La mort de Koyo Kouoh, passeuse d’art contemporain africain

La curatrice de 58 ans, qui devait être la commissaire de la prochaine biennale de Venise, est morte dans la nuit du 9 mai. Elle s’était imposée comme l’une des plus importantes commissaires d’exposition africaines.

Le Monde  – Le 20 mai, Koyo Kouoh devait présenter la thématique de la prochaine édition de la Biennale d’art de Venise, qui doit se tenir en mai 2026 et dont elle avait été nommée commissaire en décembre. Première Africaine à occuper de telles fonctions, elle s’était imposée comme l’une des plus importantes curatrices issues du continent noir. Dès l’annonce de sa mort soudaine survenue dans la nuit du 9 mai, à l’âge de 58 ans, les hommages ont plu sur les réseaux sociaux. « Nous ne sommes pas prêts à un monde sans toi », s’est aussitôt ému sur Instagram l’artiste français Eric Baudelaire. « Ton passage sur terre a été et sera toujours une inspiration sans fin de ma vie », a renchéri le plasticien Kader Attia.

Koyo Kouoh avait le don d’imposer le respect, avec ses beaux yeux mordorés et son phrasé calme mais ferme. « Il faut arrêter d’avoir une image dépréciée de nous-mêmes, répétait-elle. Il n’y a rien de diminutif dans l’adjectif africain. L’Europe et l’Amérique, on s’y cogne pendant des années et on nous dévisage avant de nous laisser entrer. Je me fiche qu’on me laisse être ou pas à leur table. Je dresse ma propre table, à eux de venir manger à la mienne. »

Sur tous les sujets d’actualité, elle avait un avis aussi ferme que tranché. « Il n’y a même pas de discussion à avoir : il faut rendre, nous avait-elle confié au sujet des restitutions de biens culturels pillés. On a dépossédé des peuples de ce qui constitue leur génie culturel, tout en leur niant toute humanité. C’est scandaleux et honteux. » Elle n’en maniait pas moins l’art du compromis. « En Afrique, tout se négocie, assurait-elle. Aller à la confrontation ne mène à rien. »

Un sentiment d’africanité

Née en 1967 à Douala, au Cameroun, Koyo Kouoh s’installe à l’âge de 13 ans avec ses parents à Zurich. Pour gagner son indépendance, elle opte sans conviction pour l’économie, travaille un temps dans le secteur bancaire. Mais, très vite, l’art et la littérature la rattrapent. Et plus encore un sentiment d’africanité. « Je me suis rendu compte que j’étais Africaine et Noire, nous avait-elle raconté. Je me retrouvais dans un spectacle dont je n’étais pas exclue, mais où je n’avais pas de rôle. »

Sa « faim d’Afrique », comme elle disait, la conduit en 1995 à Dakar, où elle se rend pour interviewer le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène. Séduite par le cosmopolitisme de la ville, elle décide de s’y installer l’année suivante. De 1998 à 2002, elle coordonne le programme culturel de l’Institut de Gorée, assure le cocommissariat des Rencontres photographiques de Bamako en 2001 et 2003, avant de collaborer avec la Biennale de Dakar.

Dans la capitale sénégalaise, elle ouvre, en 2011, Raw Material Company, un centre d’art doublé d’une résidence d’artistes, aussi ancré dans la scène locale qu’animé d’une ambition globale. « C’était très important pour moi de brouiller les pistes, qu’il n’y ait pas le mot Afrique dedans mais qu’on y trouve un mot africain, disait-elle. Raw signifie brut en anglais, mais en wolof cela veut dire pionnier. C’était tout aussi important qu’il n’y ait pas le mot art. »

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Source : Le Monde – (Le 10 mai 2025)

 

 

 

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