
– Difficile de glisser sa maison sur un compte offshore ou de la dissimuler au fisc. C’est précisément la raison pour laquelle, dans les pays en développement, les autorités s’intéressent de près à la taxe foncière. « Le bien immobilier ne peut pas être caché à l’administration fiscale, ce qui en fait un impôt idéal », résume Bassirou Sarr, directeur de cabinet du ministère sénégalais des finances et du budget.
Avec une dette représentant près de 119 % de son produit intérieur brut (PIB), selon les estimations de la banque Barclays, le pays le plus endetté d’Afrique doit impérativement accroître ses recettes fiscales. Celles de la taxe foncière ont un potentiel important. Au Sénégal, elles ne fournissent que 0,3 % des recettes de l’Etat, contre 2 % en Afrique subsaharienne et environ 6 % dans les Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Comme dans d’autres pays en développement, les autorités privilégiaient les impôts sur les grandes entreprises, les PME et enfin les contribuables employés dans le secteur formel, plus faciles à collecter.
« Les questions foncières sont très sensibles politiquement car beaucoup d’occupants n’ont pas de titres de propriété formels », ajoute Justine Knebelmann, économiste à Sciences Po. Un nouveau logiciel testé à Dakar depuis 2021 pourrait changer la donne. Entre 2021 et 2024, il a permis de tripler la conformité fiscale dans les zones couvertes, et de générer plusieurs millions d’euros de collectes supplémentaires.
« Il s’agit de numériser toute la chaîne fiscale en matière foncière », avance M. Sarr. A commencer par le recensement des parcelles ou des nouvelles constructions. Le développement urbain à Dakar est si rapide que les ingénieurs s’appuient sur les images de drones ou de satellites pour mettre à jour le cadastre.
Transparence du dispositif
Les agents vont aussi les recenser sur le terrain, munis de tablettes électroniques avec lesquelles ils prennent des photos et saisissent les données, consultables le jour même. « Les informations sont vérifiables et non modifiables », précise M. Sarr, soulignant ainsi la transparence du dispositif. « Avant, l’administration identifiait le contribuable et essayait ensuite de comprendre où il habitait alors que, maintenant, elle part du cadastre pour remonter jusqu’au contribuable », explique Victor Pouliquen, économiste à l’université britannique d’Essex et co-évaluateur du projet. Arrive ensuite la seconde étape du projet : l’estimation de la taxe foncière du bien, calculée sur la valeur locative à partir de données sur des appartements ou terrains voisins similaires.
Le logiciel PAGCF a surtout simplifié les tâches et a aboli le cloisonnement entre les services de l’administration, en mettant en commun des données du cadastre, de la direction générale des impôts et des domaines (DGID) qui calcule le montant de l’avis d’impôt, et du Trésor qui les envoie aux contribuables.
Cette numérisation libère des ressources et du temps. « Le bon fonctionnement de l’administration fiscale a longtemps été négligé par la recherche en économie, or il est aussi important que la lutte contre l’évasion », explique encore Justine Knebelmann, co-évaluatrice du projet PAGCF.
Dans les locaux de la DGID, c’est avec fierté qu’on présente le logiciel. Pour chaque adresse, les informations sont nombreuses, du numéro de la carte d’identité à la taille du foyer. « Ces informations sont extrêmement utiles à l’Etat, pour les revenus fonciers, mais aussi pour l’imposition des revenus tout court », commente Jean Koné, le directeur.
Cet élargissement de la base fiscale, qui consiste à faire payer les impôts plutôt qu’à les augmenter, s’inscrit dans un mouvement de « démocratisation de l’impôt », selon Jean Koné, dans un pays où « bien souvent, les gens ignorent qu’ils doivent payer une taxe foncière », observe Baba Coundoul, contrôleur des impôts.
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