
Côte d’Ivoire, de Phnom Penh, la capitale du Cambodge, où ce footballeur de 31 ans est devenu la nouvelle vedette de la sélection nationale.
– Il faut parfois voyager loin, très loin, et emprunter des itinéraires longs et inattendus pour trouver le chemin de la réussite. Près de 12 000 km séparent M’Bahiakro, lieu de naissance d’Abdel Kader Coulibaly, au centre de laA peine naturalisé par son pays d’accueil, l’attaquant de l’Angkor Tiger FC – un club de Siem Reamp, la deuxième ville du Cambodge – a su trouver la méthode parfaite pour accélérer son adoption. Pour son premier match face à la Malaisie lors du Championnat d’Asie du Sud-Est, le 8 décembre 2024 à Phnom Penh, Abdel Kader Coulibaly a fait trembler les filets, récidivant douze jours plus tard en Thaïlande. « Une immense joie » personnelle et un changement de statut social, reconnaît-il : « Cela a largement contribué à me faire connaître. Avant, je passais presque inaperçu. Après ces deux buts en sélection, je me suis mis à signer plus d’autographes et à être pris plus souvent en photo dans la rue ou au restaurant. »
En Côte d’Ivoire, sa famille, ses amis et les réseaux sociaux se sont chargés de relayer son histoire peu commune. Comme la plupart des jeunes joueurs issus du continent africain, Abdel Kader Coulibaly a quitté son pays, à 19 ans, avec l’ambition d’évoluer en Europe. Mais son expérience s’y est résumée à un bref passage au club de l’Astra Giurgiu, en Roumanie, où, sans contrat et avec un salaire dérisoire, il s’est contenté de quelques apparitions avec l’équipe réserve. « J’ai aussi joué au Sénégal, en Malaisie, où je gagnais très peu d’argent, et effectué des essais en Indonésie », précise-t-il.
Puis survient l’inattendu : « Je suis arrivé au Cambodge en 2018, alors que j’étais juste venu pour refaire un visa car c’était plus pratique de le faire à Phnom Penh. Comme il fallait que j’attende plusieurs jours, on m’a prêté des chaussures, un short et un maillot et je suis allé m’entraîner pour garder la forme. » Grâce à un compatriote ivoirien, préparateur physique dans un club local, l’attaquant dispute quelques matchs amicaux, avant que l’entraîneur ne lui propose de signer un contrat. « Mais je suis reparti en Indonésie pour trouver un club – ce qui n’est jamais arrivé – et je suis vite revenu au Cambodge, où l’Asia Euro United m’a recruté. Cela fait presque sept ans que je suis là. »
« Je me suis beaucoup documenté sur le génocide »
Ses performances avec ses différents clubs – Asia Euro United, National Police Commissary FC, Dangkor Senchey – finissent par attirer l’attention de la fédération cambodgienne de football en 2024. Comme elle l’avait déjà fait avec des Japonais, un Colombien et le Sud-Africain Mohammed Faeez Khan dans l’optique de renforcer sa sélection, celle-ci lui propose d’obtenir un passeport cambodgien pour pouvoir porter le maillot des Guerriers d’Angkor. « Je n’ai pas hésité car pour moi, c’était une formidable opportunité de jouer des matchs internationaux », relate celui qui, douze ans plus tôt, alors qu’il évoluait encore dans son pays natal, avait disputé deux matchs avec l’équipe ivoirienne des moins de 20 ans.
Au Cambodge, où il vit avec son épouse française originaire de Strasbourg, Abdel Kader Coulibaly a découvert un pays dont il ne savait pas grand-chose. « Au niveau du football, je savais juste que certains joueurs africains, surtout nigérians, y avaient débarqué dans les années 2010. » Toutefois, si le sport est populaire, il ne permet pas d’amasser des fortunes. « Dans mes deux premiers clubs, je gagnais entre 900 et 1 400 euros par mois, avec des primes et des avantages en plus. C’est un peu plus aujourd’hui, c’est plus confortable, d’autant que c’est un pays où le coût de la vie n’est pas très élevé. »
Depuis son installation au Cambodge, ce fils d’un enseignant et d’une commerçante s’est notamment intéressé à l’histoire tragique de ce pays lorsqu’il était sous la férule des Khmers rouges, entre 1975 et 1979. « Je me suis beaucoup documenté sur le génocide [qui a fait entre 1,5 et 2 millions de morts]. J’ai aussi visité des musées consacrés à cette période sombre, mais je sens que c’est un sujet sensible. Je préfère ne pas poser de questions et me renseigner de différentes façons », explique-t-il, séduit par ailleurs « par la beauté du pays, sa sécurité, la gentillesse et l’hospitalité de la population ».
Le 5 juin, Abdel Kader Coulibaly aurait dû honorer sa septième sélection lors d’un match amical face au Tadjikistan, à Phnom Penh. Mais une blessure aux adducteurs l’a contraint à déclarer forfait et à avancer la date de ses vacances, en Espagne puis en France. Fin juin, il devrait être de retour dans son club, avec l’espoir d’avoir entre-temps attiré l’attention de formations thaïlandaises ou hongkongaises, deux championnats d’un niveau plus élevé.
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– (Le 05 juin 2025)
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