
Ce 19 août 2025, dans un bureau sobre, à l’image de l’homme qui m’y reçoit, je rencontre le Docteur DEH ABOU, directeur de l’hôpital régional de Selibaby. Un homme simple, engagé et déterminé, qui m’a ouvert ses portes et son cœur pour dresser un bilan de ses neuf mois à la tête de cet établissement en pleine transformation.
« Ici, on soigne d’abord, on discute des frais après »
Autour de verres de thé à la mauritanienne, le chirurgien et manager de formation me fait une révélation inattendue : « À l’hôpital de Selibaby, nous avons une règle : on soigne d’abord, et on voit ensuite comment régler les frais ». Il détaille ensuite les trois cas de figure possibles :
Le patient a les moyens : il paie directement l’acte médical.
Il est assuré : la CNAM prend en charge.
Il est indigent : un questionnaire permet de l’identifier et l’assistance sociale intervient.
Cette approche humaine, inclusive et inédite en Mauritanie témoigne d’un changement de paradigme dans une région souvent confrontée à des difficultés d’accès aux soins.
Un hôpital tourné vers le numérique et l’intelligence artificielle
Mais ce n’est pas tout. Le Dr DEH me montre, démonstration à l’appui, une autre révolution : la numérisation du parcours patient.
« Les radios, scanners, et bilans sanguins sont désormais remis aux patients sous forme de QR codes », m’explique-t-il.
Il scanne sous mes yeux le code d’un patient anonyme et projette les résultats sur un écran géant. « Avec ça, je peux partager les données avec un confrère à Nouakchott, à Dakar ou ailleurs, pour obtenir un second avis ».
L’intelligence artificielle vient également en renfort : « Elle nous aide à détecter certains schémas, à comparer les cas, et à orienter plus rapidement les diagnostics ». Une infirmière entre avec un électrocardiogramme : le QR code est immédiatement envoyé au cardiologue de l’hôpital, en déplacement. En quelques minutes, il répond avec un premier avis médical et des examens à compléter.
Des processus de gestion rigoureux
L’implication du Dr DEH ne s’arrête pas au volet médical. Lorsqu’une gestionnaire entre pour rectifier une erreur dans le PGI (Progiciel de Gestion Intégré), le docteur précise :
« Seul moi peux valider les corrections pour garantir la fiabilité des données ». La rigueur dans la gestion est, pour lui, aussi essentielle que les soins.
Une restauration hospitalière adaptée aux pathologies
Autre chantier en cours : la mise en place d’un service de restauration diététique. « Certains patients sont hypertendus, d’autres diabétiques… il est donc indispensable qu’ils aient accès à une alimentation adaptée », insiste-t-il. Cette mesure vise à améliorer la prise en charge globale et éviter les complications liées à la nutrition.
Des actes gratuits et un appel à la mobilisation
Par ailleurs, l’hôpital offre gratuitement certains soins coûteux : la réanimation, la dialyse et le suivi des femmes enceintes notamment, avec le soutien de l’État.
Mais pour réussir cette transformation en profondeur, le Dr DEH lance un appel à toutes les forces vives du Guidimakha :
Les associations : pour l’assainissement des alentours de l’hôpital par exemple.
La mairie : pour mieux organiser la gestion des accompagnateurs qui cuisinent devant l’établissement.
La diaspora : pour contribuer à la formation et à la coopération internationale.
Les intellectuels : pour sensibiliser la population et accompagner le changement.
Des défis persistants et une question sur l’avenir
Malgré ces avancées, les défis restent nombreux. Certains équipements sont là, mais il manque quelques pièces pour les rendre opérationnels. Le personnel aussi fait défaut, notamment certains spécialistes. Et puis, il y a l’absentéisme : sur 52 infirmiers, 40 sont des femmes, souvent absentes pour raisons médicales ou familiales.
Et surtout, une inquiétude habite le Dr DEH :
« Je ne sais pas pour combien de temps je serai là… mais après moi, est-ce que les transformations seront maintenues ? Là est la vraie question », confie-t-il avec lucidité.
Un rêve de référence sous-régionale
Pour conclure, Dr DEH ABOU partage son ambition : faire de l’hôpital régional de Selibaby une référence dans la sous-région.
Il sait que le chemin sera long, mais pour lui, le changement est un processus et chaque acteur, à son échelle, peut y contribuer.
« Je tends la main à tous ceux qui croient en un meilleur avenir pour notre système de santé. Ensemble, nous pouvons transformer l’hôpital régional de Selibaby. »
Ibrahima Samba DIOUM
Professeur d’économie-gestion
(Reçu à Kassataya.com le 21 août 2025)
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