Mauritanie – Un dernier éclat sous la cendre / Par Mohamed Ould Echriv Echriv

J’écrivais — non pas pour séduire, encore moins pour convaincre — mais pour entrouvrir un espace. Un souffle. Une clairière fragile, où quelques esprits libres pourraient se retrouver, se reconnaître, s’affronter peut-être, mais avec cette hauteur d’âme que seuls les vrais lecteurs, ceux que le vacarme n’aveugle pas, savent préserver.

Mais très tôt, j’ai compris. Chaque mot que je posais, chaque nuance que je tissais, devenait flèche. On me lisait comme on dresse une cible, et le cœur, malgré les cuirasses de raison, reste chair. J’ai encaissé. J’ai tenu. Car je sais que la violence verbale est souvent le masque fragile de l’incompréhension. J’ai tenu… pour cette majorité silencieuse qui, sans mot dire, m’envoyait des éclats de regard, comme pour dire : « Continue. Nous lisons. »

Quand Biram est arrivé à Los Angeles et qu’il a fait cette déclaration, j’ai dit ce que je pensais : qu’elle était d’un haut niveau. Rien de plus. Et déjà, les flèches fusaient : « Tu le défends. »

Quand il a ensuite parlé dans une forme décousue, je l’ai dit aussi. Mon point de vue, rien que cela. Et là, ce n’était plus des flèches, c’était une armée — des intellectuels pourtant, de très haut vol — qui s’abattirent sur moi, me soupçonnant de tout : d’être acheté, manipulé, enrôlé…

Et pourtant. Je ne suis ni de parti, ni de clan. Je travaille dans un organisme international, où la neutralité est inscrite jusque dans notre charte de conduite. Je vis à l’étranger, dans un confort matériel suffisant pour que personne ne puisse me corrompre, ni en idées ni en silence. Je suis loin de mes attaches, loin du tumulte, et je consacre ce que d’autres donnent à la mondanité à écrire. Une demi-page par jour. C’est peu, mais c’est tout ce que j’ai.

Mais ce matin…

Un certain Ishaq Alou a franchi une limite. En disant — à demi-mot, mais si clairement pour qui sait lire entre les lignes — que je ne pouvais pas être un être humain. Que personne ne pouvait produire autant d’analyse sans être un mythe, ou une machine. Là, ce n’était plus une critique. C’était une négation de mon existence.

Et ce qui me brise, ce n’est pas la violence — je la connais — mais l’oubli de l’essentiel. Qu’un homme seul, loin de tout, puisse aimer assez son pays pour s’efforcer de le penser. Même modestement.
Alors ce post sera le dernier. J’arrête. Non pas par rancune, mais parce qu’il faut de l’inspiration pour continuer à écrire. Et ce matin, il n’y a plus rien. Juste un silence, comme après une battue trop longue dans la forêt des mots.

Mon seul regret : ne pas pouvoir commenter demain la traduction par Aïchetou mint Ahmedou des vers d’Ould Algasri. Ce poète immense, dont la voix trouve enfin, par ses soins, une traversée vers la langue française. Que cette entreprise continue, que ce travail ne meure pas. Et qu’un autre, quelque part, prenne le relais. Quelqu’un qui connaîtra aussi bien les subtilités de l’Azwan que les beautés du verbe.

Je vous laisse ici mes modestes lectures, en espérant qu’elles trouvent un jour une oreille. Ou une âme.

Merci à ceux qui ont lu sans juger. Et que les autres pardonnent — s’ils le peuvent.

 

 

Mohamed Ould Echriv Echriv

 

 

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