Derrière la rivalité des clubs de football, celle (de l’ego) de leurs présidents

The Conversation  – La finale de la Ligue des champions de l’UEFA oppose le Paris Saint-Germain et l’Inter de Milan. Focus sur la rivalité des équipes en coulisse, celle des présidents de club. Les moteurs : l’ego, les émotions et les médias sportifs qui mettent le feu aux poudres. Comment l’expliquer ?

Nasser Al-Khelaïfi, le président du Paris Saint-Germain (PSG), et Giuseppe Marotta, le président de l’Inter de Milan, n’ont pas échangé d’invectives par média interposé en vue de la finale légendaire du football. Si le président parisien ne règne pas en maître en Ligue des champions, il montre les muscles en ligue 1 : « John, John, John… Arrête de parler ! Tu comprends rien. T’es qu’un cow-boy qui vient de nulle part et tu viens nous parler », conspue-t-il John Textor, le propriétaire de l’OL. Plus qu’un échange musclé, cette altercation révèle une réalité peu explorée : celle de la compétition entre dirigeants de clubs sportifs.

Pendant longtemps, dans les manuels de stratégie, la concurrence est essentiellement fondée sur une mécanique rationnelle. Selon Porter, les entreprises sont censées fonctionner en avantages/coûts, selon Lieberman et Montgomery, être first mover ou selon Barney, s’appuyer des ressources et des compétences idiosyncrasiques, liées au tempérament d’une personne.

Mais si la concurrence entre entreprises ne se jouait pas uniquement sur des chiffres, des modèles d’analyse abstraits ou des stratégies froidement rationnelles, mais plutôt dans l’interaction humaine entre décideurs ? Les théories du management classique se tromperaient-elles ?

Cette contribution s’appuie sur une thèse soutenue en décembre 2024 à l’Université Paris-Nanterre. Elle intègre le facteur humain dans l’analyse de la dynamique concurrentielle, à partir d’entretiens avec des dirigeants de clubs de football professionnel, en Ligue 1 et en Ligue 2.

Carré vert et coups bas

Les dirigeants d’entreprises sont perçus comme des stratèges méthodiques, alignant des décisions optimisées, s’appuyant sur des outils censés être adéquats et ayant fait leurs preuves : matrice SWOT, modèle des cinq forces, dilemme du prisonnier, etc. Cette grille de lecture montre vite ses limites lorsque les environnements obéissent à d’autres logiques.

Dans le secteur du football professionnel, fortement médiatisé, où les émotions et les enjeux symboliques sont omniprésents, la concurrence prend une dimension plus personnelle. C’est ce que rappelait la sociologie stratégique de Crozier et Friedberg en s’intéressant à la dynamique des jeux d’acteurs, et la stratégie individuelle de chaque personne dans une organisation. Un président rappelle :

« On a toujours dans la tête que le football, c’est l’espace de 90 ou 95 minutes, mais pour moi, ça me fait immédiatement penser à la compétition. Et très souvent, même les dirigeants y sont. Les dirigeants viennent dans ce monde-là parce que c’est des gens qui aiment la compétition. »

La concurrence dans le football ne suit pas seulement une logique d’optimisation, elle suit aussi une logique d’affrontement personnel. En ce sens, la rivalité personnelle devient une dimension au cœur de la dynamique concurrentielle. Un autre président témoigne :

« Entre clubs, on ne peut pas se faire de sales coups, c’est le sport qui décide, c’est le carré vert comme on dit. Mais entre individus, parfois, il y a des coups bas… »

Ego et émotions

Pour certains dirigeants, posséder un club de football n’est pas une simple opération économique. C’est un vecteur d’image, une scène sur laquelle se joue autre chose que le business. Comme le confie un autre dirigeant :

« Il y a pas mal de dirigeants qui ont tellement les moyens que finalement un club de football, ce n’est pas le centre de leur univers. Ils vont y chercher autre chose que ce qu’ils peuvent chercher dans leur business au quotidien. »


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PhD en sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

 

Professeur de sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

 

 

 

 

Source : The Conversation   – (Le 27 mai 2025)

 

 

 

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