« Il nous interdit d’utiliser ChatGPT, puis il s’en sert lui-même… » : lorsque les étudiants n’acceptent pas que leur prof prépare ses cours avec des IA

Depuis 2023, les enseignants du supérieur se questionnent sur l’utilisation massive des outils d’intelligence artificielle générative par les étudiants. La crispation est parfois aussi de mise lorsque l’inverse se produit.

Le Monde  – Dans leur rapport sur l’intelligence artificielle (IA) dans l’enseignement supérieur publié en juin, les chercheurs Frédéric Pascal et François Taddei évaluent à 49 % le nombre d’enseignants utilisant quotidiennement ou de manière hebdomadaire l’intelligence artificielle pour leur cours.

Si l’utilisation de l’IA par les étudiants crispe nombre d’enseignants depuis 2023, la situation inverse crée également des remous, comme a pu le montrer l’histoire d’Ella Stapleton, aux Etats-Unis. En février, cette étudiante en dernière année de management à l’université Northeastern de Boston (Massachusetts) s’aperçoit qu’un de ses enseignants utilise ChatGPT, assez maladroitement, pour construire son cours. Elle demande le remboursement d’une partie de ses droits d’inscription (quelque 8 000 dollars, soit 6 860 euros). « Il nous interdit de l’utiliser, puis il s’en sert lui-même… », justifie-t-elle auprès du New York Times, qui a révélé l’affaire.

La jeune femme n’a finalement pas pu récupérer ses frais de scolarité, mais sa démarche a mis en lumière la question de l’acceptabilité des étudiants lorsque leur enseignant utilise l’IA. Des étudiants qui n’hésitent pas à s’en plaindre sur les réseaux sociaux, d’autant plus lorsqu’ils sont dans des établissements ou dans des cours qui interdisent l’utilisation de ChatGPT.

Plusieurs enseignants interrogés par Le Monde et utilisateurs d’IA dans leurs cours confirment les remarques appuyées de certains étudiants. « Ils sont souvent plus experts que les enseignants dans l’utilisation de ces outils, donc assez vigilants lorsqu’ils voient un slide [une diapositive] qui semble avoir été fabriqué avec ChatGPT », raconte Jean-Philippe Cointet, directeur de l’Institut libre des transformations numériques de Sciences Po Paris. Pour des raisons d’intégrité académique et de confiance, la grande école recommande à ses enseignants de toujours signaler aux étudiants l’utilisation des IA, comme ces derniers doivent d’ailleurs le faire aussi dans les travaux qu’ils rendent.

Acceptabilité sociale

« Quand je leur dis que j’utilise l’IA, certains font un peu encore les vierges effarouchées. Mais je leur explique que même les vieux comme moi vivent avec leur temps », commente en souriant Salomée Ruel, professeure en sciences de gestion en école de commerce. Elle explique surtout à ses étudiants qu’avec l’IA elle arrive à « créer des études de cas qui correspondent parfaitement à [ses] objectifs pédagogiques ou à l’actualité, là où [elle devait] auparavant puiser dans des bases d’exercices assez pauvres ».

Et la chercheuse d’ajouter que le gain de temps dans la préparation des cours ou des examens, grâce aux IA, est « malheureusement bienvenu » dans le quotidien des enseignants-chercheurs, « qui s’est incroyablement densifié ces dernières années », notamment de tâches administratives rognant sur la préparation des cours et la recherche.

L’utilisation d’IA qui questionne sans doute le plus les étudiants est celle dans la correction des copies et examens. Peu développée encore, elle est expérimentée depuis 2023 par Emmanuelle Deglaire, professeure de droit à l’Edhec Business School. Cette expérimentation, qui a donné lieu à une publication scientifique cosignée avec son collègue Peter Daly, vise à étudier à la fois la capacité de l’IA à corriger des copies, mais aussi l’acceptabilité sociale de la démarche.

Si le premier pan de l’étude a montré l’incapacité de l’IA à corriger seule une copie, il en est ressorti des performances intéressantes « quand on l’utilise en tant qu’assistant de l’enseignant dans certaines étapes de la correction, ou pour effectuer une double correction », commente Emmanuelle Deglaire. Plus surprenant, l’étude montre que l’acceptabilité sociale de l’expérience est plus grande chez les profs que chez les élèves, note la chercheuse : « Même s’ils s’en servent quotidiennement, les étudiants conservent une part de défiance envers l’IA. Et accordent toujours une vraie légitimité aux enseignants pour évaluer leur niveau. »

Source :  Le Monde

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