Le Sénégal veut faire la lumière sur les violences politiques commises sous Macky Sall

Selon Amnesty International, au moins 65 personnes ont été tuées lors de manifestations contre le pouvoir entre 2021 et 2024. Le ministre de la justice a saisi le procureur de la République pour enquêter sur ces décès.

Le Monde – Un espoir de justice a refait surface pour des dizaines de familles sénégalaises. Mardi 29 juillet, le ministre de la justice, Ousmane Diagne, a saisi le procureur général de la République pour l’ouverture d’une enquête sur les décès survenus lors des événements politiques entre 2021 et 2024.

Selon Amnesty International et plusieurs organisations de la société civile, au moins 65 personnes sont décédées (80, selon les nouvelles autorités) durant des manifestations préélectorales de soutien au principal opposant de l’époque, Ousmane Sonko, aujourd’hui premier ministre. La majorité d’entre elles sont mortes par arme à feu. Quelque 1 000 autres auraient été blessées, certaines « victimes de torture », selon l’ONG de défense des droits humains.

 

Pour la famille de Cheikh Wade, un couturier de 32 ans tué le 8 mars 2021 au cours d’une violente manifestation, « c’est un soulagement », selon les mots de son frère, Abdoulaye, assis sous un portrait de son aîné accroché dans le salon de la maison familiale, dans le quartier populaire de Cambérène, à Dakar. « On attend ce moment depuis trop longtemps », poursuit-il. La mort de Cheikh Wade, filmée par des passants et diffusée sur les réseaux sociaux, avait particulièrement marqué les Sénégalais. La vidéo, authentifiée par Amnesty International, montre un policier viser le jeune homme avant de lui tirer dessus, puis un véhicule de police s’approcher de son corps gisant avant de poursuivre sa route.

Malgré l’émoi et les preuves apportées par la vidéo, la plainte déposée contre X dès le 25 mai 2021 par la famille Wade n’a pas abouti. « On n’a jamais été convoqué, il n’y a jamais eu de suites », poursuit Abdoulaye Wade, gardien d’un précieux dossier chargé de preuves, dont le certificat d’autopsie, et d’une clé USB comportant d’autres faisceaux d’indices.

Des crimes imprescriptibles

Dans les dernières semaines du mandat de Macky Sall (2012-2024), une loi d’amnistie avait contrarié les espoirs de justice des familles de victimes. « Près de 65 familles ont porté plainte depuis 2021, mais cette loi a créé un blocage », explique Ousmane Diallo, chercheur principal sur le Sénégal et le Sahel au bureau régional d’Amnesty International. C’est la même loi qui avait permis à Bassirou Diomaye Faye, l’actuel président, de sortir de prison dix jours avant l’élection lors de laquelle il a été élu. Son abrogation était une promesse de campagne.

Le 2 avril, l’Assemblée nationale dominée par le nouveau pouvoir a approuvé une loi révisant la loi d’amnistie. Mais quelques jours plus tard, le Conseil constitutionnel l’a invalidée, la jugeant « contraire à la Constitution ». Néanmoins, les sages ont rappelé que les crimes présumés commis entre 2021 et 2024, dont des meurtres et des actes de torture, sont imprescriptibles. Autrement dit, ils ont confirmé que ces crimes ne peuvent pas être couverts par une amnistie et peuvent toujours faire l’objet de poursuites.

La récente saisine du procureur général de la République apparaît comme la suite logique de la décision du Conseil constitutionnel. « Même si ça arrive un peu tardivement, mieux vaut tard que jamais », reconnaît Ousmane Diallo. Reste à savoir comment l’enquête va se matérialiser, alors que ni le ministère de la justice ni le parquet de Dakar n’ont donné de détails sur la suite de la procédure. « Maintenant que la saisine a été faite, le procureur devrait entrer en action dans les prochains jours », a seulement précisé le service communication du ministère.

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 (Dakar, correspondance)

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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