
Sénégal a invalidé mercredi 23 avril une loi phare du nouveau pouvoir révisant l’amnistie votée sous l’ancien président Macky Sall, la jugeant « contraire à la Constitution », mais en indiquant que les crimes présumés sous l’ex-dirigeant sont « imprescriptibles » et peuvent être jugés, selon un arrêt de la juridiction. Les camps du pouvoir et de l’opposition interprétaient différemment l’arrêt du Conseil, chacun estimant avoir eu gain de cause.
– Le Conseil constitutionnel duUne loi d’amnistie avait été adoptée en mars 2024, dans les dernières semaines de la présidence de Macky Sall (2012-2024), afin d’apaiser les tensions politiques qui ont secoué le pays entre 2021 et 2024, avec des dizaines de morts et des centaines d’opposants arrêtés, dont l’actuel président Bassirou Diomaye Faye et le premier ministre Ousmane Sonko.
Le 2 avril, l’Assemblée nationale dominée par le nouveau pouvoir a approuvé une loi révisant la loi d’amnistie, une initiative très critiquée par la nouvelle opposition. Le nouveau texte ouvrait la voie à des poursuites contre des hauts responsables de l’ancien régime concernant les événements meurtriers de 2021 à 2024.
Le Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition mi-avril, a estimé qu’une disposition de la nouvelle loi, son premier article, « est contraire à la Constitution », selon l’arrêt publié mercredi. En outre, « en incluant » dans le champ de l’amnistie « des faits tenus pour criminels d’après les règles du droit international » et « imprescriptibles au regard des engagements internationaux » du Sénégal, le nouveau texte « viole la Constitution ».
« Un rejet qui constitue un désaveu cinglant »
La nouvelle loi invalidée avait, dans son article premier, voulu amnistier « les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle ayant une motivation politique ou se rapportant à des manifestations [liées] à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique », ce qui revenait à protéger ses partisans protestataires.
Le parti au pouvoir estime que sa revendication « de ne pas laisser impunis les crimes de sang » est satisfaite parce que la décision du Conseil « confère aux victimes la possibilité de déposer des plaintes », dans un communiqué mercredi soir.
La décision du Conseil est « un rejet qui constitue un désaveu cinglant » pour le pouvoir qui doit s’y « soumettre scrupuleusement », a précisé le parti de l’ancien président Sall, dans un communiqué mercredi soir. Pour la coalition menée par cette formation, le Conseil a « mis fin à la diabolique tentative » des nouvelles autorités, dans un communiqué distinct.
La nouvelle loi « a été déclarée non conforme à la Constitution dans son article 1er [sur les faits susceptibles d’être amnistiés]. Le Conseil considère que cet article viole le principe de l’égalité des citoyens devant la loi et n’est pas clair », a commenté, à l’Agence france-Presse (AFP), un professeur agrégé de droit constitutionnel. « Une loi étant un tout, le Conseil l’a rejetée et elle ne peut pas être promulguée par le chef de l’Etat », a ajouté cette source qui a requis l’anonymat.
Au moins 65 morts
Mais le Conseil dit aussi que « les crimes, tortures, assassinats etc. sont imprescriptibles et peuvent être jugés. Le pouvoir a eu gain de cause sur ce plan », a-t-elle poursuivi. Le nouveau pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, vainqueur du scrutin présidentiel de mars 2024, avait promis d’abroger la loi d’amnistie « pour que toute la lumière soit faite ».
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