Mauritanie : Constructions territoriale (frontière sud) et politique. Un aperçu

Il arrive que les soubresauts de l’actualité rappellent les poupées russes, que les sujets que l’on imaginait disjoints interfèrent. Qui aurait imaginé que les rafles en Mauritanie, en 2025, de migrants, principalement sénégalais (et noirs plus généralement), susciteraient en onde de choc un débat, pour le moins incongru, sur le tracé de la frontière entre les 2 pays riverains ? Le sujet n’est assurément pas d’actualité. Mais c’était sans compter avec la tentation de la diversion, de l’enfumage et du « regarder ailleurs ». Ruse vieille comme Hérode ! Qu’à cela ne tienne. Parlons-en.

De la frontière mais aussi des hommes engagés dès le « début » dans les débats et combats politiques qui vont de pair. C’est le sens de notre présente dont la force tient par-dessus-tout à la qualité des grands témoins et autant acteurs, qui ont accepté de livrer leur lecture des événements dont ils furent avant tout les artisans. Nous ne les remercierons jamais assez Ces pères-fondateurs, rencontrés, ont pour noms notamment Sidi El Moktar Ndiaye, Mamoudou Samboly Ba, Bocar Alpha Ba….Il ne restait qu’à étayer, recouper, compléter le cas échéant le précieux matériau, fruit de la mémoire et du témoignage oral par d’autres sources dont celles consignées aux Archives nationales de Mauritanie et du Sénégal. Au bout du compte, notre satisfaction est double : avoir saisi le témoin qui nous a été si généreusement confié, il y a plus de quarante ans, et avoir passé le relais à nombre de chercheurs par la suite.

Rapide survol de la construction territoriale

Le nom de Mauritanie n’apparaît officiellement que le 27 décembre 1899 avec une décision ministérielle qui organise sous le nom « Mauritanie Occidentale », les régions s’étendant de la rive droite du fleuve Sénégal et de la ligne entre Kayes et Toumbouctou, jusqu’aux confins du Maroc et de l’Algérie. Décision et nom inspirés par Xavier Coppolani.

En 1900 la première frontière du Territoire fut fixée. Ce tracé théorique délimitait les zones d’influence franco-espagnole au nord (Sahara occidental).

Le 10 avril 1904, par arrêté, tous les territoires situés sur la rive droite sont provisoirement rattachés aux protectorats des pays maures.

Le 8 décembre 1933, par décret, la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal est fixée sur la rive droite (Mauritanie) selon un tracé qui couvrirait soixante dix kilomètres à partir du fleuve Sénégal. Ce décret auquel s’est référé le Sénégal en 1989, situe la limite entre les deux pays à la « limite du lit majeur, soit sur la rive droite, impliquant que le fleuve revienne au Sénégal ».

Lors des déportations et du conflit entre les deux pays en 1989, chaque partie brandit son document : le Sénégal le décret du 8 décembre 1933. La Mauritanie, l’arrêté du 10 avril 1904 confirmé par le décret du 25 février 1905 qui fixerait la frontière sur le « Thalweg », c’est à dire au milieu du cours du fleuve.(Olivier Leservoisier, la question foncière en Mauritanie, L’Harmattan, pp 222 et 223).

Pour la mise en place de l’Organisation de Mise Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), il a fallu la signature d’une convention, à Nouakchott le 11 mars 1972, portant sur l’internationalisation du fleuve Sénégal. « Le fleuve Sénégal est déclaré fleuve international. Y compris ses affluents (journal officiel de la RIM, 26 juillet 1972)

De fait, la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal n’a jamais été validée : pour la mise en place de l’OMVS, il a fallu internationaliser les eaux du fleuve Sénégal.

En 1936, les arrêtés N° 469 et 470 du 10 août 1936 organisent séparément les commandements et administrations « indigènes maures » et les populations sédentaires noires. Il résulte de ces deux arrêtés pris par le gouverneur Beyries, l’implantation de deux administrations : directe chez les sédentaires noirs avec la création de chefs de cantons et indirecte chez les maures avec des émirs qui dépendaient de l’autorité coloniale.

Enfin, par décret du 5 juillet 1944, la région du Hodh jusqu’alors sous dépendance du Soudan (actuel Mali) est rattachée à la Mauritanie pour des raisons militaires liées à la résistance pacifique des Hamalistes (Cheikh Hamahoullah) .

Construction politique de la Mauritanie

Comme les ressortissants des autres colonies, les Mauritaniens sont appelés à voter pour élire leurs représentants : un député à l’Assemblée Nationale Française, un sénateur et un conseiller au Grand Conseil de l‘Union de l’Afrique de l’Ouest. Ces élections marquaient le début d’une individualisation politique et territoriale par rapport au Sénégal.

Nous avons choisi de mettre en lumière cette période (1946 – 1960) très importante de l’histoire de notre pays mais paradoxalement peu connue, alors qu’elle met en scène un nombre impressionnant d’acteurs qui ont accepté de nous livrer leurs témoignages il y a un peu plus de quarante ans.

Ces témoignages sont corroborés et complétés par des sources consignées aux Archives nationales de Mauritanie et du Sénégal. C’est donc une période sensible, voire très sensible, très peu connue, qui a vu naître les premières formes d’organisation politique, émerger les premiers enjeux de la lutte pour la conquête, le contrôle du pouvoir et in fine affecter notre présent.

L’élection de novembre 1946 : premier test pour la Mauritanie, premières frictions

En 1945, l’annonce des prochaines élections avait suscité des hostilités entre Maures et Noirs. Les documents d’archives (Sous – série 2 G 45 : 134, Archives Nationales du Sénégal) révèlent chez les Maures la conviction unanime que « le représentant de la Mauritanie ne saurait être un Noir » autant que le début de manifestation d’une volonté de renouer avec le monde arabe, évoquant un « éveil de la race Maure …… et le désir d’être rattachés de fait au Maroc ».

Les Noirs de la vallée du Fleuve Sénégal et du Hodh, qui se sentaient très attachés à leurs frères de sang du Sénégal et du Soudan (actuel Mali), estimaient que « seule une candidature européenne pouurait départager les voix en Mauritanie ».

Deux candidats briguaient le suffrage des Mauritaniens à l’occasion de cette élection. D’un côté, Horma Ould Babana, interprète, engagé en politique en 1944 au Bloc Africain de Lamine Guèye et L.S. Senghor. Ce parti, affilié à la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) n’avait pas obtenu de grands succès auprès des populations de la vallée lors de précédentes élections. A l’occasion de la campagne électorale d’août 1946, Lamine Guèye et Senghor parcoururent toute la vallée présentant Horma comme un chérif, un descendant du Prophète à qui devrait revenir de fait la députation d’un territoire dont les habitants sont des musulmans. Horma avait d’ores et déjà recueilli le soutien des tribus du Tagant et une masse importante des Noirs de la Vallée, victimes des brimades des chefs de cantons locaux. De l’autre, Yvon Razac administrateur français, candidat de l’administration coloniale.

A l’issue de l’élection de novembre 1946, Horma Ould Babana est élu député de la Mauritanie par 6 076 voix contre 3 525 pour Yvon Razac.

En 1948, se créa une véritable fronde contre Horma Ould Babana, rassemblant les courants conservateurs maures et noirs ainsi que les tribus les plus engagées aux côtés de l’administration coloniale. Ses électeurs Maures se montraient «…impatients et, ne supportant plus l’influence noire, étaient (désormais) prêts à embrasser toute doctrine extrémiste quelle que soit l’étiquette pour couvrir leurs aspirations nationales » (source : 2 G 47 : 20, Archives Nationales du Sénégal, rapport politique du premier trimestre 1947, page 7).

Tandis que les chefs traditionnels et une partie de l’intelligentsia Noirs de la Vallée se sentant trahis par l’administration coloniale et noyés dans un ensemble Maure, vont tenter de s’organiser en vue de défendre l’intérêt de leur communauté à travers un groupement politique.

L’apparition des premières formations politiques

– L’Union Générale des Originaires de la Vallée du Fleuve (U.G.O.VA.F) est créée fin 1946 à Dakar. Elle connut trois phases :

En 1946, l’U.G.O.VA.F (confondue avec l’U.G.O.F dans certaines sources) n’était qu’une simple association d’élèves et anciens élèves Haal Poular en et Soninko des deux rives, sortant pour la plupart de l’école Normale William Ponty, pour « créer un climat familial ». Présidée par Abdoulaye Watt, l’association comptait parmi ses membres : Thierno Saydou Nourou Tall, Samba Gandega, Aly Bocar Kane, Mamoudou Samboly Ba, Moustapha Touré, Ismail Sy, Demba Labbo Dioum, Aly Ciré Ba, Boubou Sall…

En 1947, l’U.G.O.VA.F évolue pour défendre les intérêts de la communauté noire en territoire de Mauritanie et devient une association politique affiliée à la SFIO avec le seul objectif de veiller aux intérêts des « fluviaux ». Le renouvellement de ses instances en 1948, verra apparaitre deux tendances qui occasionneront le départ des « futurs Mauritaniens » vers l’Entente Mauritanienne.

En 1951, Hamath Ba, médecin en poste à Boghé, sollicite et obtient le soutien de l’U.G.O.VA.F pour sa candidature aux législatives de 1951.

– L’Union Progressiste Mauritanienne (U.P.M). Créée en 1948 à Rosso, elle regroupait des chefs traditionnels, des fonctionnaires locaux et des administrateurs civils français en poste dans les Territoires du Sénégal et de Mauritanie. L’UPM se proposait de « réaliser l’union de tous les habitants de la Mauritanie, sans distinction de race ou de parti pour qu’ils deviennent éléments actifs de l’Union Française ».

A sa naissance, elle était présidée par Bouna Mokhtar, la vice-présidence était assurée par Sidi El Moktar N’Diaye. Parmi ses membres les plus influents de l’époque, on peut citer : Mohamed Ould Daddah, Amadou Diadié Samba Diom Ba, Thiécoura Dembélé, Ahmed Saloum Ould Haibale, Abdallahi Ould Cheikh Sidiya.

Patronnée par le Général de Gaulle et Abdallahi Ould Cheikh Sidiya, l’U.P.M représentait une alliance de «grandes familles Maures et Noires» avec une prédominance du Trarza et l’appui d’Émirs comme celui du Tagant Abderrahmane Ould Bakar Ould Soueid Ahmed.

– L’Entente Mauritanienne, créée en 1950 par Horma Ould Babana à Rosso et une équipe de jeunes qualifiés de « socialistes » dont N’Diawar Sarr, Di Ould Zein, Dieri Sidibé, Harouna Salzman, Dey Ould Sidi Baba, rejoints par Samba Gandega et Mamoudou Samboly Ba qui viennent de quitter l’U.G.O.VA.F. L’Entente ambitionnait de « faire évoluer le pays d’une structure archaïque et féodale vers un statut démocratique, avec l’aide de la France ». Le parti va s’affilier d’abord à la S.F.I.O, puis à l’Union Démocratique des Socialistes Républicains (U.D.S.R).

L’élection de Juin 1951 : un paysage politique redessiné

La perspective de l’élection de 1951 pour le renouvellement du siège de député représentant le Territoire de Mauritanie à l’Assemblée Nationale Française, fait naître un regain d’activités au sein des partis en présence.

Si l’Entente et l’U.G.O.VA.F n’eurent aucun mal à désigner respectivement Horma Ould Babana et Hamath Ba comme candidats, du côté U.P.M, le choix du candidat ne fut pas simple : l’administration coloniale interfèrera et préfèrera Sidi El Moktar N’Diaye.

En prélude à cette élection, l’UGOVAF tenta d’exploiter le sentiment d’insécurité, régnant au Gorgol et au Brakna surtout, créé par celui qui est présenté comme un brigand : Ould Mseik ou Mseikine, de son vrai nom Mohamed Ould Mseikine qui s’attaquait principalement aux Haal pulaar du Brakna et du Gorgol. Cette politisation se fera par l’entremise des représentants locaux (Boghé) du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) : Oumar Ba et Mamadou Sada Wane. L’administration mettra fin aux jours de Ould Mseikine en 1952. Était-il brigand, manipulé ou révolté contre les injustices que subissaient les Haratines ?

A l’issue du scrutin de Juin 1951, l’U.P.M sort vainqueur avec 39 646 voix contre 23 323 voix pour l’Entente Mauritanienne et son candidat, Sidi El Moktar N’Diaye, est donc élu député. Mais cette victoire est contestée par les autres partis qui voient dans cette élection une mascarade orchestrée par l’administration coloniale visant à favoriser celui des candidats qui représenterait le mieux ses intérêts.

En effet, depuis la découverte des mines de fer à Zouerate et de cuivre à Akjoujt, la France a beaucoup investi à partir de 1946 pour exploiter ces richesses. Cet engagement du capitalisme français s’accompagne désormais d’une ingérence dans les affaires politiques de la Mauritanie.

Ce qui n’a pas empêché l’UPM de connaitre une crise dès 1953, lors du choix du candidat au Grand Conseil de l’AOF. A la demande des Noirs de ce parti d’être représentés par Moktar Touré, l’UPM imposera Souleymane Ould Cheikh Sidiya. Celui-ci battra N’Diawar Sarr de l’Entente par 22 voix contre 2 (Circulaire 338/INT – AP du 19 Avril 1952 et Série B55, Archives Nationales de Mauritanie).

La base de ce parti reproche à ses dirigeants de faire preuve d’inertie. Sa jeunesse, sensible à la fermentation politique au Maghreb et en Afrique Noire, va claquer la porte avec son chef de file Mohamed Ould Jiddou et forme l’Association de la Jeunesse Mauritanienne (A.J.M) à Rosso avec Yacoub Ould Boumediene et Mohamed Ould Jiddou.

L’AJM restera un creuset d’idées et un foyer de formation politique de jeunes Maures hostiles à toute éventuelle intégration de la Mauritanie à l’Afrique de l’Ouest. Elle évoluera lentement mais progressivement vers un mouvement panarabiste, voire pro marocain.

L’élection de 1956 : Nouvelle recomposition, affirmation plus claire des clivages

Pour ce deuxième renouvellement du poste de la représentation du Territoire de Mauritanie, trois candidats s’affronteront : Sidi El Moktar N’Diaye pour l’UPM, Horma Ould Babana pour l’Entente et Mohamed Ould Jiddou de l’A.J.M. Sidi El Moktar NDiaye remporte l’élection de janvier 1956 avec 106 000 voix contre 7 731 voix pour le candidat de l’Entente et 584 à celui de l’AJM.

Après cette défaite, l’Entente Mauritanienne implose :

– d’un côté Horma Ould Babana rejoint le Maroc la même année et s’aligne sur les positions du parti Al Istiqlal de Allal El Fassi qui avait des visées territoriales sur la Mauritanie. Ces revendications, formulées en 1956, vont se préciser en 1957 et devenir officielles en 1958. Horma Ould Babana va épouser ces revendications qui prendront un caractère armé (Armée de Libération Nationale) avec à leur actif le siège de la ville d’Atar et plusieurs attaques en Territoire mauritanien jusqu’à la veille du Congrès d’Aleg.

– de l’autre côté, certains Noirs de l’Entente forment, à Kaédi, le Bloc Démocratique du Gorgol (BDG) en 1956 et lorgnent de plus en plus les Fédéralistes comme Senghor qui propose une indépendance du Sénégal dans un cadre fédéral avec le Soudan (actuel Mali).

L’AJM de son côté ne s’en relèvera pas. Naitra de ses cendres la NAHDA, créée en août 1958 à Kaédi par Bouyagui Ould Abidine et Mohamed Taghi avec un programme politique « révolutionnaire », inspiré des luttes du Machrek et du Maghreb. Seulement ce parti, composé exclusivement de Maures, était tellement panarabiste qu’il finira par épouser l’idée du Grand Maroc, mettant en cause l’existence de la Mauritanie dans ses frontières de 1944.

La tension était tellement perceptible qu’un administrateur français a cru bon d’attirer l’attention d’un groupe de Maures en 1956 en ces termes « Si vous ne faites pas instruire vos enfants, les Noirs continueront à occuper toutes les bonnes places et l’on continuera à voir le médecin noir commander à l’infirmier maure » (Francis de Chassey : La Mauritanie 1900 – 1975).

Le Congrès d’Aleg : Mythe et réalités

Avec l’entrée en vigueur de la loi-cadre, chaque Territoire peut élire sa propre Assemblée Territoriale et un Conseil de Gouvernement. En Mauritanie ses élections auront lieu en 1957.

Pour l’élection du Conseil de Gouvernement, l’UPM présente la candidature de Moktar Ould Daddah. Il est élu en mai 1957 Vice-président du Conseil de Gouvernement. Son élection symbolise la continuité des bonnes relations entre la France et sa tribu, celle de Cheikh Sidiya Baba (Oulad Biéri). Son mariage avec une française renforce cette idée. Dès lors, la France ne pouvait craindre de lui une attitude contestatrice.

Moktar Ould Daddah forme alors un Conseil de Gouvernement (premier gouvernement de Mauritanie) composé de huit membres : Cinq Maures, deux Français et un Noir : Amadou Diadié Samba Diom Ba au portefeuille technique de Ministre des Travaux publics.

Désormais, avec la confiance de la France, Moktar Ould Daddah est « programmé » pour prendre en main la destinée de la future Mauritanie. Maitre à bord du navire Mauritanie, il place alors l’unité nationale au premier plan de ses préoccupations, forme une équipe gouvernementale ouverte aux anciens de l’Entente, appelle les Mauritaniens « à faire ensemble la patrie» et convoque un congrès de regroupement des forces politiques : c’est le très célèbre congrès se tiendra du 2 au 5 mai 1958 à Aleg dont les deux premiers jours seront marqués par d’âpres discussions sur l’orientation politique et la conception du type d’État en Mauritanie.

Le Congrès d’Aleg verra la participation de tous les poids lourds de la période 1946/1958 et confirmera le poids politique de certains autres éléments du Sud comme Youssouf Koita, Dah Ould Teiss, Cheikh Saad Bouh Kane, Gaye Silli Soumaré, Petit Ba, Hamath NGaide, Yaya Kane….

A l’issue de ce congrès, les participants optent pour la participation à la Communauté Française avec option pour l’indépendance, créent un nouveau parti, unitaire : le Parti du Regroupement Mauritanien (P.R.M, qui deviendra Parti du Peuple Mauritanien) et désignent un comité paritaire, composé de 4 Noirs et 4 Maures, chargé de réfléchir sur la cohabitation.

Ce comité était dirigé par Gaye Silli Soumaré et Mohamed Ould Cheikh. Mais ses conclusions resteront lettres mortes. Deux tendances se dégagent alors parmi les congressistes Noirs. L’une, autour de l’Union Générale des Originaires du Fleuve (UGOF) – à ne pas confondre avec l’UGOVAF qui a participé à l’élection de juin 1951 – du Dr Moussa Sao, Abdoul Aziz Ba, Racine Touré, Bocar Alpha Ba, prône la Fédération. L’autre choisit de jouer la carte de la Mauritanie unitaire, «trait d’union entre l’Afrique méditerranéenne et l’Afrique noire ».

Le 28 Septembre 1958, les Mauritaniens adhèrent par référendum à la Communauté et se dotent d’une Constitution le 22 Mars 1959 puis d’un deuxième Gouvernement de 10 membres, élargi à d’anciens militants de l’entente Mauritanienne. La représentativité des Noirs semble être fixée à un sur cinq. Ils sont deux : Amadou Diadié Samba Diom Ba et Mamoudou Samboly Ba qui occupe le portefeuille de l’urbanisme et de l’habitat.

Les revendications des Noirs du Sud vont passer de la représentativité proportionnelle à la mise en cause de la cohabitation. Cette règle va se confirmer le 29 Septembre 1961 avec la nomination du troisième Gouvernement : Sur onze membres, seuls deux sont noirs, il s’agit de Bocar Alpha Ba qui fait son entrée à la santé et Mamoudou Samboly Ba aux finances.

L’évolution politique du pays va continuer à susciter des contestations qui ont conduit à la création des deux nouveaux partis, à assise régionale. D’un côté, l’Union Nationale Mauritanienne (U.N.M) créée en Juillet 1959 visait à « préserver les liens historiques avec la Fédération du Mali (Sénégal et Mali). Ses principaux animateurs étaient des mécontents du congrès d’Aleg : Ould Khattri, Abdoul Aziz Ba, Tène Youssouf Gueye et Yaya Kane. De l’autre, l’Union Socialiste des Musulmans Mauritaniens (U.S.M.M) créée à Atar en 1960. Mal connue, l’USMM exprimerait avant tout un particularisme régional de l’Adrar.

Ce regain de régionalisme marque le climat politique de notre pays à la vieille de son accession à la souveraineté internationale. Plus tard, au début des années 1960, avec la publication d’un document signé de l’Union Générale des Originaires de la Mauritanie du Sud (UGOMS) puis en 1966 du Manifeste des 19, des cadres de la Vallée réclamaient toujours des garanties pour une cohabitation harmonieuse.

Le 28 novembre 1960, notre pays accède à l’indépendance nationale avec d’importantes réserves de cuivre et de fer surtout. Le minerai de fer de Fort – Gouraud (Zouerate) était estimé à 100 millions de tonnes d’un minerai titrant de 63 à 67% de fer, exploité par la société Française des Mines de Fer de Mauritanie (MIFERMA) dont l’État Français était actionnaire principal depuis juin 1952. Quant au cuivre d’Akjoujt, il est exploité par la société Française des Mines de Cuivre d’Akjoujt (MICUMA) depuis 1953. Il serait excessif, on l’a vu, de dire que l’histoire politique ne fait que commencer. Reste que la suite était contenue en germe dans les péripéties et vicissitudes décrites bien que rapportées à l’essentiel. La Mauritanie d’aujourd’hui était contenue dans la Mauritanie d’hier. C’est une certitude. Jusqu’à quel point ? C’est une question.

 

 

Ciré Ba et Boubacar Diagana

Paris, le 04/08/2025

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 04 août 2025)

 

 

 

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