
Slate – Ce qu’il y a de proprement sidérant chez Donald Trump, c’est sa capacité à repousser à l’infini les limites de sa propre bêtise. Il faut le dire, en la matière, il est sans rival. On a beau s’attendre à tout avec lui, il parvient toujours à se surpasser et à atteindre un niveau d’incurie tel que l’on finit par se demander si Dieu en personne ne l’a pas choisi pour illustrer le pire de la nature humaine, quand elle se laisse aller à ses mauvais penchants.
Dans cette histoire de droits de douane et de guerre commerciale déclarée au monde entier, il a encore démontré à quel point il maîtrisait à la perfection l’art d’apparaître encore plus stupide qu’il n’y paraît. De fanfaronnades en rodomontades, de déclarations foireuses en tweets grandiloquents, il a cru berner tout son monde avant de réaliser que personne, absolument personne, n’entrevoyait le moindre début de logique à ses intentions. Longtemps, comme l’idiot occupé à scier sa propre branche, il a voulu croire à l’audace de son génie, à la magnificence de son intelligence, avant que les marchés financiers le contraignent à redescendre de son olympe.
L’abruti est comme le génie. Ils pensent tous les deux avoir raison contre tout le monde. La seule différence étant que l’un, par sa vision, révolutionne la manière de penser, là ou l’autre s’enfonce allègrement dans les marécages de sa bêtise, mais en y mettant un tel entrain que le temps d’un instant, on serait presque tenté de croire en ses fulgurances.
Las, à l’heure des comptes, quand la réalité reprend le dessus, on s’aperçoit que derrière toute cette agitation, il n’y avait rien si ce n’est de l’esbroufe, du bavardage, de la crânerie, un condensé de n’importe quoi comparable en cela aux bouffées délirantes d’un pauvre fou qui, enfermé dans son asile, hurle à qui veut l’entendre qu’il est le nouveau messie dépêché pour sauver le monde.
Le trumpisme est un fascisme qui a la bêtise comme fondement absolu.
Évidemment, c’est sa fonction de président des États-Unis qui protège Donald Trump. Pour le commun des mortels, quiconque occupe un poste aussi prestigieux ne peut être façonné par la bêtise. Il est forcément intelligent, sans quoi il ne serait pas président. Ce sophisme largement répandu permet au plus parfait des corniauds d’accéder ainsi au sommet de l’État, auréolé d’un brio qu’il est loin de posséder.
Ce biais est si profondément ancré en nous que quand Donald Trump part dans une de ces pétaradantes croisades, malgré l’apparente ineptie de son raisonnement, pris au piège de nos présupposés, on en vient à se demander si derrière l’inconséquence des idées émises, il ne se cacherait pas tout un mécanisme savant dont la logique nous échappe, mais qui apparaîtra au grand jour, quand elles seront mises en pratique.
Lui-même en est sincèrement convaincu. Il y a chez Donald Trump une propension infinie à croire en son propre génie, en sa géniale intuition. Sa force de persuasion est telle –c’est d’ailleurs là son seul talent– qu’il parvient à convaincre des millions d’électeurs que cette attestation repose sur des faits concrets et non sur des fantasmes. Or, qui n’a jamais entendu parler Donald Trump lors d’une conférence de presse ou d’un débat télévisé est convaincu d’une chose: cet homme a la bêtise chevillée au corps et à l’âme.
Une bêtise monstrueuse, une bêtise arrogante, une bêtise d’autant plus éclatante qu’elle repose sur la conviction de s’asseoir sur une intelligence hors pair. C’est cet écart prodigieux entre ce que pense être Donald Trump –un génie– et ce qu’il est –un idiot patenté–, qui donne au personnage tout son attrait, comme un début de fascination. Quand la bêtise se donne les atours de l’intelligence, elle possède un je-ne-sais-quoi de scintillant qui provoque un mélange de sidération et d’admiration, une sorte de vertige dont on a du mal à saisir la véritable nature.
Cette semaine, avec tous ces rebondissements successifs, a été des plus éprouvantes. Elle a amené le monde au bord du chaos. Elle aura eu cependant une vertu, celle de démontrer à la face du monde que l’homme qui occupe le Bureau ovale n’a strictement aucune idée de comment fonctionne l’économie. Pas plus qu’il ne comprend la géopolitique ou la façon dont s’articulent les relations internationales. Un ignorant, donc.
Mais quand l’ignorance s’acoquine avec la volonté de puissance, elle devient une arme des plus redoutables. Elle terrifie parce qu’elle échappe à toute rationalité. Elle effraie, elle scandalise, elle finit par rendre fou. Elle s’exerce avec la brutalité du soudard qui croit dans le seul exercice de la force. Elle s’avance sans fard, sûre de son bon droit. Et si on ne lui oppose pas une résistance farouche, elle a un pouvoir d’entraînement qui ne connaît pas de limites. Le trumpisme est un fascisme qui a la bêtise comme fondement absolu.
Source : Slate (France)
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