En Afrique du Sud, le procès d’un pasteur charismatique accusé de multiples viols tourne au fiasco

Soupçonné d’avoir agressé sexuellement une trentaine de jeunes femmes, le télévangéliste nigérian Timothy Omotoso a été acquitté. La juge a déploré les nombreux manquements du parquet sud-africain dans cette affaire.

Le Monde – A première vue, la culpabilité de Timothy Omotoso semblait acquise. L’affaire de ce pasteur télévangéliste nigérian accusé de viols, d’agressions sexuelles et de trafic d’êtres humains était devenue le symbole d’un timide début de mouvement #MeToo en Afrique du Sud. La condamnation attendue devait servir d’exemple. Au lieu de ça, mercredi 2 avril, après huit années de détention provisoire, M. Omotoso, 66 ans, est ressorti libre du tribunal, acquitté. Etrillé par la juge dans son prononcé, le parquet sud-africain est accusé d’avoir bâclé l’affaire.

En 2017, l’arrestation du Nigérian dans les toilettes d’un aéroport sud-africain, alors qu’il tentait de fuir le pays, avait fait les gros titres. Pasteur charismatique à la tête de la Jesus Dominion International, une église basée à Durban et qui revendique des branches au Nigeria, au Royaume-Uni, en France et en Israël, le télévangéliste, qui assure soigner les malades et accomplir des miracles, était alors soupçonné de viols et d’agressions sexuelles sur une trentaine de personnes.

Membres de son église, souvent passionnées de gospel, ces jeunes femmes racontent avoir été conviées dans l’une des propriétés du pasteur, à Durban. D’après leurs récits, elles se retrouvaient parfois jusqu’à vingt-cinq dans cette maison, sous prétexte de travailler leur chant ou d’approfondir leur foi. Les victimes présumées expliquent qu’elles étaient invitées à tour de rôle dans la chambre de Timothy Omotoso pour des « rendez-vous ».

Toutes décrivent ensuite le même schéma : arrivées dans la chambre, elles se prosternaient et massaient les pieds du pasteur, avant d’être agressées sexuellement ou violées. Selon elles, M. Omotoso exigeait ensuite qu’elles prennent une douche, avant de prier avec elles pour « demander pardon à Dieu » parce qu’ils avaient « péché ».

Conflit d’intérêts

En 2018, le début des audiences, aux côtés de deux assistantes accusées d’avoir servi de recruteuses, passionne les foules. Pour la première fois, un procès pour abus sexuels est diffusé en direct dans ce pays où les violences envers les femmes sont endémiques – l’Afrique du Sud affiche un taux de féminicide parmi les plus élevés au monde. Mais rapidement, la défense obtient la récusation du juge pour conflit d’intérêts, et le procès est reporté. Cet accroc est le premier d’une longue série qui vient donc de s’achever, le 2 avril, sur ces mots de la juge Irma Schoeman : « L’Etat n’a pas prouvé ses accusations au-delà de tout doute raisonnable. Les accusés sont déclarés non coupables. »

Dans son jugement, la magistrate dresse un réquisitoire cinglant contre les procureurs de la National Prosecuting Authority (NPA), le parquet sud-africain, qui se voient notamment reprocher la « médiocrité » du contre-interrogatoire du principal accusé. « Décousu à l’extrême », « superficiel » et « manquant d’intention de faire émerger la vérité », l’interrogatoire de Timothy Omotoso par l’accusation a été « si mauvais », assène la juge, que son témoignage n’a « pas été du tout contesté ». L’accusé « n’a pas été interrogé sur ses démentis vis-à-vis des témoignages des plaignantes » et « il n’y a eu aucune tentative de faire ressortir des incohérences ou des improbabilités », poursuit-elle.

Lire la suite

 

 (Johannesburg, correspondance)

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page