Le Maroc plutôt que l’Europe : de plus en plus d’Africains venus de l’Ouest s’installent à Casablanca pour faire des affaires

Bénéficiant d’exemption de visa ou de facilité pour s’installer, de plus en plus de personnes venant d’Afrique subsaharienne décident de créer leur entreprise dans la capitale économique marocaine.

Le Monde – Non loin de la médina de Casablanca et à deux pas d’une synagogue, plusieurs centaines de chrétiens évangéliques sont réunies, un dimanche de juillet, dans l’église Tremplin plénitudes de vie. Pendant plus de trois heures, Ivoiriens, Camerounais ou Congolais chantent à la gloire de Jésus, avant de conclure le culte par une prière pour le Maroc et son roi Mohammed VI. « On le fait régulièrement pour remercier ce pays de nous accueillir », clame Emmanuel Victoire Ngapela, un fidèle.

Originaire de Brazzaville, cet homme de 36 ans à la voix douce, s’est établi au Maroc en 2009 : c’est ici qu’il a étudié, rencontré sa femme, fondé une famille et créé FreeConcept, son entreprise. Depuis onze ans, M. Ngapela dirige cette société qui compte cinq salariés, installés dans les locaux du Studio des arts vivants, un centre culturel de la ville. « Je me sens presque marocain », confie-t-il.

Fiers de la réussite de leur fils, ses parents lui ont récemment demandé de revenir au Congo. « Tout reste à faire », ont-ils insisté. « Impossible pour le moment, leur a-t-il répondu, en évoquant les coupures récurrentes d’électricité et d’Internet à Brazzaville. Sans ça, je ne peux pas travailler. »

Assis derrière son petit bureau, il insiste : « Pourquoi partir ? Au Maroc, les infrastructures sont organisées et efficaces, explique-t-il. Sur le plan politique et économique, le pays est stable. En une décennie d’entrepreneuriat à Casa, je peux dire que les standards marocains sont loin devant ce qui existe dans certains pays subsahariens. Ce constat fait mal au cœur. »

Une politique migratoire plus ouverte

L’histoire d’Emmanuel Victoire Ngapela n’est pas isolée. Comme lui, de plus en plus d’Africains, venus principalement de l’ouest du continent, convergent vers Casablanca pour y lancer leur entreprise. Il n’y a pas de chiffres officiels qui mesurent précisément ce mouvement, mais acteurs économiques et politiques confirment l’élan de cette diaspora, séduite par une cité « qui a le sens des affaires », souligne le Sénégalais Abdou Souleye Diop, 55 ans, président de la commission Afrique de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), la principale organisation patronale du pays.

La coopération Sud-Sud, inscrite dans la Constitution marocaine de 2011 et consolidée par le retour du royaume au sein de l’Union africaine en 2017, a favorisé l’installation d’une partie de cette diaspora africaine. La capitale économique du royaume est en plein essor : elle concentre 32 % du produit intérieur brut, enregistre près de la moitié des créations nationales d’entreprises, compte un centre financier abritant plus de 200 entreprises internationales (Casablanca Finance City) et 29 % des agences bancaires et d’assurance du pays. Les salons économiques comme Gitex Africa se multiplient pour attirer les investisseurs du continent.

Le Maroc a mis en place des politiques migratoires plus ouvertes, comme l’exemption de visa pour les Sénégalais, Gabonais ou Nigériens, ou une simple autorisation en ligne pour les Guinéens et Maliens, ainsi que la régularisation, en 2014 et 2017, de 45 000 clandestins au total, sont venus renforcer cette attractivité.

En témoignent ces nombreux migrants subsahariens qui, au lieu de poursuivre leur route vers l’Europe, ont choisi de s’ancrer dans cette métropole où ils sont « tolérés ». « Casa est une cité cosmopolite avec une ambition continentale. Elle est de facto un hub africain », insiste Abdullah Abaakil, membre du conseil de la ville et vice-secrétaire du Parti socialiste unifié.

« Des besoins dans tous les secteurs »

« Le climat des affaires y est favorable, note Halassane Traoré Falikou, un consultant Ivoirien de 39 ans, réputé au sein de la diaspora. En termes de perception, installer son entreprise à Casablanca, c’est se donner une stature sérieuse et reconnue à l’international, très différente de celle que l’on aurait à Yaoundé, par exemple. »

Depuis 2017, M. Traoré Falikou a accompagné la fondation de quelque 300 sociétés. Il faut entre sept à dix jours pour créer et enregistrer son entreprise en ligne avec, en prime, une série d’avantages pour les néoentrepreneurs : exonérations de la taxe professionnelle ou de l’impôt sur les sociétés pendant cinq ans, prêts à taux préférentiels… « Si on ne fait pas trop de bêtises, n’importe quel business peut marcher. La consommation et la demande sont fortes », pointe Abdullah Abaakil.

Lire la suite

 

 

 (Casablanca [Maroc], envoyé spécial)

 

 

Source :  Le Monde – (Le 10 septembre 2025)

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page