«Les Afro-Mauritaniens doivent faire le bilan de leur action politique»

Il est temps pour les Afro-Mauritaniens de faire une introspection collective et lucide sur leur parcours politique, sur leurs forces, mais surtout sur leurs faiblesses.

« Les Afro-Mauritaniens doivent faire le bilan de leur action politique”, en abordant les divisions internes, les échecs collectifs, les querelles personnelles et leurs conséquences sur l’unité et la place des Afro-Mauritaniens en Mauritanie.

Il est temps pour les Afro-Mauritaniens de faire une introspection collective et lucide sur leur parcours politique, sur leurs forces, mais surtout sur leurs faiblesses. Car si l’injustice qu’ils subissent est structurelle, leur désunion, leurs querelles intestines et l’absence de stratégie politique cohérente ont aussi contribué à leur marginalisation croissante.

Comme le disait Frantz Fanon :

« Chaque génération doit, dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. »

Une histoire de luttes éclatées : Depuis les années 1960, les Afro-Mauritaniens ont été à l’avant-garde de la dénonciation de l’injustice, du racisme d’État et de la domination d’un pouvoir ethno-centré. Mais malgré leur courage, ces luttes ont rarement été coordonnées ou fédérées. Au lieu de s’unir dans une stratégie politique commune, les mouvements afro-mauritaniens se sont fragmentés : par clivages linguistiques (pulaar, soninké, wolof), par régionalisme, par leaderships rivaux, par idéologies concurrentes.

Exemple : la dispersion des forces militantes dans la diaspora – entre groupes divers a conduit à une perte de lisibilité et d’efficacité. Là où un front uni aurait pu imposer des avancées sur le plan national et international, ce sont des voix isolées qui peinent à se faire entendre.

Les conflits d’ego ont pris le dessus sur la priorité de la cause. Combien de projets échoués à cause d’un refus de coopération ? Combien de leaders s’ignorent ou se combattent, au lieu de s’écouter et de construire ensemble ? Dans certains cas, les militants eux-mêmes deviennent des adversaires, entretenus par la suspicion, la jalousie ou le mépris.

Cheikh Anta Diop rappelait :

« L’intelligence collective est toujours plus puissante que l’intelligence individuelle, à condition que les égos s’effacent. »

Mais dans notre cas, les ego ont trop souvent étouffé les dynamiques collectives.

Des erreurs stratégiques et une absence d’unité de projets : Il faut aussi reconnaître des erreurs dans les choix politiques. Trop de suivisme sans vision, trop de compromis sans retour, trop de silence dans les moments cruciaux. Les Afro-Mauritaniens se sont parfois divisés entre les partisans de la participation aux institutions et ceux de la rupture. Mais au lieu d’en faire un débat stratégique, cela est devenu un terrain de dénigrement mutuel. Résultat : ni la voie institutionnelle ni la voie militante n’a permis de faire émerger un véritable contre-pouvoir.

Exemple : lors des dialogues nationaux successifs, les Afro-Mauritaniens ont souvent été absents, ou divisés dans leur approche. Et lorsque certains ont participé, c’était parfois sans mandat clair de leur base, sans coordination, ni redevabilité.

La conséquence la plus grave de ces divisions est celle-ci : nous devenons des étrangers chez nous. Parce que nous ne faisons pas bloc, le pouvoir nous divise, nous instrumentalise, nous marginalise. Nous perdons notre ancrage dans l’espace public, dans l’imaginaire collectif, dans les instances de décision. Nos enfants grandissent dans un pays qui ne les reconnaît pas, et que nous ne savons pas reconquérir ensemble.

Amílcar Cabral disait :

« Le plus grand ennemi de la révolution, c’est nous-mêmes. »

Le temps du sursaut : Il ne s’agit pas de nier l’oppression. Mais de reconnaître que nous avons notre part de responsabilité dans l’échec de notre émancipation collective. Le sursaut passera par :

• Une réconciliation entre les courants politiques afro-mauritaniens ;
• Un respect mutuel entre les langues et cultures noires de Mauritanie ;
• La mise en place d’une plateforme commune, inclusive, structurée et représentative ;
• Un leadership humble, tourné vers le collectif, non vers les intérêts individuels ;
• La formation d’une nouvelle génération qui rompt avec les pratiques du passé.

L’histoire ne nous attendra pas. Si nous n’apprenons pas à parler d’une seule voix, d’autres parleront pour nous. Si nous ne faisons pas notre bilan, nous serons condamnés à répéter nos erreurs. Il ne suffit pas de dénoncer l’État ; encore faut-il construire une alternative crédible, unie et porteuse d’espoir. Pour que demain, nous ne soyons plus des étrangers dans notre propre pays, mais des citoyens à part entière, reconnus, respectés, représentés……Wetov

 

 

Sy mamadou

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 25 juin 2025)

 

 

 

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