Coupe du monde 2022 : « Entre deux matchs, tous les espoirs sont permis, mais toutes les angoisses grandissent »

Une Coupe du monde de football propose un voyage dans le temps, un temps qui se déforme, rappelant la valeur de la rareté et de l’attente, détaille Jérôme Latta dans sa chronique.

Le Monde  – Ainsi va la merveilleuse temporalité d’une Coupe du monde : une première quinzaine frénétique, avec trois ou quatre matchs par jour lors de la phase de groupes, puis une seconde qui voit les intervalles se dilater et les équipes disparaître à coups de division par deux à chaque tour.

Le sevrage est rude avec ce passage à la phase à élimination directe. Six jours entre le huitième et le quart de finale, quatre entre le quart et la demie. Voilà qu’il faut attendre la prochaine échéance, remplir le vide des journées sans programme ni verdict, spéculer, avec un enjeu qui augmente à chaque marche.

Cette attente est une souffrance autant qu’un délice, pour des supporteurs dont le masochisme est connu (ils savent qu’au cours de leur vie ils vivront plus de désillusions que de joies). L’entre-deux-matchs est le moment où tous les espoirs sont permis, mais où toutes les angoisses grandissent.

Deux heures de tachycardie

L’imagination galope, car, contrairement aux joueurs, il nous est permis de « jouer le match dans la tête » avant l’heure. Et quand l’heure vient, le vertige s’approfondit devant l’incertitude d’un drame dont nous ne sommes ni scénaristes ni acteurs. On voudrait presque se téléporter au coup de sifflet final pour s’épargner deux heures de tachycardie ponctuées de pics de frayeur. Et d’une sourde peur de la disparition.

Quiconque a vécu l’expérience de l’élimination n’a aucune envie de la revivre. Ou alors « le plus tard possible », quitte à la rendre… encore plus douloureuse. Bien sûr, tout n’est pas affliction : on s’offre aussi les joies sauvages des buts, quelques bouffées d’optimisme, et une dose de sérotonine si la victoire est au bout.

C’est une autre beauté du Mondial : avec la phase à élimination directe, tout se joue sur un match, et non sur un aller-retour comme en Ligue des champions. Le chronomètre officiel est l’horloge qui sonnera le glas d’une des deux équipes. Même la qualification n’offre qu’un bref répit : dès le lendemain, on remet le petit cheval sur la première case de ce jeu éprouvant, mais évidemment excitant. L’existence y gagne en intensité.

L’attente est devenue rare dans le football actuel. Ce sport est passé en quelques décennies d’un régime de rareté télévisuelle à un régime de profusion et de saturation, proposant un accès (payant) à plusieurs matchs par jour, chaque jour de la semaine.

C’est aussi un régime d’addiction du spectateur, mis sous perfusion au point que les trêves internationales, réservées aux rencontres de sélection, sont vécues comme d’insupportables privations par les adeptes d’un football de club devenu dominant.

Les organisations sportives se livrent une guerre des calendriers, cherchant à en occuper le plus de cases possibles. En 2024, la nouvelle formule de la Ligue des champions ajoutera 100 matchs aux 125 de l’actuelle. La Coupe du monde 2026 passera de 32 à 48 équipes, et la Fédération internationale de football (FIFA) a récemment tenté d’en doubler la fréquence… Ce Mondial tous les quatre ans constitue une sorte d’anomalie, de nos jours, qui laisse un créneau biennal aux championnats des nations continentaux et, surtout, qui rend ce trophée si précieux.

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Source : Le Monde

 

 

 

 

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