
Après avoir fait mine d’hésiter, Donald Trump a pris un risque historique en décidant, sans autorisation du Congrès, de bombarder trois sites nucléaires iraniens. Tandis que les yeux se tournent vers la République islamique, Israël tient une occasion inédite de mettre à terre le régime de Téhéran, qui a juré sa perte. – Décryptage –
Les Etats-Unis sont engagés dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient, sous l’autorité d’un président, Donald Trump, qui ne jurait que par la paix, le commerce et les seuls intérêts nationaux. Samedi 21 juin, Washington a comblé les attentes d’Israël et mené une opération aérienne d’ampleur contre l’Iran, afin de compromettre définitivement son programme nucléaire.
Après avoir fait mine d’hésiter pendant une semaine, Donald Trump a pris un risque historique, auquel ses prédécesseurs, de George W. Bush à Joe Biden, en passant par Barack Obama, s’étaient refusés. Il a donné le feu vert aux bombardiers B-2, déployés dans la région, pour viser trois sites : Natanz, lieu d’enrichissement d’uranium déjà endommagé par l’aviation israélienne ; Ispahan, où seraient conservés des stocks importants de matière fissile, et enfin Fordo, l’installation la plus enfouie, au pied d’une montagne.
Dans un message publié sur son réseau Truth Social, peu avant 20 heures à Washington, Donald Trump a annoncé cette « attaque très réussie », alors même que l’évaluation exacte de l’impact des frappes n’avait pu être conclue. « Tous les avions se trouvent à présent hors de l’espace aérien de l’Iran », a dit le président, en précisant qu’un « chargement complet de bombes » avait été destiné à la cible la plus délicate, Fordo.
A 21 heures, sur la chaîne Fox News, le présentateur Sean Hannity, ardent partisan de l’opération et propagandiste en chef de la Maison Blanche, annonçait qu’il venait de parler à Donald Trump. Celui-ci lui avait confirmé que six bombes pénétrantes GBU-57, dites « anti-bunker », de 13 tonnes et demie, avaient été larguées sur Fordo. Les ambitions nucléaires de l’Iran « sont officiellement mortes », assurait Sean Hannity, euphorique.
Selon la presse américaine, une douzaine de bombes GBU-57 auraient été employées et une trentaine de missiles de croisière Tomahawk dirigés vers Natanz et Ispahan. Les détails opérationnels devaient être précisés par le Pentagone, dimanche matin. Selon l’Organisation iranienne de l’énergie atomique, aucun indice de contamination n’aurait été relevé autour des lieux visés.
« Maintenant est le temps pour la paix ! », concluait Donald Trump, dans son message, comme s’il pouvait imposer la fin du conflit au moment même où il provoquait une escalade majeure, sans autorisation préalable du Congrès. Le Moyen-Orient basculait ainsi dans une incertitude totale, aveuglante, aux réverbérations inestimables. Un nouveau chapitre historique s’ouvrait, après tant d’autres depuis l’attaque sanglante conduite par le Hamas en Israël, le 7 octobre 2023.
Rétorsions iraniennes et risques terroristes
Cette formule de Donald Trump témoignait surtout d’une tension sécuritaire et politique. La question des rétorsions iraniennes se pose sur-le-champ, conformément aux menaces des officiels à Téhéran, en particulier contre les quelque 40 000 soldats dans des bases américaines au Moyen-Orient, en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis ou encore au Koweit. Le risque terroriste existe aussi, aux Etats-Unis même comme autour de représentations diplomatiques et commerciales à l’étranger, telles des ambassades. Sur un plan politique, il suffisait de constater d’où venaient les premières félicitations enregistrées par Donald Trump samedi soir : de faucons républicains, comme son ancienne ambassadrice à l’ONU, Nikki Haley, ou bien le sénateur Lindsey Graham. Le monde MAGA (« Make America Great Again »), lui, est en plein désarroi, entre fidélité à son chef et allergie à toute nouvelle aventure militaire extérieure.
A 22 heures, dans une allocution solennelle à la Maison Blanche, Donald Trump s’est réjoui des résultats des frappes, qui auraient à l’en croire « complètement et totalement anéanti » les capacités d’enrichissement de l’Iran. Entouré de son vice-président, J.D. Vance, du secrétaire d’Etat Marco Rubio et du secrétaire à la défense, Pete Hegseth, le président américain a lancé un avertissement au « premier sponsor étatique du terrorisme dans le monde ». Ce sera la paix ou une « tragédie » pour l’Iran, invité à négocier les conditions de sa reddition, car « de futures attaques seraient bien plus fortes et bien plus faciles. » Si la paix n’intervient pas « vite », a précisé Donald Trump, les Etats-Unis « s’en prendront aux autres cibles avec précision, rapidité et habilité. »
Donald Trump imagine l’engagement américain comme un coup de grâce, une intervention décisive contre le programme nucléaire iranien, mais de nature ponctuelle. Il suggère au régime de Téhéran, pour sa propre survie, de se garder de toute réponse militaire. Dans les faits, les Etats-Unis ont lié leur destin à Israël, et Donald Trump à Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, qu’il a d’ailleurs félicité samedi soir. « Nous avons travaillé en équipe, comme peut-être aucune équipe n’avait travaillé auparavant », a souligné le président américain. Celui-ci avait suscité la crispation de M. Nétanyahou ces derniers mois, en décidant de s’engager dans des négociations avec Téhéran, conduites à Oman par son envoyé spécial, Steve Witkoff. Mais l’hypothèse d’un succès rapide se dérobait, au fil des semaines. Donald Trump n’est pas un homme patient, ni un amateur de dossiers techniques complexes.



Une bombe GBU-57 à la base de l’armée de l’air américaine de Whiteman (Missouri), en mai 2023.
Depuis le début de l’opération israélienne en Iran, le président américain s’est livré à une escalade verbale, appelant le régime iranien à une « capitulation sans condition ». Il a laissé entrevoir sa tentation de l’option militaire, avant de se donner un délai de deux semaines, permettant d’achever le déploiement d’un deuxième porte-avions, le USS Nimitz, et des bombardiers. Le 17 juin, Donald Trump avait même menacé Ali Khamenei, en expliquant que Washington savait « exactement » où se cachait le guide suprême, qui constituerait une « cible facile », en cas de nécessité. « Au moins pour l’instant », précisait le président – dans une menace d’une gravité exceptionnelle – il n’était pas question de le tuer.
Source :
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com