Santé, les Mauritaniens continuent de se soigner à l’étranger

Lauthentic.info – Un posting sur l’état de la santé en Mauritanie de l’ancien ministre de la Santé, Isselmou Ould Abdel Kader, partant d’une anecdote de malades mauritaniens en rang quotidien devant un centre de santé à Richard Toll au Sénégal, et sa position par rapport à la libéralisation sauvage du secteur, a suffi, à provoquer contre lui l’ire de quelques membres de la corporation.

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Des passants devant le centre de santé de Richard Toll (Sénégal)

 

Dans un posting intitulé « qui peut me prêter un argument », l’ancien Wali et ancien ministre de la Santé, Isselmou Ould Abdel Kader qui est également juriste, raconte comment à Rosso il a appris, et sans le croire au départ, que des malades mauritaniens, parfois venant de localités hors du Trarza, forment des rangs quotidiens devant un centre de santé situé à Richard Toll, une proche bourgade sénégalaise, alors que Rosso compte au moins un hôpital régional, plusieurs centres et postes de santé. Et d’émettre un constat : « après mon retour, j’ai rendu visite à notre hôpital national et j’ai tout compris. Je ne suis plus étonné par notre sort à la fois pitoyable et honteux. »

Isselmou Ould Abdel Kader nie cependant toute dissension par rapport au pouvoir de Mohamed Cheikh Ghazouani et de son gouvernement, qu’il continue de soutenir. « Mais aujourd’hui, en sortant de l’hôpital national, j’ai senti le besoin d’argument pour ne pas leur fausser le chemin » a-t-il précisé, s’interrogeant sur ce qu’il peut faire dans un pays « où la santé publique a été sacrifiée pour les beaux yeux de la santé privée et où la vie humaine se vend comme un morceau de pain. »

L’argumentaire qui a fâché certains médecins

Plus d’une trentaine de commentaires, émanant pour la plupart de praticiens de la santé et de simples citoyens, ont suivi ce posting, dont certains très vitriolés.

C’est le cas de l’un d’entre eux qui s’est demandé « et lorsque vous étiez ministre de la santé, vous avez fait quoi pour améliorer le secteur vital du pays ? » Un autre enchaîne « si vous aviez fourni des efforts durant votre temps, on ne sera pas à ce stade ».

Une diatribe à laquelle Isselmou Ould Abdel Kader avait répondu dans une vidéo explicative où il a rappelé n’être resté à la tête du département que pendant neuf mois. Une courte période durant laquelle il a supervisé la mise en place de plusieurs hôpitaux régionaux, procédé à l’achat pour 10 millions d’ouguiyas d’un câble qui manquait au fonctionnement de l’hôpital de Nouadhibou. Selon lui, le budget du département était à l’époque mille fois moindre que le budget alloué à la santé aujourd’hui et que la situation n’était pas aussi catastrophique. Puis, en termes de probité, il affirme avoir quitté le département avec trois mois d’indemnités (450.000 UM) et à pied, ne possédant pas de voiture et que ce sont des collègues qui se sont cotisés pour lui en payer une.

Opposition farouche à la libéralisation du secteur

Isselmou Ould Abdel Kader, bien qu’il reconnaisse l’utilité de la santé privée, s’oppose cependant à la libéralisation sauvage qui a transformé le secteur de la santé, selon ses dires, en un lieu « où la vie humaine se vend comme un morceau de pain. » Il reconnait en effet le rôle éminent que joue le secteur privé en général et la médecine privée en particulier.

Profil pour ‎Centre Hospitalier National de Nouakchott مركز الاستطباب الوطني بانواكشوط‎
Hôpital National Nouakchott

 

Il affirme cependant que la pratique de la médecine privée en Mauritanie est différente des autres pays, pointant du doigt l’absence de réglementation et de contrôle sur les services privés de santé, appelant à une délimitation à faire entre les deux secteurs, public et privé, pour déterminer leurs champs de responsabilités respectives.

C’est ce dernier argument qui lui a surtout valu l’ire des praticiens. Certains d’entre eux lui ont répondu que dans un pays où l’Etat a aidé tous les secteurs à coups de milliards, la médecine privée n’a bénéficié d’aucune ouguiya. Ils précisent que les grandes cliniques privées ont vu le jour grâce à des fonds privés et des prêts bancaires avec des taux exorbitants. Selon les médecins exerçant dans le privé, leur secteur contribue à offrir des soins de qualité et que partout dans le monde, elle s’adresse à une certaine classe sociale, participant ainsi indirectement à l’amélioration du secteur public en désengorgeant les hôpitaux et en introduisant des techniques de pointe.

D’autres commentaires trouvent honteux que dans un pays comme le nôtre, la santé s’assigne une mission privée rendue par des médecins formés sur les fonds publics et dont le personnel se recrute, du garçon de salle jusqu’au professeur, sur les ressources humaines de l’Etat, ou à peu prés. Dans certains pays, évoquent-ils, la médecine privée est uniquement réservée aux Professeurs ou des médecins légistes. Pour les tenants de ce point de vue, la santé des citoyens ne doit jamais être monnayée.

Il y a ceux qui trouvent que les grands enjeux autour de la libéralisation du secteur de la santé, avec pour corollaire le recul de la déontologie médicale et du Serment d’Hippocrate, sont aggravés par l’appétit jamais assouvi de l’homme mauritanien qui veut gagner toujours encore plus. Bien évidemment, d’autres facteurs selon certains, tels que les faux médicaments, viennent expliquer l’inefficacité des soins médicaux et la ruée exponentielle des malades mauritaniens vers l’étranger. Beaucoup trouvent que les cliniques privées sont aujourd’hui gérées comme des boutiques ou des épiceries, avec le regard rivé uniquement sur les chiffres d’affaires et non sur l’amélioration des soins de santé.

Comme le dit Isselmou Abdel Kader, « il y a beaucoup de choses qui restent sous le couvercle que je ne voudrais pas soulever »

 

 

 

Cheikh Aïdara

 

 

 

 

Source : Lauthentic.info (Mauritanie)

 

 

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