
– Rompant avec les déclarations convenues et les condamnations a minima de ces derniers mois sur les opérations israéliennes menées dans la bande de Gaza, un communiqué conjoint publié lundi par les dirigeants de la France, du Royaume-Uni et du Canada sonne comme une sévère et inédite critique du premier ministre Benyamin Nétanyahou et des actes commis par l’Etat hébreu et son armée : « Nous nous opposons fermement à l’extension des opérations militaires israéliennes à Gaza. Le niveau de souffrance humaine à Gaza est intolérable », peut-on lire. Les dirigeants demandent à Israël d’arrêter ses opérations militaires, de reprendre la distribution d’aide humanitaire, bloquée depuis le 2 mars. Et intiment au Hamas de libérer « immédiatement les derniers otages » – il en reste encore 58 dans la bande, dont 20 seraient encore vivants.
La déclaration condamne le « langage odieux utilisé récemment par des membres du gouvernement israélien et la menace agitée d’un déplacement forcé des civils », rappelant que ces expulsions sont une violation du droit international humanitaire. Reconnaissant le caractère « atroce » de l’attaque du 7-Octobre, les dirigeants estiment néanmoins que « cette escalade est totalement disproportionnée ». Le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a appuyé ces positions mardi, sur France Inter, estimant que « la situation [à Gaza] est insoutenable. La violence aveugle fait de Gaza un mouroir pour ne pas dire un cimetière » et évoquant « des enfants affamés, assoiffés ».
Mais la déclaration ne se limite pas aux avertissements. Elle contient aussi des menaces, dont les contours restent toutefois flous : « Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que le gouvernement Netanyahou poursuit ces actions scandaleuses. Si Israël ne met pas fin à la nouvelle offensive militaire et ne lève pas ses restrictions sur l’aide humanitaire, nous prendrons d’autres mesures concrètes en réponse. » Elles pourraient inclure une remise en cause de l’accord d’association (commercial et politique) entre l’Union européenne et Israël.
« Guerre de civilisation »
Dans une dernière salve, le communiqué affirme que les trois Etats sont « déterminés à reconnaître un Etat palestinien en tant que contribution à la réalisation d’une solution à deux Etats ». Il renvoie à une conférence sur la Palestine aux Nations unies, en juin, coprésidée par la France et l’Arabie saoudite, qui pourrait offrir le cadre de cette reconnaissance – déjà actée par 147 des 193 Etats membres de l’ONU – dans le but affiché de faire renaître la solution à deux Etats de ses cendres. Benyamin Nétanyahou a fait une réponse cinglante, dès lundi soir : « Il s’agit d’une guerre de civilisation contre la barbarie. Israël continuera de se défendre par des moyens justes jusqu’à la victoire totale », jugeant aussi que cette réaction coordonnée est « une énorme récompense » au Hamas.
La déclaration du Canada, de la France et du Royaume-Uni fait suite à une fausse ouverture du gouvernement israélien sur la fourniture de l’aide humanitaire à Gaza. Jamais, dans son histoire moderne, l’enclave n’a été aussi dévastée. Plus de 53 000 Palestiniens, sur plus de deux millions d’habitants, ont été tués depuis le début de la guerre selon les chiffres du ministère de la santé du Hamas, corroborés par l’ONU. Plus de 90 % des habitations sont partiellement ou entièrement détruites. Sur cette catastrophe humanitaire, Israël a ajouté, depuis le 2 mars, un blocus total des denrées qui entrent dans l’enclave. Lundi, vingt-deux pays, dont la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon et l’Australie, ont aussi exigé d’Israël une « reprise complète de l’aide à la bande de Gaza, immédiatement », demandant qu’elle soit organisée par les Nations unies et les ONG.
Evoquant devant ses ministres, la pression internationale, Benyamin Nétanyahou avait annoncé dimanche une levée partielle de ce blocus : « Israël autorisera l’approvisionnement d’une quantité minimale de nourriture pour la population afin d’éviter toute famine dans la bande de Gaza. » Mais lundi, l’armée reconnaissait l’entrée de seulement l’équivalent de 5 camions d’aide humanitaire – et notamment de la « nourriture pour les bébés ». « Ce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui est nécessaire de toute urgence », estime L’OCHA, l’agence onusienne pour la coordination de l’aide humanitaire. Plus de 500 camions entraient chaque jour dans la bande de Gaza, avant la guerre.
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