L’ombre de Gaza sur les relations entre Israël et l’Arabie saoudite

Entre critiques des dirigeants palestiniens et tentation de normalisation avec Israël, la position saoudienne sur le conflit au Proche-Orient est tiraillée par des enjeux internes et régionaux. La brutalité de la guerre génocidaire menée à Gaza pourrait également, à long terme, redéfinir les relations entre Riyad et Tel-Aviv.

Orientxxi.info – Historiquement, l’Arabie saoudite a toujours été une fervente partisane de la cause palestinienne. La défaite de l’Égypte contre Israël en 1967 et la décision saoudienne d’imposer un embargo pétrolier aux États-Unis et aux alliés occidentaux de l’État israélien pendant la guerre israélo-arabe de 1973 l’ont propulsée aux premiers rangs des acteurs impliqués dans la question palestinienne. Pourtant, l’approche saoudienne de cette question a toujours privilégié une démarche à la fois politique et diplomatique. On en trouve un premier écho dans l’initiative diplomatique de 1981 proposée par le prince héritier Fahd — devenu roi en 1982 — lors du sommet de la Ligue arabe à Fès au Maroc.

Ce plan abordait tous les éléments de discussion habituels entre Arabes, mais il laissait également entrevoir une reconnaissance de facto d’Israël en cas d’acceptation par ce dernier de l’initiative saoudienne. Vingt ans plus tard, dans le contexte du 11 Septembre et de la Seconde Intifada (2000-2005, ndt), le prince héritier Abdallah, dirigeant de facto du royaume, a présenté une autre initiative de paix, offrant cette fois à Israël une reconnaissance complète — politique, économique et culturelle — et une intégration régionale. Mais les deux initiatives n’ont pas reçu de réponse favorable de la partie israélienne tandis que l’Axe de la Résistance dirigé par l’Iran voyait sa popularité grimper dans l’opinion publique arabe après la guerre entre le Hezbollah libanais et Israël en 2006.

Les dilemmes du prince héritier MBS

L’accession du roi Salman au trône d’Arabie saoudite en 2015 et l’ascension politique de son fils, le prince héritier Mohammed Ben Salman (MBS), ont eu un impact profond sur la politique et la gouvernance saoudiennes. Tandis que MBS est devenu de facto le dirigeant du royaume, on a constaté une tendance à un certain révisionnisme envers les fondamentaux de la stratégie politique de l’Arabie saoudite. L’émergence du nationalisme saoudien sous MBS a également affecté l’approche traditionnelle de l’Arabie saoudite vis-à-vis de la Palestine. Les jeunes décideurs saoudiens sont beaucoup moins liés émotionnellement à la cause palestinienne, beaucoup plus pragmatiques à l’égard d’un éventuel engagement avec Israël que leurs pairs plus âgés. Ce changement relatif dans la démarche saoudienne se produit également dans le contexte du renforcement des liens personnels entre les dirigeants saoudiens et Donald Trump durant son premier mandat présidentiel (2016-2020).

En 2018, le prince héritier saoudien fit la une des médias lorsque, lors d’une réunion avec des représentants d’organisations juives, il critiqua sévèrement les dirigeants palestiniens, accusés de rejeter les propositions de paix. MBS affirma également que la Palestine ne figurait pas parmi ses priorités. Ce discours a permis au jeune dirigeant saoudien d’asseoir solidement sa réputation dans les milieux politiques américains. Néanmoins, cette invective n’a pas entraîné de changement notable dans l’approche saoudienne de la question palestinienne, illustrant ce que certains observateurs ont qualifié de numéro d’équilibriste typiquement saoudien entre son leadership du monde musulman et sa coopération sécuritaire avec ses partenaires occidentaux.

Cela dit, ce changement de la rhétorique saoudienne à l’égard de la Palestine, également visible dans les messages émanant d’influents interlocuteurs saoudiens, s’inscrivait dans le cadre de « l’Arabie saoudite d’abord ». Ce discours visait à dissocier la question palestinienne des considérations de la politique intérieure saoudienne et à instiguer chez les jeunes Saoudiens un débat axé sur « l’intérêt national ». C’est la principale raison pour laquelle l’Arabie saoudite a entamé des négociations avec les États-Unis. Ces discussions ont porté sur la fourniture par Washington de garanties de sécurité exhaustives en échange de la normalisation du royaume avec Israël.

Le facteur iranien

Au niveau régional, le « facteur Iran » a contribué à encourager fortement l’engagement entre l’Arabie saoudite et Israël. La montée de l’influence iranienne, en particulier à la suite de l’invasion américaine de l’Irak (2003), du renforcement des alliés de Téhéran dans la région, au Liban, en Irak ou au Yémen, et les tentatives de l’Iran d’enrichir de l’uranium et développer un programme nucléaire, a permis d’alimenter la perception par le royaume saoudien d’une menace iranienne.

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Umer Karim

Chercheur sur l’Arabie saoudite à l’université de Birmingham.

 

 

 

 

 

Source : Orientxxi.info

 

 

 

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