Au Mali, les Russes de Wagner quittent le pays, remplacés par ceux d’Africa Corps

Le ministère de la défense russe a achevé de reprendre la main sur le dispositif déployé par la société militaire privée. Celle-ci estime avoir rempli « sa tâche » principale, même si de larges pans du territoire restent sous contrôle des groupes djihadistes.

Le Monde  – Son remplacement était en cours depuis des mois. Il est désormais officiellement finalisé. Vendredi 6 juin, le groupe russe Wagner a annoncé sur sa principale chaîne Telegram son « retour chez lui » après avoir « accompli » sa mission au Mali, où ses mercenaires étaient présents depuis décembre 2021.

Ce départ ne signifie pas la fin de la présence russe dans le pays pour autant : elle est dorénavant incarnée par Africa Corps, le dispositif mis en place par le ministère de la défense russe pour gérer ses intérêts en Afrique depuis la mort, en août 2023, de l’influent Evgueni Prigojine, fondateur de Wagner, qui avait osé défier le pouvoir de Vladimir Poutine deux mois plus tôt.

Dans son message, accompagné d’une vidéo de propagande célébrant son bilan au Mali, la société militaire privée à la tête de mort se félicite d’avoir rempli « la tâche principale » pour laquelle elle avait été engagée par la junte dirigée par le général Assimi Goïta : le retour de « toutes les capitales régionales (…) sous le contrôle des autorités légitimes ». Ce succès affiché est pourtant très relatif. Trois ans et demi après l’arrivée au Mali des mercenaires de Wagner – qui on pu être jusqu’à 2 500, de larges pans du territoire restent sous contrôle des groupes djihadistes.

Ces dernières semaines, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaida, est à l’offensive et a infligé d’importantes défaites à l’armée malienne, notamment à Boulikessi, dans le centre du pays, où il a revendiqué avoir tué au moins une centaine de militaires le 1er juin.

Nouvelle formule de partenariat sécuritaire

S’il a remporté une victoire symbolique en reprenant Kidal, fief des rebelles touareg, dans le nord du Mali, en novembre 2023, Wagner a aussi essuyé huit mois plus tard une de ses pires défaites dans la zone voisine de Tin Zaouatine, où au moins 84 de ses hommes ont été tués, selon les rebelles. Les « musiciens », ainsi que les hommes de Wagner se surnomment, se sont aussi illustrés par leurs nombreux massacres de civils, à commencer par celui de Moura, dans le centre du pays, où au moins 500 personnes ont été tuées à la fin de mars 2022, d’après un bilan établi par les Nations unies (ONU).

Satisfaite de sa collaboration avec Wagner, la junte au pouvoir à Bamako a longtemps résisté à la pression exercée par Moscou pour accepter sa nouvelle formule de partenariat sécuritaire, directement pilotée par le ministère de la défense et donc cette fois officielle et pleinement assumée. Elle n’a, sans surprise, pas eu d’autre choix que de s’y plier et d’accepter les conditions posées par Iounous-bek Evkourov, vice-ministre de la défense russe chargé d’appliquer la nouvelle politique militaire du Kremlin sur le continent.

A la mi-décembre 2024, un premier contingent d’environ 200 paramilitaires d’Africa Corps était arrivé à Bamako. Il a été suivi par d’autres, pour un effectif total qui dépasserait aujourd’hui 1 500 hommes, selon des sources sécuritaires occidentales. Parmi eux, d’ex-mercenaires de Wagner qui ont accepté de poursuivre leur engagement sous la tutelle des autorités étatiques russes, ainsi que plusieurs ex-chefs emblématiques du groupe chargés de recruter leurs anciennes troupes et de conduire les futures opérations, tels Andreï Ivanov, alias « Kep », Ruslan Zaprudsky, dit « Rusich », ou encore Alexander Kuznetsov, surnommé « Ratibor ». En parallèle, la Russie a envoyé à la mi-janvier au Mali plus d’une centaine de véhicules militaires, dont des chars et des blindés, pour compléter son nouveau dispositif malien.

Dans un message publié vendredi sur sa chaîne Telegram, Africa Corps a « exprimé ses remerciements » aux « guerriers » de Wagner « qui ont combattu aux côtés du peuple malien contre les terroristes pendant plus de trois ans ». Ses administrateurs affirment aussi que « le départ » des mercenaires de feu M. Prigojine « n’entraînera aucun changement » et que « la Russie ne perd pas de terrain, mais continue, au contraire, à soutenir Bamako à un niveau plus fondamental ».

Dans la capitale malienne, ce changement suscite pourtant le scepticisme de certains militaires, qui voyaient en Wagner un instrument plus efficace, plus flexible, et dont ils connaissaient les chefs et les rouages – en plus d’en tirer de probables gains financiers. « Le Mali perd au change, estime un officier malien sous couvert d’anonymat. Entre les hommes de Wagner et ceux d’Africa Corps, ce ne sera pas le même degré d’engagement ni d’intensité. Les premiers connaissaient bien notre terrain. Les seconds seront sous la tutelle, forcément plus lourde et bureaucratique, de l’armée russe. »

Source : Le Monde – (Le 06 juin 2025)

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