
Tawfiq BELFADEL : Votre biographie inspire presque tous vos romans ; pourquoi ce choix ? Ecrire de l’autobiographie (autofiction) empêche-t-il de dire l’Autre et le monde ?
Azouz Begag : Pas du tout. Au contraire, nos histoires singulières sont le reflet du monde extérieur, une correspondance entre le dedans et le dehors. Je pense que Le Gone du Chaaba écrit en 1985 est devenu une histoire universelle, celle d’un enfant pauvre à l’école qui apprend à s’en sortir par le savoir. Elle a dépassé le stade de l’autofiction. Elle dit le monde. D’ailleurs il est traduit en japonais et je vais bientôt à Tokyo pour en parler. J’essaie de faire cette ouverture dans chacun de mes romans en injectant de la sincérité, de la profondeur humaine, pour quitter le singulier et aller vers l’humanité…

Tawfiq BELFADEL : Peut-on parler d’une mort de l’écriture chez Azouz Begag tant que la biographie serait une source épuisable ?
Azouz Begag : Mort de l’écriture ? En tout cas, l’idée d’écriture est le contraire de la mort, c’est la vie, toujours en mouvement. Quant à l’autobiographie, je m’en détourne tellement que moi-même je ne sais plus à la fin si c’est vrai ou inventé. J’aime ce flou. Il m’amuse. De la fiction sur de l’auto… Lisez mon dernier roman Les yeux dans le dos (Editions Erick Bonnier 2025), vous verrez que je suis maintenant dans la fable historique !

Source image: Magazine Mare Nostrum (envoyée par Azouz Begag)
Tawfiq BELFADEL : Votre père (paix à son âme) est omniprésent dans vos livres : s’agit-il d’un simple hommage ou d’un mythe personnel ?
Azouz Begag : Dans les histoires d’immigration, les pères ont été les figures de proue des aventures, de l’exil. Ce sont d’abord eux qui sont venus en France, puis les familles ont suivi. Je parle souvent du mien, en hommage, et comme un mythe personnel. C’est mon Ulysse à moi. Son exil a été mon Odyssée. Sa vie est inépuisable, même s’il n’est plus de ce monde. Quant à moi, je suis hanté par l’exil depuis que je suis né.
Tawfiq BELFADEL : L’humour est prépondérant dans vos écrits ; un moyen de divertissement ou un outil porteur d’autres intentions ?
Azouz Begag : Je suis né en riant ! Certainement pour éradiquer les traumas de l’exil reçus en héritage à ma naissance. Ensuite, ce trait de ma personnalité a été grandissant dans mon développement personnel. Intuitivement, j’ai toujours senti que le rire permettait un rapprochement avec les Autres. L’autodérision m’a souvent permis de défaire des nœuds. Les films anglais des Monty Pithon, La vie de Bryan, ceux du cinéma italien des années soixante-dix (Affreux, sales et méchants, Pain et Chocolat… ) sont mes références. Dans les romans, je peux faire passer tellement d’émotions avec l’humour. C’est une source inépuisable de partage avec les lecteurs. Ne me secouez pas, je suis plein de larmes !
Entretien réalisé avec Tawfiq BELFADEL
Source : Lecture-Monde (Le 03 mai 2025)
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