Mauritanie – «Corruption, piston, magouilles en série : les examinateurs donnaient des permis comme on distribue yaye boye à El Mina »

Nouakchott, périphérie hostile, 40°C à l’ombre. Ce jour-là, des centaines de candidats se sont retrouvés plantés sous le ciel brûlant comme des merguez oubliées sur un barbecue, à attendre l’examen du permis de conduire. Pas de climatiseur, pas de parasol, juste la foi et un sacré coup de soleil sur la nuque. Et là, bim ! Annonce du ministère : l’examen est annulé. Pas reporté hein, annulé. Voilà, GAME OVER. T’es venu, t’as transpiré, t’as grillé ta chemise fraîche du vendredi… pour rien.

Mais attends, ce n’est pas une blague de mauvais goût. C’est une réforme. Et pas des moindres : d’après le ministère, l’annulation n’est pas le fruit d’une mauvaise digestion, mais le résultat d’une enquête sérieuse. Corruption, piston, magouilles en série : les examinateurs donnaient des permis comme on distribue yaye boye à El Mina — sans distinction, sans frein, et surtout sans clignotant. Résultat : des chauffeurs qui confondent l’embrayage avec l’accélérateur et pour qui un STOP est une suggestion poétique.

Alors oui, l’État a dit basta. Et on va pas se mentir, c’est pas si mal. Faut liquider pour de bon cette commission des examens, ce club très fermé où on vendait plus de permis que de fataya à la polyclinique.

Mais pendant qu’on y est, il serait peut-être temps de remettre un peu de classe dans la route, non ? À l’époque, une auto-école, c’était un endroit sérieux. Vous vous rappelez du bon vieux temps, quand les Renault 5 servaient de salles de classe mobiles ? Ces caisses avec marqué « AUTO-ÉCOLE » en grosses lettres noires sur la portière, garées fièrement en face du bazar Carrefour. La voiture était propre, le moniteur sentait le savon « Lux » et pas la sueur des anciens candidats, et surtout, il avait un frein de secours dans son siège. Tu freines pas ? Il freine pour toi, comme une mère poule surprotectrice.

Je me souviens d’un cours. Le moniteur me regarde avec ses lunettes de travers et me dit :

— « Quand un avion va atterrir sur la route devant toi, tu fais quoi ? »

Moi, confiant :

— « Je tape le frein chef ! »

Il crie : « FAUX ! Tu mets les warnings, tu t’arrêtes, tu fais une prière et tu appelles la gendarmerie ! »

C’était ça, la vraie école de conduite. Un peu de sueur, beaucoup d’humilité, et surtout, pas de permis pour ceux qui pensent que le volant est une manette de PlayStation.

Alors le ministère a raison sur un point : le permis, ce n’est pas une simple carte en plastique à glisser entre la carte d’identité et le permis de pêche. C’est une licence de responsabilité. Un passeport pour ne pas transformer nos rues en rallye Dakar.

Mais au-delà du ménage moral, il faut aussi relancer le secteur des auto-écoles. Il est en coma depuis une décennie. Proposons un truc simple et efficace : 40 heures obligatoires de formation dans une auto-école agréée. Pas les leçons improvisées par un cousin qui conduit pieds nus et sans rétroviseur. On parle de vrais moniteurs, de vrais cours, avec code de la route, manœuvres et un minimum de dignité pour la circulation.

Et pourquoi pas des cours de civilité routière aussi ? Histoire d’apprendre que klaxonner ne remplace pas un clignotant, que doubler par la droite n’est pas une tactique ninja, et que non, garer sa voiture en diagonale au marché de la Capitale n’est pas un droit coutumier.

Bref, l’annulation a fait mal, mais parfois, pour réparer un moteur qui fume, faut arrêter la voiture, descendre, et changer la courroie. La réforme est dure, mais elle est salutaire. Que les mécontents se consolent : le soleil tapait sur tout le monde, mais cette fois, c’était peut-être pour éclairer un vrai virage.

Bienvenue dans la nouvelle ère du permis mauritanien.

Attention, ceinture attachée.

Prochain arrêt : la responsabilité.

 

 

 

Mohamed Ould Echriv Echriv

 

 

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