
plusieurs centaines de Maliens, certains poings levés et drapeau national en mains, ont ouvertement défié les militaires qui les dirigent. Une manifestation inédite, symbolique, dont les images ont largement circulé sur les réseaux sociaux et dans laquelle nombre d’opposants ont perçu les prémices d’un réveil démocratique.
– « Vive la démocratie ! », « A bas la dictature ! ». Depuis son arrivée au pouvoir par un coup d’Etat, le 18 août 2020, jamais de tels slogans n’avaient été scandés contre la junte du général Assimi Goïta. Samedi 3 mai à Bamako,Le déclencheur de ce mouvement : la volonté de la junte de dissoudre les partis politiques et de nommer, sans élection, le général Goïta président de la République pour un mandat renouvelable de cinq ans à partir de 2025. Ses homologues putschistes à la tête du Burkina Faso et du Niger, pays voisins avec lesquels le Mali forme l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ont déjà fait de même. Après la vaine attente d’élections générales – qui étaient promises pour mars 2024 au plus tard –, cette annonce a été l’outrage de trop pour les responsables des principales formations politiques.
Longtemps muets face aux militaires au pouvoir, ils ont annoncé leur intention de leur faire barrage, érigeant leur cause en lutte pour la survie de la démocratie malienne. De fait, plusieurs d’entre eux jouent habilement la filiation avec la révolution populaire de 1991, épisode clé de l’histoire nationale qui a conduit à la chute de la dictature militaire de Moussa Traoré et à l’avènement du multipartisme. Trois décennies plus tard, le bouillonnement en cours montre que les Maliens demeurent attachés à leur système démocratique en dépit de ses nombreuses imperfections.
Défis économiques
Une brèche est désormais ouverte dans le pouvoir de la junte d’Assimi Goïta. Nul ne sait jusqu’où elle s’étendra, mais elle pourrait encore s’agrandir, vendredi, lors d’une journée durant laquelle les partis et leurs soutiens ont appelé à une grande manifestation place de l’Indépendance, à Bamako.
En cinq ans, jamais le général Goïta et ses camarades putschistes n’avaient été sous une telle pression. Eux-mêmes divisés sur la suite à donner à la « transition », ils savent que la rue bamakoise, qui avait précipité la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta et acclamé leur coup d’Etat, pourrait se retourner. Ferme, le gouvernement a suspendu les activités des partis et associations politiques, mercredi, afin d’empêcher leur rassemblement deux jours plus tard.
Les organisateurs l’assurent : ils se rendront quoi qu’il arrive place de l’Indépendance, où ils espèrent réunir des milliers de participants. Au-delà de l’enjeu politique et de la volonté des putschistes de s’éterniser au pouvoir, ils savent qu’ils peuvent agréger un vivier de citoyens lassés de voir leur vie quotidienne se dégrader.
Hausse généralisée des prix, fourniture d’électricité limitée à quelques heures par jour, chômage persistant, commerce au ralenti… L’incapacité des militaires à répondre à ces défis économiques a fini par éroder leur popularité, bâtie sur l’écœurement des Maliens envers une classe politique qui n’avait su résoudre aucun des problèmes structurels du pays, tels la fracture nord-sud ou les difficultés à bâtir une économie performante.
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