En Côte d’Ivoire, l’Etat financera l’élection présidentielle sans l’aide des bailleurs de fonds

Le gouvernement a annoncé que 85 millions d’euros seront consacrés à l’organisation du scrutin. L’opposition dénonce une manœuvre visant à se soustraire au « droit de regard » des partenaires internationaux.

Le Monde  – Abidjan a choisi de faire cavalier seul. Contrairement aux trois précédentes élections présidentielles, la Côte d’Ivoire a décidé de financer seule, sans aide extérieure, celle prévue en octobre 2025. Lors du conseil des ministres du mercredi 7 mai, le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a annoncé que l’Etat consacrerait l’équivalent de 85 millions d’euros, prélevés sur le budget national 2025 (estimé à 23,3 milliards d’euros), pour couvrir l’ensemble des dépenses associées à l’organisation du scrutin.

« Nous estimons avoir les moyens et la capacité de gérer cette élection sans aide extérieure », confirme Mamadou Touré, porte-parole adjoint du gouvernement, au Monde. Dans le détail, l’enveloppe prévue représente 0,4 % du budget total de fonctionnement de l’Etat pour 2025. Près de la moitié de ce montant – soit environ 42 millions d’euros – sera consacrée à la révision du fichier électoral. Une part importante devrait également être affectée à l’achat du matériel de vote. « Ce choix marque une rupture avec des décennies d’aide des bailleurs de fonds à l’organisation des élections », estime le politologue Geoffroy-Julien Kouao.

Lors de la présidentielle de 2020, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) avait mis en place un fonds commun, le « projet d’appui au cycle électoral », qui avait permis de mobiliser 8,2 millions de dollars : l’Allemagne avait contribué à hauteur de 2,9 millions de dollars, l’Union européenne (UE) à 1,5 million de dollars et la France à un peu plus de 200 000 dollars. Cette aide avait notamment servi à soutenir la Commission électorale indépendante (CEI) dans la compilation, le traitement et l’acheminement des résultats électoraux via la fourniture de matériel, de formations et d’appui logistique.

« Une logique de souveraineté »

Pour qu’un tel mécanisme soit activé, une mission d’évaluation des besoins électoraux doit d’abord être déployée par le PNUD. Or, selon une source européenne, cette mission a été cette fois refusée par les autorités ivoiriennes. « Cela traduit une logique de souveraineté tant politique que financière, analyse Ousmane Zina, professeur de sciences politiques à l’université de Bouaké. Il ne s’agit pas d’un rejet du principe de l’aide extérieure, mais d’une volonté de garder la maîtrise de l’affectation des ressources pour cette élection. C’est aussi une manière d’affirmer que le pays n’est ni fragile ni dépendant, à l’heure où son économie se porte bien. »

La Côte d’Ivoire ne s’est toutefois pas coupée de ses partenaires. L’UE prévoit ainsi un appui de 7 millions d’euros destiné à « soutenir la tenue d’élections apaisées, crédibles et participatives ». Mais Abidjan insiste : cette aide ne financera pas la logistique du scrutin et se limitera à des formes de soutien indirect. « La Côte d’Ivoire souhaite montrer à l’Alliance des Etats du Sahel [AES, qui réunit les régimes putschistes du Mali, du Burkina Faso et du Niger] qu’elle n’est pas affiliée aux puissances occidentales », confie une source européenne.

Les fonds européens seront ainsi principalement orientés vers des organisations de la société civile, pour sensibiliser « les populations à l’importance de la participation démocratique », « protéger les droits humains » et renforcer les « mécanismes d’alerte précoce » afin de prévenir les violences électorales. Une part de ces ressources sera également allouée aux ministères de la communication, de l’intérieur et de la sécurité dans le cadre de la lutte contre la désinformation.

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 (Abidjan, correspondance)

 

 

 

Source : Le Monde – (Le 15 mai 2025)

 

 

 

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