49 Sénégalais accrochés au remorqueur d’un bateau néerlandais arrivés aux Canaries

Info MigrantsAux Canaries, la justice a ordonné la libération d’un groupe de Sénégalais retenus par les autorités qui souhaitaient procéder à leur expulsion. Ces migrants arrivés d’une façon peu commune et extrêmement dangereuse, accrochés à une barge remorquée par un bateau, disposent d’un mois pour tenter d’obtenir une autorisation légale d’entrée en Espagne.

Une juge a ordonné, lundi 11 août, la remise en liberté immédiate de 49 exilés Sénégalais débarqués d’une manière peu ordinaire dans les Canaries. Trois jours plus tôt, le groupe est arrivé au port d’Arrecife, accroché à une barge remorquée par un bateau battant pavillon néerlandais.

Les versions entendues par les avocats du groupe quant à ce passage assez extraordinaire divergent légèrement. L’un des avocats rapporte à l’agence de presse EFE que ses clients sont partis du Sénégal, arrivés en Mauritanie, et ont embarqué avec un grand groupe dans un cayuco – sorte de petite pirogue – depuis les côtes mauritaniennes.

Après s’être perdus en mer depuis sept jours, certains ont aperçu le navire néerlandais – baptisé Zwerver 3 – et profité de sa lenteur pour monter à bord de la structure qu’il remorquait, précise un second avocat. Celle-ci se trouvait à environ 400 mètres du bateau principal, raison pour laquelle l’équipage ne les aurait pas vus au départ, selon cette version.

On ne sait pas ce qu’il est advenu du reste du groupe demeuré sur le cayuco. L’un des 49 exilés a confié à son avocat que son frère était mort pendant cette traversée en cayuco, précise EFE.

Un navire destiné à la Belgique

Le navire était à destination du port d’Anvers en Belgique. Il avait quitté Dakar dix jours plus tôt. Vendredi 8 août au matin, l’équipage a contacté le port d’Arrecife pour demander l’autorisation d’accoster, signalant avoir trouvé 49 passagers clandestins à bord de la barge qu’il remorquait, raconte EFE.

Après plusieurs heures, la capitainerie a autorisé le débarquement. À leur arrivée, les 49 Sénégalais ont été mis à l’abri sous des tentes prévues à cet effet dans le port d’Arrecife. Mais, considérés comme irréguliers par les autorités, ils ont été retenus là dans l’attente de la décision judiciaire de lundi. La justice devait en effet trancher sur la légitimité de les placer dans un centre d’enfermement pour étrangers dédié (CIE, pour Centro de Internamiento de Extranjeros), en vue de leur renvoi.

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Seules 44 personnes sur les 49 ont été déférées en justice. Et pour cause : l’une se trouvait à l’hôpital, deux ont demandé l’asile à la frontière, tandis que deux mineurs isolés ont été pris en charge par les services espagnols de protection de l’enfance.

« Un énorme vide juridique »

Pourquoi les autorités ont-elles envisagé immédiatement la rétention (qui peut durer, en Espagne, jusqu’à 60 jours) de ces 44 personnes restantes ? Parce qu’elles ne sont pas arrivées comme d’habitude, à savoir dans de frêles embarcations détectées par les garde-côtes espagnols qui les escortent à quai. « Il faut tenir compte du fait que ce ne sont pas des personnes qui arrivent en bateau, mais qui entrent clandestinement. Elles sont donc traitées différemment. On leur refuse l’entrée », a expliqué l’avocat commis d’office de six des passagers à EFE, tout en soulignant qu’il existe « un énorme vide juridique, car ils ont déjà foulé le sol espagnol ».

Mais la justice a tranché en défaveur des autorités, en ordonnant la libération immédiate des 44 exilés. « Il s’agissait d’un sauvetage humanitaire, où l’intention d’entrer illégalement sur le territoire espagnol n’est même pas prouvée », a soutenu la juge d’instruction de Lanzarote qui a statué sur leur cas. Tout en insistant sur le fait que les 49 personnes voyageaient « ancrées à un câble pour survivre » à bord du remorqueur.

Par conséquent, le jugement indique que la rétention « n’est pas la mesure la plus appropriée pour exécuter la décision administrative rendue » et qu’il existe bien d’autres moyens de rester en contact avec 44 exilés – par exemple, en leur ordonnant de pointer au commissariat, ou bien en leur attribuant une adresse de domiciliation, qui pourrait en plus être utile pour suivre l’avancement de la demande d’asile pour ceux qui comptent en déposer une.

Un mois pour avoir une autorisation d’entrée

Actuellement pris en charge par la Croix-Rouge, les exilés disposent d’un mois pendant laquelle l’expulsion est suspendue. Dans ce laps de temps, ils doivent présenter un recours afin d’argumenter en faveur d’une autorisation d’entrée en Espagne, explique EFE.

De plus, durant l’audience, trois nouvelles personnes ont déclaré être mineurs et des tests de détermination de l’âge vont donc être lancés.

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Le Sénégal représente le deuxième pays de départ vers l’Espagne en 2024, selon l’Intérieur espagnol. Le pays a vu 11 824 de ses ressortissants prendre la route dangereuse des Canaries en 2024, selon des chiffres enregistrés par la Mauritanie, devenue le principal pays de départ de migrants.

Plus de 5 000 candidats à l’exil vers l’Europe ont été interceptés par l’armée sénégalaise sur l’ensemble de l’année 2024. Le 29 juillet par exemple, la Marine nationale a intercepté un bateau chargé de pas moins de 239 migrants subsahariens, au large de Saint-Louis, au nord du Sénégal.

Il s’agit de l’une des routes migratoires les plus meurtrières : plus de 10 400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne en 2024, selon l’ONG Caminando Fronteras. Un chiffre sous-estimé : de nombreuses embarcations perdues en mer ne sont jamais retrouvées.

 

 

Source : Info Migrants (France)

 

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