
Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef, au pouvoir), a annoncé avoir déposé une proposition de résolution visant la mise en accusation de l’ex-chef de l’Etat. Il pointe « des faits susceptibles de relever de la haute trahison dans le cadre de l’exercice de ses fonctions présidentielles ».
– L’horizon s’assombrit à Dakar pour l’ancien président sénégalais Macky Sall et ses proches. Mardi 15 avril, le député Guy Marius Sagna, qui siège sous les couleurs des Patriotes africains duSelon le député, représentant de l’aile gauche du groupe parlementaire du Pastef, les faits révélés par un rapport de la Cour des comptes en février, notamment la contraction d’une dette publique en dehors du circuit budgétaire, l’usage irrégulier de comptes de dépôt au Trésor, la dissimulation du déficit réel de l’Etat et, « plus généralement, la mise en œuvre d’un système de gouvernance opaque et dissimulatrice », peuvent être assimilés à de la haute trahison.
Depuis l’installation du Pastef à la tête de l’Etat, ses cadres promettent ce qu’ils appellent « la reddition des comptes ». Ils ont lancé une série d’audits, avec dans le viseur des responsables de l’ancien régime qu’ils accusent de gabegie ou de malversations. Et en décembre 2024, les députés du Pastef ont installé les membres de la Haute Cour de justice, seule habilitée à juger les anciens ministres et présidents. Depuis l’indépendance du Sénégal, cette juridiction spéciale présidée par un magistrat et composée de députés n’a rendu qu’un seul jugement, en 1963, contre l’ancien président du conseil Mamadou Dia.
Une démarche « inédite »
Depuis la mise en place de la cour, le nom de l’ancien président s’invite toujours plus dans les bouches des cadres du Pastef. « Inévitablement [Macky Sall] fera face à la justice. Il est le premier responsable d’actes extrêmement graves », a ainsi affirmé le porte-parole du gouvernement, Moustapha Njekk Sarré, le 28 février sur la radio privée RFM.
L’entourage de l’ancien président a commencé à faire les frais de cette « reddition des comptes ». Son griot Farba Ngom, élu sous les couleurs de l’Alliance pour la République (APR), a vu son immunité parlementaire levée en janvier, puis a été placé sous mandat de dépôt en février dans le cadre d’une enquête pour « blanchiment, escroquerie sur les deniers publics et association de malfaiteurs ».
Mansour Faye, le beau-frère de Macky Sall et actuel maire de Saint-Louis, a reçu le 14 avril une notification lui interdisant de quitter le territoire national. Selon toute vraisemblance, c’est son rôle dans la gestion du fonds mobilisé pour lutter contre la pandémie de Covid-19 qui est en cause. Alors ministre, Mansour Faye était chargé de l’achat et de la distribution de l’aide alimentaire. Un rapport de la Cour des comptes paru en 2022 soulignait des fautes de gestion et des infractions pénales dans la gestion du fonds.
La mise en accusation lancée par Guy Marius Sagna doit encore être examinée par l’Assemblée nationale. Une majorité aux trois cinquièmes est requise pour engager la procédure, soit 99 députés sur les 165 – le Pastef en compte 130. Mais une fois le dossier devant la Haute Cour de justice, des juristes devront encore se pencher sur le dossier et statuer si les faits commis peuvent s’apparenter à de la trahison, dont la définition précise reste floue. « C’est une démarche inédite et je crois qu’elle n’a aucune chance d’aboutir. Des rapports financiers ne font pas une accusation en haute trahison », estime Luc Sarr, cadre de l’APR et ancien conseiller de Macky Sall.
« Poisson d’avril »
L’ex-président, lui, réside toujours au Maroc, où il a monté une entreprise pour mener des activités de conseil, Semo Holding, ainsi qu’une fondation à son nom « pour la paix, le dialogue et le développement ». Alors que Guy Marius Sagna préparait son attaque, il était à Séoul, invité au sommet de la Fédération pour la paix universelle.
Le 8 avril, il est aussi devenu membre du conseil de la Fondation Mo Ibrahim, populaire et bien implantée en Afrique. Sa nomination au sein de cette organisation dont l’action est centrée sur la bonne gouvernance a suscité de nombreuses réactions. « J’ai d’abord cru à un poisson d’avril ! », a lancé son ancienne première ministre Aminata Touré, depuis ralliée au nouveau président, pointant une nomination « en plein scandale de la dette cachée ».
« Certes, il pourrait se diriger vers une carrière à l’international, mais il a le souci de son pays », souffle un dirigeant de l’APR sous le couvert de l’anonymat. Une manière de dire que l’ancien président n’a pour le moment pas abandonné la politique sénégalaise. De fait, il reste le numéro un de l’APR. Il a même revu l’organisation interne du parti en mars. « Et c’est bien pour cela qu’il est visé, s’agace Luc Sarr. Il reste la voix d’opposition la plus forte face aux nouvelles autorités. »
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