Nouakchott – Adieu, Cinéma El Mouna… / Par Moussa Khairy

Des photos de la démolition du cinéma El Mouna ont circulé aujourd’hui sur la toile. Et avec elles, c’est tout un pan de ma jeunesse qui est remonté à la surface. Ce lieu, mythique s’il en est, fut l’un des cœurs battants du Nouakchott des années 70. Mais pour moi, il est bien plus que ça : il est le théâtre de mes premiers émois de cinéphile.

C’est un jour d’école buissonnière, en 1973, que je poussai pour la première fois les portes de cette salle obscure. À l’affiche ce jour-là : Andaz, un film indien. Ce fut une révélation. Un coup de foudre. Depuis ce jour, je ne me suis jamais vraiment remis de cette passion. Le cinéma — et particulièrement le cinéma indien — est devenu une part essentielle de ma vie.

Le El Mouna, c’était un monde à part. On y croisait de tout : des “innocents” rêveurs, des petits délinquants à l’air dur, des jeunes fumeurs de fortune, des amoureux éphémères et des vendeurs d’arachides au regard curieux. J’y ai vite trouvé ma place, en coulisses, aux côtés de feu Jeshman — l’âme de la salle. Opérateur de projection mais aussi réparateur de vélos, c’était un homme à tout faire, connu de tous et aimé de beaucoup.

Il possédait quatre ou cinq bicyclettes qu’il louait, et j’étais chargé d’en gérer la location. Le parcours était bien balisé :

• 1er virage : 5 ouguiyas, près de la mosquée saoudienne,
• 2e virage : 10 ouguiyas, angle ouest de la même mosquée,
• 3e virage : 15 ouguiyas, jusqu’à l’îlot V,
• Et enfin, le “dernier virage” — celui de tous les risques, car on n’était jamais sûr que le vélo revienne.

Parfois, on perdait une monture, mais Nouakchott n’était alors qu’un grand village, et on finissait souvent par remettre la main dessus. Les recettes pouvaient atteindre 1000 MRO dans la journée, une petite fortune. Jeshman, que Dieu ait son âme, était généreux : je repartais souvent avec 200 ouguiyas en poche… et des étoiles plein les yeux.

Aujourd’hui, alors que les gravats du El Mouna se confondent avec la poussière du temps, je mesure ce que nous avons perdu. Ce n’était pas seulement un cinéma. C’était un refuge. Une école de vie. Un éclat d’enfance.

 

À SUIVRE.

 

Moussa Khairy

 

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Moussa Khairy

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Moussa Khairy (à gauche) et feu Jeshman (à droite)

 

 

 

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