Entre la Chine et les Etats-Unis, l’Union européenne cherche la bonne distance

L’offensive de Donald Trump échaude les Européens, qui se méfient également des pratiques commerciales déloyales de la Chine, avec laquelle ils tentent de bâtir une relation plus équilibrée.

Le Monde  – Bien entendu, l’Union européenne (UE) ne répondra pas au président chinois, Xi Jinping, qui l’a appelée, vendredi 11 avril, à l’occasion d’une visite du premier ministre espagnol Pedro Sanchez, à « résister ensemble » à « la coercition unilatérale » de Washington. Elle n’aurait, à vrai dire, aucun intérêt, dans le contexte actuel, à le faire.

Certes, les Etats-Unis restent, même aujourd’hui, un allié des Vingt-Sept, quand, depuis 2019, ils voient dans la Chine un « partenaire, concurrent et rival systémique ». « Il n’y aura pas de bascule. Nos intérêts stratégiques resteront plus proches de ceux des Etats-Unis, en termes de valeurs, de démocratie », insiste un diplomate européen. Mais l’offensive protectionniste du président américain, sa gestion du dossier ukrainien avec Moscou, sans parler du risque de voir Washington se désintéresser de la sécurité du Vieux Continent ont convaincu même les plus transatlantistes d’entre eux de prendre leurs distances.

Pour autant, il ne s’agit pas de resserrer trop fortement les liens avec Pékin. Washington, engagé dans une guerre commerciale sans merci avec la Chine, n’apprécierait pas forcément. Ce serait un « pari perdant pour les Européens », qui reviendrait à « se trancher la gorge », a déclaré, le 9 avril, le secrétaire au Trésor Scott Bessent, qui avait alors en vue le déplacement de Pedro Sanchez. « Si on rentre dans le jeu chinois, on se fait prendre dans l’escalade des droits de douane », décrypte un diplomate européen.

Imprévisibilité

Jusqu’ici, Donald Trump n’a pas mis le dossier chinois dans l’équation de ses relations avec le Vieux Continent. Il n’a pas demandé aux Européens des gages sur le sujet, contrairement à son prédécesseur démocrate, Joe Biden, qui voulait les embarquer dans son combat contre la puissance chinoise. Mais rien ne dit que ça n’arrivera pas, compte tenu des pressions d’une partie de son camp et de l’imprévisibilité du père du Make America Great Again.

Comme les Etats-Unis, les Européens dénoncent les pratiques commerciales de la Chine, dont les produits, dopés aux subventions publiques, font une concurrence déloyale à leurs industriels et dont le marché leur reste largement fermé. « Ce n’est pas tout, ajoute un diplomate européen, la Chine aide très largement la Russie à contourner les sanctions européennes dont elle est la cible depuis la guerre en Ukraine. »

Pour autant, les Vingt-Sept ont besoin de la Chine. Non seulement, elle leur fournit, au-delà des produits de consommation courante bon marché, des matières premières stratégiques, comme le lithium, qui sont indispensables à leurs industries, mais en plus, elle leur achète nombre de produits, à commencer par les voitures allemandes, quand elle n’investit pas largement sur leurs terres, comme en Hongrie ou en Espagne.

Le découplage entre les économies américaine et chinoise qu’accélèrent les hausses de droits de douane les met face à un nouveau défi, celui de voir affluer sur le sol européen les surcapacités chinoises, qui ne s’exportent plus outre-Atlantique. Mais il force aussi la Chine à composer avec l’Union, si elle ne veut pas se couper du premier marché de consommateurs au monde. C’est en tout cas le pari de l’UE. « Aujourd’hui, l’UE a davantage besoin de la Chine et la Chine a davantage besoin de l’UE », résume Elvire Fabry, de l’institut Jacques Delors. Avant d’ajouter : « Paradoxalement, la Chine apparaît comme plus prévisible, ce qui, par les temps qui courent, n’est pas négligeable. »

Mardi 8 avril, lors d’un entretien téléphonique avec le premier ministre chinois, Li Qiang, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a, selon un communiqué publié dans la foulée, souligné le « rôle essentiel » de la Chine pour lutter contre cet « éventuel détournement », en particulier « dans les secteurs déjà touchés par la surcapacité mondiale ». « Li Qiang a assuré à Ursula von der Leyen que cela n’arriverait pas », confie une source.

Cela reste à voir. Les droits de douane que les Etats-Unis ont imposés sur l’acier et l’aluminium, à compter du 12 mars, se sont rapidement traduits pour l’UE par des importations croissantes de ces métaux en provenance de Chine. Dans la foulée, le 25 mars, la Commission a renforcé les mesures de sauvegarde pour protéger l’industrie sidérurgique européenne. Elle se dit aujourd’hui prête à faire de même dans d’autres secteurs si cela devait s’avérer nécessaire.

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 (Bruxelles, bureau européen)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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