
Le Calame – Treize ans ! Treize années que cette dame n’a cessé de consacrer au secours de nos enfants souffrant de graves maladies ! Et, après s’être ainsi attelée sans relâche à cette tâche, y engageant toute son temps, son énergie et ses biens, la voilà aujourd’hui dans l’impossibilité de la poursuivre, faute de ressources financières et de moyens de transport pour rejoindre le pays qu’elle aime tant, notre chère Mauritanie ! Hé oui : madame Christine Bergougnous n’est même pas d’ici. C’est une française du département de l’Ariège, au pied des Pyrénées. Et elle n’est pas non plus musulmane, figurez-vous ! Certes, elle croit en Dieu et conduit sa vie en pleine droiture de cette foi, considérant au plus haut son devoir d’aider ceux et celles qui souffrent.
Mais pourquoi en Mauritanie, si loin de son Var natal ? Une histoire familiale surtout, presque une tradition de ses père et mère qui s’étaient connus en Algérie, avant l’indépendance de celle-ci. Mécanicien dans l’armée coloniale durant dix-sept ans, le papa de Christine avait été en poste un peu partout en Afrique du Nord et même au Sénégal, avec un passage durable à Fort Gouraud (ancien nom de F’dérick) au cours des années 58 et 59, au sein de la première Compagnie saharienne motorisée. C’est de là qu’il envoya à son épouse moult photos et lettres racontant les dunes et la vie simple des gens qui les habitaient. Un témoignage fort et beau dont sa fille ne connut pas plus de détails racontés de vive voix, puisqu’elle naquit juste quelques mois avant le décès de son géniteur…
C’est donc à la seule lecture de ces traces silencieuses que la petite Christine construisit conjointement l’image de son père et celle de la Mauritanie. Une situation assez singulière pour l’abreuver de rêves exotiques, avant de la convaincre, quelques dizaines d’années plus tard, à se lancer à l’aventure de ses si singulières racines. Non, sa place n’était pas en France, il lui fallait découvrir le grand air du désert et les gens qui y faisaient vivre l’humanité dans sa plus simple et vive expression ! Surtout les enfants, dont elle admirait la naïveté et la curiosité qui font d’eux, dit-elle encore aujourd’hui, des « êtres de lumière »… Son bagage ? Une formation médicale et une volonté inébranlable à remuer ciel et terre pour accomplir des œuvres belles et justes…
Premier départ !
En 2012, elle est fin prête au départ, mandatée par une petite association française qui soutenait l’école de Mariam Diallo à Nouakchott. Mais la situation sécuritaire au Sahara occidental n’était guère propice à un tel voyage, comme en témoigna la balle perdue qui vint étoiler le pare-brise de sa voiture ! « Qu’importe, il faut y aller ! », se dit-elle en serrant les dents et la belle réception que lui offrirent les garde-frontières du PK 55, impressionnés tout-à-la-fois par son courage et l’information de ce que son père avait été en poste à Fort Gouraud, lui fut comme le meilleur des encouragements à poursuivre sa route. Cette dernière confidence lui valut cependant de plus pénibles sollicitations de quémandeurs patentés, comme si la fonction militaire passée de son père l’obligeait, elle, à rembourser la dette de l’occupation française ! Mais, bon, elle a su faire la part des choses et répondre parfois à ces requêtes, dans la mesure de ses moyens.
Christine n’en garda pas moins la conscience de ses priorités : en un, sa mission auprès de l’école de Mariam Diallo ; en deux, la découverte de Fdérick et du site où avait vécu son père. Une fois accomplie à Nouakchott la première, elle dut cependant renoncer à la seconde, en raison de l’état de sa voiture et du placement du Tiris Zemmour en zone rouge par le ministère français des Affaires étrangères. Une rencontre impromptue au cours de son retour vers le Maroc lui fit alors entrevoir une autre action à entreprendre pour les enfants d’Azougui, la vieille oasis au Sud-ouest d’Atar réputée berceau des Almoravides. Et voilà notre aventurière lancée dans ce nouveau challenge ! De retour en France, elle réunit, en quelques mois avec le soutien de la fondation « Succession Antoine de Saint-Exupéry », le nécessaire à ce projet et repart, dès Septembre de cette même année 2012, vers l’Adrar.
Elle va y connaître quelques déceptions qui auraient pu la dégoûter d’entretenir plus avant l’exploration de son rêve et la convaincre de ne plus chercher son sens dans la réalité contemporaine de la Mauritanie. Mais Christine est bien la fille de son père. Deux années durant, elle va préparer minutieusement son arrivée à Zouérate, grâce à l’appui de l’ONG « Nomades de Mauritanie ». Après avoir été présentée à l’ancien maire de la ville, Yacoub ould Salem Vall (actuel ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur chargé de la décentralisation) qui va lui devenir, dit-elle encore aujourd’hui avec émotion, « un frère et binôme », elle est reçue à la mairie de la cité minière par son nouveau chef, Cheikh ould Baya. Au-delà de la visite des ruines de Fort Gouraud où elle peut, enfin, humer l’air des lettres et photos de son père, c’est en fait un accident de voiture – le premier d’une longue série qui l’amènera à approcher le sens du tawfiq min Allah (1) – qui va l’amener à sa nouvelle et décisive mission : le secours à nos enfants malades.
Se reposant au camping Imini d’Atar en mal de clientèle, phobie du terrorisme oblige, elle y rencontre en effet Lamina, nièce du gérant du lieu, qui souffre d’un polyhandicap mais peut et, surtout, veut marcher. Après avoir constaté l’incapacité des structures locales à prendre en charge la rééducation de celle-ci, Christine décide de rentrer en France pour motiver l’ONG Médecins de Chinguitti sur le cas de la jeune fille. Et voilà comment cette quête obstinée d’un kinésithérapeute bénévole va conduire notre égérie de l’aide aux enfants à fonder une association – « Terres de sables » – avec l’aide de sa maman (2) et de ses deux enfants étudiants très fiers de ses choix, afin de parcourir l’Hexagone en l’espoir de convaincre les ONG et organismes de tourisme que la Mauritanie est un pays sans danger.
De cas en cas
Invitée par la famille de Lamina à rencontrer le président Mohamed ould Abdel Aziz à Chinguitti, à l’occasion du festival des villes anciennes, Christine saute dans le premier avion pour croiser, devant la porte de l’Hôpital espagnol, le président qui l’écoute et promet de prendre en charge le dossier. De fait, celui-ci ne trouvera son aboutissement que dans l’engagement d’un kiné britannique qui finira d’ailleurs par s’installer à Chinguitti. Mais Christine s’est déjà lancée dans un nouveau projet au secours des enfants de Choum qu’elle avait coudoyées lors de son précédent séjour en cette petite ville où elle avait été si généreusement hébergée, en l’attente d’un train pour Nouadhibou. Le petit Saddam ne peut plus marcher et il faut lui trouver un fauteuil roulant équipé de pneus pour rouler dans le sable. Retour donc en France pour mettre au point un tel engin avec un lycée technique ariégois !
Et de projet d’aide médicale – notamment envers Aïchatou, une gamine de trois ans qui sera le premier cas, omphalocèle, à être évacuée en France, via la « Chaîne de l’Espoir », pour y être opérée – à l’équipement d’école – notamment celui porté par Yacoub ould Salem Vall et le Lion’s club des dauphins de Nouadhibou : aménagement d’un jardin, plantations d’arbres, atelier découverte du « Petit Prince » et exposition des dessins des enfants à l’Alliance Française ; l’infatigable dame n’aura cessé d’aller et venir entre les deux continents au service de sa foi, tissant, ici, des liens d’amitié indestructibles ; déplorant, ailleurs, de pénibles manquements ; mais toujours prête à relever les défis, d’où qu’ils viennent : recherche de financement pour la construction d’un barrage au Tagant ; évacuation en France, au Maroc ou en Espagne d’enfants atteints de cécité (3), malformation au visage, insuffisance rénale ou graves brûlures, notamment avec l’aide de l’ONG parisienne « Face au Monde » ; financement personnel d’études, notamment de deux années d’aide-soignant à un jeune affamé de médecine ; j’en passe et peut-être de plus notables, excusez les limites de notre journal…
Ahmed ould Cheikh
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