolas Sarkozy, si elle relève d’une procédure judiciaire française, résonne comme une forme de justice morale aux yeux de nombreux Africains. Pour tous les torts qu’il a semés sur les terres africaines, son emprisonnement apparaît donc presque comme un retour du destin.

Espérons simplement que, la solitude carcérale aidant, il en profitera pour méditer sur l’ensemble des actes qu’il aura posés, notamment à l’égard de l’Afrique. Peut-être en émergera-t-il enrichi d’une certaine sagesse. N’est-ce pas, d’ailleurs, la philosophie même de la prison : corriger en l’humain ses tares ?

 

 

Source : Courrier international (France) – Le 21 octobre 2025

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page