
Depuis plusieurs années, la Mauritanie est devenue un maillon essentiel de la politique européenne de gestion des migrations. Sa position géographique aux portes de l’Atlantique et au cœur du Sahel en fait une zone de transit pour des milliers de migrants et demandeurs d’asile originaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale.
L’Europe, confrontée à une pression migratoire croissante, a choisi de déléguer à Nouakchott une partie de sa sécurité frontalière.
Mais cette externalisation, financée à coups de millions d’euros, a eu un coût humain et politique lourd.
Des abus documentés et des responsabilités partagées
Le dernier rapport de Human Rights Watch est sans appel : entre 2020 et 2025, les forces de sécurité mauritaniennes ont commis de graves violations des droits humains. Tortures, viols, extorsions, expulsions collectives vers des zones instables… le catalogue des abus est effrayant.
Or, ces pratiques n’auraient pas prospéré sans le soutien de l’Union européenne et de l’Espagne.
En fournissant équipements, financements et présence sécuritaire, elles ont contribué parfois en étant directement témoins à une politique répressive qui réduit les migrants à des variables d’ajustement diplomatique.
Cette complicité, trop longtemps passée sous silence, révèle l’angle mort d’une Europe qui proclame ses valeurs humanistes à Bruxelles, mais les sacrifie sur les plages de Nouakchott et à Nouadhibou.
La Mauritanie à la croisée des chemins
Il serait injuste de réduire la Mauritanie à ces abus sans reconnaître les efforts récents du gouvernement.
En mai 2025, de nouvelles procédures opérationnelles standard ont été adoptées, interdisant officiellement les expulsions collectives et encadrant la prise en charge des migrants.
Cette inflexion témoigne d’une volonté d’améliorer son image internationale et de répondre aux critiques.
Mais ces réformes resteront lettre morte si elles ne sont pas appliquées sur le terrain, avec des mécanismes indépendants de contrôle, des sanctions contre les responsables d’abus, et une véritable politique d’accueil des réfugiés et demandeurs d’asile.
Un modèle ou un alibi ?
La Mauritanie a une opportunité unique : montrer qu’il est possible de gérer la migration sans piétiner les droits humains.
Elle peut devenir un modèle en Afrique du Nord, à condition de rompre avec la logique purement sécuritaire imposée par ses partenaires européens.
À l’inverse, si elle continue de jouer uniquement le rôle de gendarme de l’Europe, elle risque de rester prisonnière d’un système où son intérêt immédiat capter des financements se fait au détriment de sa crédibilité internationale et de la dignité de milliers de vies humaines.
Ma conviction de journaliste et consultant
En tant que journaliste ayant couvert les réalités migratoires en Mauritanie et consultant auprès de structures internationales, je reste convaincu d’une chose : aucune politique migratoire durable ne peut se construire sur la répression et le déni des droits humains.
L’histoire récente montre que la migration ne se bloque pas avec des murs, des barbelés ou des détentions arbitraires. Elle se gère avec une vision : développement partagé, protection des plus vulnérables, et respect des engagements internationaux.
L’Europe et la Mauritanie ont aujourd’hui un choix : persister dans un modèle cynique, ou inventer une coopération qui place la vie humaine au centre.
L’avenir de milliers de migrants, et l’honneur de nos institutions, dépend de ce choix.
Souleymane Hountou Djigo
Journaliste, blogueur
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