
AFP – M. Camara a été gracié pour « raison de santé » par le chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya, selon un décret lu vendredi soir à la télévision nationale.
L’ancien président (2008-2010) et ancien chef d’une junte est sorti de prison dans la nuit de vendredi à samedi et se trouve dans la capitale Conakry.
« Toute sa liberté »
Des images, diffusées tard samedi soir à la télévision nationale, le montrent apparemment bien portant, faire les cent pas dans la cour de la prison et communiquant avec le ministre guinéen de la Justice. « A compter de cet instant, M. Moussa Dadis Camara est libre et retrouve toute sa liberté », a alors déclaré le ministre, Yaya Kairaba Kaba.
M. Dadis Camara a ensuite été escorté, par ce dernier, des gardes et des policiers, jusqu’à la sortie de la prison, selon ces images.
Il « a fait une brève escale chez lui (…) puis a été conduit dans une villa dans un quartier chic de Conakry où il est surveillé par des pick-up de la gendarmerie », avait indiqué samedi à l’AFP de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH).
Dans ce quartier de Kaporo, la présence inhabituelle depuis la nuit de vendredi à samedi de véhicules de la gendarmerie a alerté les riverains.
Une ambiance festive a régné samedi devant son domicile habituel à Lambagny, une banlieue nord de Conakry. Des proches, amis et anciens collaborateurs sont venus lui témoigner leur soutien, tout en sachant que M. Camara n’y était pas physiquement présent.
Pour Jostin Kaba, frère de M. Camara, sa libération est une preuve du climat démocratique qui règne, selon lui, dans le pays: « Toute la Guinée est en fête. Nous remercions le président Mamadi Doumbouya et son Premier ministre pour cet acte. Il est temps pour nous de nous pardonner et d’aller de l’avant ».
A l’issue d’un procès historique qui avait duré près de deux ans, M. Dadis Camara avait été condamné le 31 juillet 2024 à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité, pour sa responsabilité de commandement lors du massacre du 28 septembre 2009.
Ce jour-là, alors que M. Camara était président, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines d’autres blessées dans la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.
« Indignation »
« C’est avec beaucoup d’indignation que nous avons appris cette décision qui constitue une atteinte à l’honneur et à la dignité des victimes, mais aussi une violation des principes les plus basiques d’une bonne administration de la justice », a réagi auprès de l’AFP Alseny Sall, chargé de communication de l’OGDH. « Il y a un procès en appel en préparation dans ce dossier, mais aussi des accusés qui n’ont pas encore connu de début de procès ».
Interrogée par l’AFP, Binta (prénom modifié), victime d’agression sexuelle lors de l’irruption des militaires au stade, a raconté avoir appris la nouvelle de la grâce dans la nuit de vendredi à samedi par un proche.
Elle estime qu’il aurait fallu « prendre des mesures de sécurité pour toutes les victimes » avant de procéder à cette libération. « Parmi nous, certains ont déposé en public. Avec la sortie de Dadis, c’est leur vie qui est en danger », a-t-elle lancé.
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© AFP/Archives Le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte militaire, le 30 septembre 2009 à Conakry, en Guinée |
Aux côtés de M. Camara, sept autres personnes avaient été condamnées en 2024 à des peines allant jusqu’à la perpétuité pour leur responsabilité dans ce massacre.
Mercredi dernier, le général Doumbouya, chef de la junte arrivée au pouvoir par un putsch en 2021, avait annoncé la « prise en charge des frais d’indemnisation des victimes du massacre ».
Conakry (AFP)
Source : Courrier international (France)
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