Le Qatar, médiateur tous azimuts en Afrique, entre coups diplomatiques et entremises en demi-teinte

Darfour, Tchad et dernièrement RDC… L’émirat s’investit de plus en plus dans la réduction des conflits sur le continent, où ses relations et son influence vont croissant. Mais toutes ses médiations sont loin d’être couronnées de succès.

Le Monde – Si le Qatar mesure au quotidien la difficulté de trouver des arrangements entre Israël et le Hamas, l’émirat se frotte désormais à un conflit tout aussi inextricable, celui qui sévit depuis trente ans dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Le 18 mars, à la surprise générale, l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani a ainsi réuni face à face à Doha deux protagonistes de la crise, le président congolais, Félix Tshisekedi, et son homologue rwandais, Paul Kagame, premier soutien des rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), qui ont conquis depuis janvier de vastes territoires de l’est de la RDC, dont Goma et Bukavu, capitales respectives du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Le coup diplomatique a pu être réalisé grâce à l’entregent du souverain qatari, dont les solides relations nouées avec Paul Kagame se sont concrétisées notamment par les investissements de Qatar Airways dans la compagnie aérienne rwandaise et dans l’aéroport en construction à l’est de Kigali, et par la sollicitation de Félix Tshisekedi, qui requérait sa médiation depuis fin 2022.

La rencontre a provoqué la fureur de l’Angola, jusque-là chargé de trouver une issue pacifique à la guerre, qui n’a pas tardé à répliquer à ce qu’il considère comme une interférence étrangère dans des affaires africaines en poussant le président togolais, Faure Gnassingbé, à devenir le médiateur de l’Union africaine (UA) dans ce dossier. Elle a toutefois permis un premier contact, à Doha, fin mars, entre les émissaires envoyés par Kinshasa et ceux de la rébellion congolaises pour poser les bases de futures négociations. Un deuxième round de discussions se tient, au même endroit, depuis le 10 mars, dans la plus grande confidentialité mais seraient compliquées par les préalables posées par chacune des parties.

A la veille de son ouverture, les bonnes fées qataries laissaient percer « les failles de leur stratégie d’approche », selon les termes d’un diplomate africain. « Que pouvons-nous apporter à chacune des parties ? », questionnait alors, avec une certaine candeur, un responsable de l’émirat.

« Ils ont conscience de leurs faiblesses »

« Le Qatar soutient les efforts de médiation en Afrique depuis des décennies, explique Anna Jacobs, chercheuse non résidente à l’Arab Gulf States Institute, à Washington. Mais ceux-ci se sont indéniablement intensifiés, ces dernières années, à mesure que le pays a développé son expertise en médiation et renforcé ses relations et son influence sur le continent. »

Consciente de sa nécessaire professionnalisation, la diplomatie africaine du Qatar a connu un changement de tête en septembre 2024. Celle-ci est passée des mains de Mutlaq Bin Majed Al-Qahtani, l’envoyé spécial du ministère des affaires étrangères pour les médiations et le contre-terrorisme – « une sorte d’autoentrepreneur diplomatique capable d’aller chercher lui-même des négociations », comme le remarque Benjamin Augé, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) –, à celles de Mohammed Bin Abdulaziz Al-Khulaifi, le ministre d’Etat aux affaires étrangères, et des services de renseignements extérieurs.

« Cela devrait permettre de garder les négociations plus secrètes, comme on l’observe pour la RDC, dont n’a filtré aucune image ou déclaration, poursuit Benjamin Augé. Mais ils ont conscience de leurs faiblesses et négocient avec les Suisses et l’Union européenne pour les aider à monter en compétence. Les médiations du Qatar sont souvent en demi-teinte du fait de son manque de personnel compétent. »

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Source : Le Monde – (Le 17 avril 2025)

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