
Qui d’entre nous n’a séché un jour devant l’une des questions coton de ses quiz ? Des questions du genre quel est le nom de tel oiseau, de telle céréale, de tel site en pulaar? Comment diriez-vous ceci en pulaar ?
Plus souvent, la formulation consacrée était : comment nos cousins haalpulaar appellent-ils ceci ? L’expertise (à ce niveau le mot maîtrise est léger) du frère Bakari Waïga du pulaar ferait pâlir bien des puristes de cette langue. Les locuteurs lambda, n’en parlons pas. La « faute » à notre Kayhaydi chérie? Oui mais pas seulement. Plus vraisemblablement aux vertus d’un esprit particulièrement aiguisé.
Un politique portraiturait une grande figure du journalisme et des idées en intellectuel des journalistes et en journaliste des intellectuels. Bakari Waiga était un Soninké chez les Halpulaaren et un Haalpulaar chez les Soninkés. Il faut entendre par là qu’il fut les deux-Haalpulaar et Soninké-à la fois.
Par les temps qui courent, période d’injonction aux choix exclusifs, c’est plutôt rassurant. Dans notre communauté métaversienne, nous sommes tous amis et avons tous des profils. Bakari Waiga relevait, au virtuel comme en vrai, d’un profil marquant.
A l’image de ses posts à la croisée des sujets, pouvant «expédier» au visité mont Fuji au Japon, aux Etats-Unis évidemment mais également à tel coin reculé de la Mauritanie où les pérégrinations de soldat ont pu le conduire. Oui, Bakari fut un militaire ! Il savait à ce titre mieux que personne conter cette armée d’antan dont on le sentait nostalgique. Et pour cause ! Du militaire, il avait conservé une précision probablement héritée de la culture du rapport. La religion du fait.
Ainsi, là où chacun d’entre nous percevait un banal accident de voiture occasionné par un chauffard ou une malfaçon bâtimentaire, lui, décrivait par le menu ce qui avait techniquement dysfonctionné ou ce qui avait été mal fait. C’est que les militaires sont comme les médecins. Pour eux, « écrire, c’est décrire ». Pas seulement toutefois. Notre ami dont la polyvalence était impressionnante pouvait passer de tel fait de société à tel sujet d’actualité internationale sans oublier avec une précision horlogère tel épisode historique de Kayhaydi. Tout cela sans pédantisme ni didactisme.
On sera par ailleurs nombreux à lui reconnaître une grande honnêteté et franchise dans son appréhension de l’actualité mauritanienne. Il disait ce qu’il pensait avec le détachement et la distance critique de celui qui est revenu sinon de tout, au moins de beaucoup de choses. De voyages notamment. Et « le voyage forme la jeunesse ». Le voyage forme tout court. Souvent, il est générateur d’ouverture d’esprit.
Dans un pays où de plus en plus on se compte, on a plus que jamais besoin de passeurs, de ceux, qui en plus d’être ce qu’ils sont, font le choix d’être aussi « autre chose ». RIP l’ami.
Tijane BAL pour Kassataya.com