
une chanson fait les délices des critiques les plus acerbes du pouvoir d’Alassane Ouattara. Dans ce morceau reggae, non titré, les paroles très virulentes qualifient le président ivoirien sortant, candidat à sa propre succession pour un quatrième mandat, de « mythomane » et d’« assassin ». Le morceau n’a ni auteur ni interprète : il a été généré par une intelligence artificielle (IA). Une pratique encore quasiment inconnue en Côte d’Ivoire il y a un an, mais qui progresse à une vitesse exponentielle, encore redoublée par la situation politique tendue.
– A moins de deux mois de l’élection présidentielle du 25 octobre en Côte d’Ivoire,Si les données manquent, faute d’études réalisées sur le sujet, l’ampleur du phénomène est perceptible en ligne. Sur Facebook et sur WhatsApp, les commentaires d’actualité et éditoriaux politiques écrits avec ChatGPT se multiplient, parfois de manière assumée. Avec TikTok, ces réseaux sociaux sont désormais inondés de contenus générés par l’IA. En 2024 déjà, lors de la Coupe d’Afrique des nations, les supporteurs ivoiriens partageaient à l’envi des images d’éléphants, l’emblème de leur équipe nationale, piétinant les symboles des équipes adverses.
« L’Afrique de l’Ouest francophone accuse un retard par rapport à d’autres régions du monde, affirme Assane Diagne, rédacteur en chef francophone de The Conversation et ancien rédacteur en chef de la plateforme de fact-checking Africa Check. Mais l’IA est en train de franchir un tournant depuis environ trois ans, notamment sur le plan de l’usage citoyen et de ses répercussions politiques. Tout simplement parce qu’il y a une démocratisation dans l’accès à Internet en général, et à l’IA en particulier. »
« Guerre informationnelle »
A l’approche de l’élection présidentielle, ce sont désormais les contenus politiques qui remportent les faveurs des internautes, avec des mises en scène humoristiques ou caricaturales de politiciens, comme une vidéo de l’opposant Tidjane Thiam piquant un sprint, ou des images fictives de manifestants brandissant des panneaux barrés de divers slogans. « On peut désormais créer des contenus par IA grâce à des outils disponibles en ligne, sans compétences techniques particulières, souligne Oumar Watt, président du conseil d’administration de Sénégal numérique, la société nationale chargée des infrastructures Web du gouvernement. Derrière ces contenus IA, on trouve des profils plutôt urbains et éduqués : des étudiants, des universitaires ou juste des gens qui ont l’habitude des réseaux sociaux. »
Mais ceux qui les reçoivent et les partagent ne sont pas toujours conscients d’avoir affaire à des contenus fabriqués. « Le niveau de littératie numérique et algorithmique reste très limité, regrette M. Watt. La viralité prime sur le travail de vérification, surtout dans un contexte d’élection qui entraîne toujours une guerre informationnelle. »
Pour produire des textes, les IA textuelles génératives comme ChatGPT ou Gemini ne réalisent qu’une synthèse des ressources disponibles sur Internet, sans vérification des sources. Aussi les erreurs sont-elles toujours possibles – et nombreuses. Sans compter les risques d’« hallucinations », ces pures inventions de l’IA présentées comme des informations factuelles.
En outre, déplore M. Watt, « les gens croient ce qu’ils ont envie de croire. Si on voit une vidéo qui va dans le sens de notre croyance, on va avoir tendance à ignorer tous les signaux qui montrent qu’elle n’est probablement pas vraie. Nous sommes passés dans l’ère de la post-vérité ». Des biais cognitifs et un manque de vigilance qui accentuent la propagation de la désinformation.
Campagnes parrainées par la Russie
Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, les campagnes numériques visant à manipuler les systèmes d’information africains ont presque quadruplé entre 2022 et 2024. Près de 40 % d’entre elles auraient été parrainées par la Russie. Depuis avril 2025, les deepfakes à la gloire d’Ibrahim Traoré, surnommé « IB », encouragé tantôt par Beyoncé, tantôt par le pape Léon XIV, pullulent ainsi sur les réseaux sociaux. Une campagne orchestrée par les proches du capitaine putschiste burkinabé, mais aussi par ses « soldats digitaux » russes.
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